"Suzanne et Lucien" : le pari osé de Jacky Ribault

“Mangez du pain, vous vivrez bien !”: le message inscrit en toutes lettres sur le mur de la boulangerie Suzanne et Lucien est clair… et révélateur de la pensée de son fondateur. Car le chef Jacky Ribault est un amoureux du pain, notamment depuis ses années d’apprentissage dans une boulangerie bretonne.

Une brasserie en Seine-Saint-Denis

Pourtant, le jeune homme se passionne vite pour la pâtisserie – il fait ses armes auprès de Pierre Hermé – puis pour la cuisine. En 2010, il ouvre son restaurant Qui Plume la Lune dans le 11^e arrondissement de la capitale ; quelques années plus tard, il y décrochera sa première étoile. Grâce à  l’engouement suscité par l’établissement, le chef ouvre un peu plus tard L’Ours, un restaurant gastronomique à Vincennes (Val-de-Marne) auréolé lui aussi d’une étoile par le guide Michelin.

En 2021, il prend le pari – plus risqué – d’inaugurer une grande brasserie de soixante-dix couverts baptisée Les Mérovingiens à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) pour « offrir à un plus grand nombre l’accès à la gastronomie ». Il raconte : « Il y a treize ans, j’ai eu de gros problèmes techniques à l’ouverture de mon restaurant parisien Qui Plume la Lune. J’ai dû vendre ma maison du Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne) pour réinjecter de l’argent dedans. Nous avons par la suite loué à Noisy-le-Grand, et c’est ainsi que j’ai découvert la ville […]. Il n’y avait pas de restaurant avec un esprit parisien, branché. Pourtant, les gens étaient en attente de ce type d’établissement. »

Une boulangerie-pâtisserie-boucherie

Fort du succès de sa brasserie – elle affiche completmidi et soir, tous les jours – et alors qu’un local de vente de fleurs se libère à côté, Jacky Ribault décide d’y installer un commerce de bouche. Ce ne sera pas un magasin traditionnel, mais le fruit d'un concept hybride – et unique en France ! – une boulangerie-boucherie. « Quand j’étais petit, j’adorais faire les marchés avec mes parents. Je voulais retrouver cet esprit. J’ai créé un concept sans le faire exprès ! », s’étonne le chef.

À celui qui dépensait 4 000 euros par mois de frais de pain pour ses trois restaurants, l’idée de la boulangerie est venue rapidement. C’est ensuite naturellement, et pour rendre hommage à ses parents, qu’il nomme son commerce Suzanne et Lucien.« J’ai chiné avec ma femme des objets pour décorer la boulangerie, comme des vitraux en papier de verre, des carreaux de ciment. »Après un an de travaux, l’ouverture a eu lieu le 14 septembre dernier.

Le pain avant tout

Côté boulangerie, le chef s’appuie sur l’expertise d’un chef boulanger qui a multiplié les stages chez les plus grands professionnels de la capitale. Mais aussi sur l’expérience de son partenaire, les Moulins Bourgeois, avec qui il a mis au point un mélange de farines pour créer une recette unique.

Les pains au levain naturel, à fermentation longue, sont confectionnés à partir de farines biologiques issues exclusivement de blés anciens. Au total, une gamme de pains courte, qui se compose de la baguette tradition – « celle qui fait rentrer les gens dans la boulangerie » – (150 sont vendues chaque jour), d'un pain au levain, un pain aux céréales, un pain figues et noix, un petit épeautre et un gâteau de riz.

À leurs côtés, une gamme de viennoiseries, courte elle aussi, faite de croissants, pains au chocolat, brioches, babkas et pompes à l’huile fabriquées avec du lait, de la crème et du beurre cru biologiques de La ferme Sainte-Colombe en Seine-et-Marne.

Pour le déjeuner, cinq recettes de sandwichs sont proposées, parmi lesquelles un sandwich cuisse de poulet et sauce asiatique ou un jambon blanc-brie, réalisés à la minute avec les viandes de la boucherie voisine. Le chef d’entreprise ne cache pas l'impact des nombreux problèmes liés à l'actualité que traverse le secteur, mais reste optimiste. « Les difficultés se multiplient avec le doublement de la facture d’énergie ou encore l’augmentation du prix des matières premières, comme le beurre, mais cela reste un métier de passion. »