Rencontres
Karim, partagé entre la fabrication et la gérance, est épaulé par quatre boulangers-pâtissiers et par trois apprentis.
Karim, partagé entre la fabrication et la gérance, est épaulé par quatre boulangers-pâtissiers et par trois apprentis. © B.Lafeuille

La Briée, briocherie de spécialité

À la Briée, dans le 11e arrondissement de Paris, Karim Debsi et son équipe mettent à l’honneur des spécialités briochées traditionnelles des quatre coins de la France et des créations gourmandes qui sentent bon le beurre et les œufs frais.

De la gâche vendé­enne au kouglof alsacien, de la galette bressane au pastis landais, chaque recoin de France chérit sa fouace, sa pogne, son cramique… bref, sa spécia­lité briochée. Karim Debsi en a sélectionné une dizaine pour former la gamme permanente de La Briée, sa briocherie ouverte en novembre 2019 dans le onzième arrondissement de Paris.

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Les brioches feuilletées, nature ou agrémentées de pépites, remportent un succès permanent. Brioche aux pralines. Le kouglof chocolat noisettes est une création maison, variante du kouglof alsacien traditionnel. Photos : B. Lafeuille

Ce néo-boulanger, reconverti après trente années passées dans l’industrie pharma­ceutique, a mis deux ans à monter son projet. « Un jour, en formation, nous avons fait des brioches et cela a réveillé des souvenirs d’enfance, relate-t-il. En même temps, j’ai réalisé que cette spécialité est peu mise en valeur dans les boulangeries. Ici, nous lui consacrons toute notre attentio­n ! »

CAP en poche, il entame un tour de France des brioches, étudie le marché et travaille une dizaine de recettes pendant un an. « On ne se contente pas d’une pâte unique à laquelle on ajoute des ingrédients divers : pépites de chocolat, sucre…, précise l’artisan. Les recettes ont un socle commun mais les proportions sont différentes. Pour la parisienne, il y a 500 grammes de beurre pour un kilo de farine, contre 300 grammes pour la mous­seline, par exemple. La plupar­t des brioches intègrent du lait mais la gâche vendé­enne est faite avec de la crème tandis que la parisienne n’a ni l’un ni l’autre », ajoute-t-il. Seule entorse à la tradition, il a divisé par deux toutes les quantités de sucre.

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Des affichettes racontent l’histoire et la spécificité des différentes brioches.

Un process en trois jours a été mis au point « pour favoriser le goût et le moelleux ». Le contrôle de la température est crucial pour éviter que la levure ne travaille trop vite et permettre à la charpente de se développer. La farine est d’ailleurs stocké­e au froid. Le pétrissage est lent et doux pour éviter l’échauffement. Il est suivi d’une nuit au froid pour l’expression des arômes. Le lendemain, les brioches sont façonnées à la main, puis placées en chambre de pousse. La cuisso­n a lieu le troisième jour. Aucun minuteur ne retentit : les artisans se fient à leurs sens pour enfourner au bon moment.

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Toutes les brioches sont réalisées à partir d’ingrédients frais et sans additif.

Un planning détaillé permet cependant aux équipes de se concentrer sur l’exé­cution. Karim, partagé entre la fabrication et la gérance, est épaulé par quatre boulangers-­pâtissiers et par trois apprentis. « Partager et transmettre est indissociable de l’artisanat, estime-t-il. J’ai une équipe de passionnés que j’ai mis du temps à trouver car le travail est physique et répétitif. »

Il n’y a pas de travail de nuit : le four est allumé à six heures et les derniers sala­riés repartent à 19 heures. La boutique, elle, ouvre de 7 heures à 18 heures. Fermer plus tard aurait du sens pour la clientèle qui achète le soir ses brioches du lendemain mati­n ; il faudrait embaucher. « Et, vu les charges sociales, cela obligerait à rentabiliser à fond, par tous les moyens, ce qui empêcherait de travailler de façon vertueuse », soupire le gérant.

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La proportion de beurre varie selon les recettes (en photo : Kevin, pâtissier de formation).

Comme nombre de reconvertis, il a voulu mettre « du sens » dans son métier et parle volontiers de ses valeurs, dont « le respect du produit et du client ». « Je suis révolté par les publicités trompeuses de la grande distribution : on y vend sous cellophane des brioches dites artisanales, pleines de sirop de sucre inverti et renforcées au gluten de blé, alors que des matières premières brutes de qualité permettraient de se passer d’additifs, s’indigne-t-il. J’ai décidé de me battre personnellement avec mes petites mains contre la malbouffe ! »

D’un jour à l’autre, il arrive que les brioches n’aient pas tout à fait le même aspect : « Selon le taux d’humidité dans l’air, elles peuvent être un peu moins gonflées ou légè­rement plus sèches, mais je refuse d’ajouter des améliorants», assume-t-il.

À La Briée, les ingrédients sont simples et sélectionnés avec soin, en France : des œufs frais de plein air, du lait frais entier… Karim cherche aussi à se passer de plastique, malgré le peu d’alternatives chez les fournisseurs. « En revanche, je ne crois pas à la qualité supérieure du bio, donc son surcoût me semble injustifié, lâche-t-il. Ici, quelqu’un ayant peu de moyens peut se payer un café et une brioche. La moins chère coûte 1 euro, et la plus chère est un kouglof de 550 grammes pour six person­nes à 14 euros. »

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La gamme snacking fait un carton avec ses burgers et ses tartines gratinées au pain brioché.

Des variantes créatives

Une partie de l’activité est effectuée sur commande (au moins quarante-huit heures à l’avance) pour des restaurants ou de l’évènementiel. La porte de la boutique est encore parfois poussée par des clients en quête de pain. Une fois compris leur erreur, il est rare qu’ils ressorten­t sans se laisse tente­r. D’autant que les brioches traditionnelle­s sont côtoyées par des variantes créatives, comme une brioche aux framboises ou le kouglof chocolat-­noisettes. Une gamme snackin­g, ap­parue récemment, fait aussi un carton avec ses burgers et ses tartines gratinées – évidem­ment au pain brioché. Enfin, des produits éphémères sont proposés selon les saisons : couronne des Rois pour l’Épiphanie, brioche garnie de glace en été…

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