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Le Bolivien Cristhian Ohnet, pâtissier de La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon.
Le Bolivien Cristhian Ohnet, pâtissier de La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. © A. VALOIS

Cristhian Ohnet, le Bolivien d’Avignon

Depuis cinq ans membre de l'équipe du chef étoilé Florent Pietravalle, le pâtissier bolivien Cristhian Ohnet étonne avec ses créations monoproduit. Amoureux de la pâte à pain, il assure aussi la confection des petits pains de campagne, de focaccias et de brioches.

En Avignon, face aux remparts du Palais des Papes, La Mirande est l’une des grandes adresses gastronomiques du sud-est de la France. Un hôtel particulier du xviie siècle devenu un cinq-étoiles patrimonial fréquenté par des clients internationaux. En cuisine officient Florent Pietravalle et sa brigade. Le chef étoilé a confié à Cristhian Ohnet, 27 ans, la responsabilité des pâtisseries et produits boulangers.

Cristhian Ohnet, 27 ans, a la responsabilité des pâtisseries et produits boulangers de La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. (© A. VALOIS)
A La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon, le Bolivien Cristhian Ohnet prépare une foccacia. (© A. VALOIS)

Aidé par trois jeunes pâtissiers, ce professionnel bolivien prépare des pains de campagne cuits en cocotte de fonte, des brioches et des focaccias moelleuses. Il élabore, puis dresse minute des desserts d’une grande finesse autour d’un produit unique, p­résenté sous diverses formes dans plusieurs contenants.

« Ce n’est pas rien de quitter son pays pour venir travailler en Europe », indique le chef Florent Pietravalle, conscient du choix de vie que le Bolivien a entamé en mai 2019 dans le Vaucluse. Lui et Cristhian sont devenus depuis très complices. Ils créent ensemble, et se régalent d’expérimentations culinaires partagées en France ou lors de voyages lointains. Le Bolivien élargit l’horizon du Français, et inversement.

Lauréat du La Gourmandise Festival bolivien

Avec un doux accent sud-américain, Cristhian Ohnet résume son parcours : «À quinze ans, chez moi à La Paz, je me suis d’abord imprégné de la cuisine traditionnelle indienne en travaillant dans un restaurant. Les saveurs des épices m’ont touché. J’ai commencé un cursus de chimiste car j’aime l’expérimentation. Finalement, je suis revenu aux fourneaux en m’inscrivant à l’Instituto de Gastronomia de Las Americas de La Paz. À Santa Cruz de la Sierra, j’ai complété avec une formation en pâtisserie, rapidement devenue une vraie passion. J’aime entrer dans les détails et respecter toute la précision d’une recette », explique-t-il.

Puis, le jeune homme participe deux années de suite au concours La Gourmandise Festival en Bolivie, qui organise des échanges professionnels franco-­boliviens. Des Meilleurs ouvriers de France y participent et les jeunes talents de Bolivie les plus prometteurs se voient offrir des stages rémunérés de trois mois dans des établissements français réputés. Cristhian Ohnet est l’un de ces lauréats.

La cheffe Amandine Chaignot le recommande à La Mirande. Au printemps 2019, il aide donc en cuisine. Intimidé, devant apprendre à parler Français tout en travaillant, il fait preuve d’une grande adaptabilité. « Notre métier, en cuisine, se passe dans nos mains alors je me suis exprimé en faisant », dit-il.

La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. (© A. VALOIS)
Maïs noir fermenté par Cristhian Ohnet pâtissier de La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. (© A. VALOIS)

Le chef apprécie son implication comme sa personnalité. Il lui demande un jour de cuisiner le repas de l’équipe : quarante personnes. Ce sera une table avec de nombreux plats boliviens, dont un cœur de bœuf cuit au barbecue servi avec une sauce cacahuète. Florent Pietravalle trouve le plat « incroyable ». «En Bolivie, nous aimons bien manger, ressentir une émotion réconfortante dès la première bouchée et nous sentir à l’aise quel que soit l’endroit où nous nous trouvons. Pouvoir partager ma culture est un honneur pour moi », explique encore le Sud-Américain.

Un pain de campagne maison

Doué en pâtisserie, Cristhian Ohnet devient le second de la cheffe pâtissière, et lui succède quand elle quitte La Mirande en 2021. «Au début, je faisais les gâteaux et les tartes tout en commençant à travailler la pâte à pain. Je suis autodidacte en boulangerie alors je pose beaucoup de questions à des collègues. Et surtout, j’aime le contact avec la pâte. » Comme en chimie, pour comprendre il observe le comportement de son levain, qu’il baptise Warrior : « Comme moi, c’est un guerrier, un survivant après beaucoup de batailles.»

Pain de campagne au levain à La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. (© A. VALOIS)

Son pain de campagne maison, hyperfrais car cuit pour chaque service, est proposé à la clientèle. « J’aime manger le pain : c’est la vie, il accompagne tout. Nous mangeons chez nous la marraqueta, un petit pain individuel. Il existe des boulangeries centrales dans chaque quartier de La Paz. Elles distribuent la production aux vendeurs dès 6 heures le matin, et à 17 heures, pour le dîner. Je suis un habitué du pain frais. »

Apprendre tous les jours

À La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon, le Bolivien Cristhian Ohnet prépare une foccacia. (© A. VALOIS)
Foccacia servie à La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. (© A. VALOIS)

Cristhian prépare aussi une focaccia avec tant pour tant de farine et d’eau. La pâte à la levure est travaillée sur trois jours avec une hydratation progressive afin d’obtenir une croûte et du moelleux à l’intérieur. Il confectionne également le panettone depuis qu’il s’est formé à Paris auprès de Christophe Louie. « On n’arrête jamais d’apprendre. Si tous les jours on change un petit truc, il n’y a pas de routine, on reste actifs et vivants. Ici, j’ai la liberté d’expérimenter, d’essayer encore et encore si ça ne fonctionne pas. Faire des erreurs peut être décevant, mais il faut tomber pour savoir se relever », assure-t-il avec beaucoup de maturité.

Dessert 100 pour cent figue, par Le Bolivien Cristhian Ohnet, pâtissier de La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. (© A.VALOIS)
Foccacia servie à La Mirande, hôtel luxe 5 étoiles d'Avignon. (© A. VALOIS)

Pour inventer des desserts, il pousse au maximum les limites d’un seul produit : en le déshydratant, en le faisant fermenter, etc. pour obtenir un goût ou bien une texture différente. Son dessert 100 % figues, par exemple, est composé d’une figue rôtie et son jus, d’une spirale de glace à la feuille de figue surmonté d’un sorbet figue. « J’ajoute sous une feuille de figuier très parfumée une figue séchée sur l’arbre par le producteur Pierre Baud. » Le dessert 100 % maïs est inspiré d’un épi de maïs noir fermenté, « aux arômes proches de ceux de la vanille ». Il dresse une glace au pop-corn, une polenta et une crème à base de jus de maïs centrifugé, très crémeux. Des corn flakes maison apportent du croustillant.

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