Fondateur de Pain Vivant à Caen (Calvados), Diego Laporal n’a pas suivi une route toute tracée dans la boulangerie. Cuisinier, il s’y est d’abord intéressé en autodidacte : « En 2017, je travaillais dans un restaurant étoilé à Caen qui souhaitait fabriquer ses propres pains. » Ce Breton d’origine s’y colle à fond : « Je suis plutôt du genre déterminé quand je m’investis dans quelque chose », sourit-il.
Les pains pour sa boutique fermentent en bannetons pendant seize heures minimum avant cuisson. Photos : B. Guicheteau
Il lance sa première souche de levain liquide. Adepte des circuits courts, il tanne un agriculteur local pour qu’il le fournisse en blés normands anciens. À son domicile, il aménage un micro-fournil dans une annexe et construit un four à bois dans son jardin. Ses pains pétris à la main plaisent aux clients du restaurant, qui lui en passent commande le week-end. Peu à peu, Diego Laporal accroît son activité, et il profite d’une rupture conventionnelle intervenue juste avant la pandémie de Covid-19 pour se consacrer à la boulange, d’abord dans l’annexe de son jardin puis dans un hangar partagé en périphérie de Caen.
Il y installe un four à bois, cette fois commandé en kit, pour cuire sa courte gamme de pains bio, qu’il vend aux restaurateurs et bientôt aux particuliers sur les marchés.
Situé stratégiquement au fond du local, le four à gueulard assure deux cuissons quotidiennes.
Son CAP une fois en poche, il continue à développer son entreprise et son expertise à la faveur de rencontres, comme avec (le regretté) Thierry Delabre (alias Panedero Clandestino), chantre du pain nature au levain. « Il a été mon mentor dans le métier. Il m’inspirait », confie Diego Laporal, qui passe sur ses conseils d’une fabrication façon respectus panis (avec un très faible ensemencement et de longues fermentations) à la méthode du prépoussé bloqué, toujours en vigueur dans son fournil : « Pétrissage à 6 heures, mise au froid minimum seize heures, puis cuisson le lendemain », pour ses pains bio semi-complets nature, aux graines, aux fruits, au petit épeautre, riz-sarrasin et seigle, sur levain dur de blé. Et d’observer : « Faire un bon pain au levain ni trop dense ni trop acide reste complexe et requiert beaucoup de pratique. »
De la farine fraîche
Fort de son succès nourri par les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille, l’artisan a ouvert sa boutique l’été dernier à Caen, dans une ancienne poissonnerie excentrée. II y installe à nouveau un four à bois (voir encadré) et ajoute cette fois un moulin de type Astrié afin de pouvoir travailler chaque jour sa farine fraîche (types 80-110), gage de goût, de minéraux et de nutriments préservés. Dans le même objectif, il a conclu un partenariat avec une maraîchère normande pour qu’elle le fournisse en blés de population produits à partir de semences de variétés anciennes glanées par ses soins.
Dans sa boulangerie, la farine est moulue chaque jour pour le lendemain sur un moulin de type Astrié, visible depuis l’espace de vente.
« Faire un bon pain au levain ni trop dense ni trop acide reste complexe »
Le boulanger tient son engagement en faveur de la biodiversité d’une grand-mère maraîchère et de son parcours professionnel dans des restaurants gastronomiques à travers la France, « à la découverte de nouveaux terroirs et de cuisines d’auteurs inspirantes ». À son tour, il aimerait aujourd’hui mettre à profit son goût pour la cuisine végétale, les produits locaux et de saison, à travers le développement d’une petite collection de sandwichs gourmets au sein d’un local dédié en centre-ville. Il pense y proposer aussi ses New York rolls (lire LT n°341), ces disques faits de pâte à croissant et généreusement garnis de crèmes (vanille, pistache, citron, yuzu, gianduja), qui sont en rupture de stocktous les jours, comme ses pains d’ailleurs.
Stars du moment, les New York rolls sont généreusement garnis chaque jour à la douille.
Deux marchés par semaine
Étoffée depuis ses débuts en solitaire, son équipe fabrique une focaccia à la garniture variable selon le marché et l’envie du jour ; du shokupan, le fameux pain de mie japonais ultramoelleux sur un levain de panettone ; levain utilisé également pour les panettones (aux fruits confits ou au chocolat) à Noël. À cela s’ajoutent quelques viennoiseries (brioches, babkas, croissants, pains au chocolat), ainsi qu’un flan vanille ultra-gourmand sur un fond de pâte à la poudre de noisettes et fleur de sel.
Extra-moelleux, le shokupan est travaillé sur un levain de panettone avec une farine italienne T0. Le boulanger revendique une gamme de produits volontairement courte mais non standardisée.
En plus de la vente en boutique, Diego Laporal assure toujours la vente sur deux marchés par semaine. Il fournit également à quelques épiceries bio et Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, quinze restaurants et trois écoles primaires, un pain spécial, « plus rustique, fermenté quarante-huit heures en masse ». À l’avenir, il espère développer ses ateliers d’initiation à la meunerie – réservés pour le moment aux scolaires – afin de continuer à partager sa vision d’une alimentation de qualité et d’une boulangerie durable.