La réponse de Me Verdier Depuis plusieurs années, l'évolution de l'urbanisme dans certaines villes donne lieu à la destruction de certains quartiers d'immeubles et de commerces pour voir construire de nouveaux ensembles. Il apparaît fréquemment que certains centres commerciaux de ville soient amenés à disparaître soit pour être reconstruits à la même place, soit pour être déplacés comme c'est votre cas. Les di fficultés que rencontrent les commerçants des centres commerciaux portent très souvent sur le fait que : • Le dialogue avec le bailleur ou la municipalité au regard de ces vastes projets immobiliers est quasiment inexistant. • Pendant une période qui peut être relativement longue (plusieurs années), on assiste à la résiliation progressive des baux commerciaux du centre commercial qui se trouve ainsi privé de toute attractivité puisque les commerces disparaissent les uns après les autres. • Pendant cette même période, l'ensemble des éléments du centre sou ffre progressivement de dégradations ou de défaut d'entretien, de suppression des parkings, de di fficultés pour accéder au centre commercial et aux commerces encore en activité, de l'absence de nettoyage ou de travaux d'entretien divers (peintures et autres). Ce qui a bien entendu des conséquences évidentes sur la commercialité pour les magasins qui subsistent. Faut-il accepter la situation et baisser les bras ? La réponse est clairement non.
Car comme dans tout bail commercial, le bailleur, propriétaire du centre commercial, a un certain nombre d'obligations à l'égard de ses locataires, dont le boulanger dans votre cas. Il a ce qui est communément appelé une obligation de délivrance. Elle l'oblige à donner à son locataire un local pour l'activité prévue par le bail, impliquant des possibilités d'accès et un environnement qui objectivement permet la commercialité. Il a également une obligation d'entretien des parties communes et des accessoires du centre commercial, nécessaire à l'usage des locaux donnés à bail.
La Cour de Cassation vient, dans un arrêt récent du 19 déc. 2012 (numéro 11- 23541) de rappeler lesdites obligations au bailleur qui les contestait. Ce dernier récusait l'ensemble de ses obligations à l'égard de son locataire et considérait qu'il n'était pas responsable de la situation du centre commercial et qu'il n'avait pas l'obligation en tout cas de maintenir une commercialité dans le centre. La Cour de Cassation a conclu que le bailleur avait commis des manquements graves à ses obligations légales. Le locataire, dans ce cas de figure, avait demandé à son bailleur la résiliation judiciaire de son bail et le paiement de diverses sommes d'argent pour défaut d'entretien. Dans ce type de contentieux, la solution est forcément radicale. Il est évident que vous ne pourrez jamais obtenir de la part du bailleur qu'il remette en service un centre commercial qu'il a décidé de fermer, ni qu'il y accomplisse des travaux ou des aménagements importants uniquement pour l'exploitation d'une boulangerie.
La seule solution apparaît en conséquence de demander la résiliation du bail, ce qui aura pour e ffet de mettre un terme à votre exploitation dans ce local et de solliciter la réparation de votre préjudice à votre propriétaire. Si celui-ci est également le propriétaire du nouveau centre commercial, il pourra éventuellement vous proposer d'y transférer votre activité. Dans ce cas, les demandes financières que vous aurez à lui formuler porteront sur le coût du déplacement de votre activité d'un local à un autre (comme dans le cadre d'une éviction avec transfert d'activité). Le bailleur devra en conséquence supporter le coût du démontage de l'ensemble du matériel, du transfert, de l'aménagement des nouveaux locaux et du trouble commercial que vous aurez subi pendant la période intermédiaire. Si vous n'êtes pas dans ce cas, les demandes financières à formuler à l'égard du propriétaire sont proches de celle de l'indemnité d'éviction, c'est-à-dire la valeur de votre fonds de commerce ainsi que les frais correspondants à une réinstallation dans un nouveau local commercial. Ces procédures sont relativement longues à prospérer.
Le conseilDès que vous avez connaissance d'un vaste projet de fermeture à terme du centre commercial dans lequel vous exercez, avec par conséquent le déplacement de la clientèle, il faut que vous preniez les devants et contactiez immédiatement le propriétaire pour connaître précisément ses intentions. En cas de diffi culté, n'hésitez pas à saisir le tribunal le plus tôt possible si les commerces sont progressivement fermés les uns après les autres. A défaut, votre activité va se trouver très rapidement totalement asphyxiée et vous n'aurez plus les moyens de maintenir votre chi ffre d'a ffaires et de payer vos charges.