Assaisonner une salade (de légumes ou de fruits), déglacer une viande, relever une sauce, faire mariner des légumes, finaliser un caramel, et même décorer un cheesecake ou une panna cotta : le vinaigre à plus d’un tour dans son sac ! « Il est souvent considéré comme un condiment de fond de placard alors qu’il tient une place centrale dans la gastronomie. C’est un exhausteur de goût sain et peu calorique, qui permet d’équilibrer les recettes et de donner du caractère aux assiettes », rappelle Paul-Olivier Claudepierre, copropriétaire de la maison Martin-Pouret.

Fondée en 1797 à Orléans, cette vinaigrerie artisanale est toujours installée dans ses locaux historiques, non loin du centre-ville et de la Loire, fleuve stratégique pour le commerce. Par le passé, les vins transitaient en effet par bateaux ; Orléans était alors le dernier port fluvial avant Paris. Les vins qui avaient tourné à l’aigre durant la traversée y étaient débarqués et transformés par des maisons vinaigrières. La ville en a compté jusqu’à 300, ce qui lui a valu de développer une véritable expertise ainsi qu’une méthode de fabrication, dite d’Orléans, qui consiste à faire vieillir le vinaigre en fûts de chêne dans un chai aéré. Cette technique artisanale est toujours en vigueur chez Martin-Pouret, qui fait vieillir dans ses ateliers ses vinaigres pendant 12 mois minimum. Le résultat : « Une grande richesse aromatique, reflet des vins utilisés ; et une signature organoleptique spécifique, avec une franche acidité mais de la rondeur, sans âpreté », indique Paul-Olivier Claudepierre, qui a repris l’entreprise en 2019 en vue de « pérenniser un patrimoine et un savoir-faire unique ».

Fermentation acétique
Puissante, l’acidité vous pique les yeux et vous monte au nez dès le seuil de la première chambre de fermentation, où les vins en provenance de diverses régions françaises passent trois semaines en tonneaux (aérés) de 250 litres après leur arrivée sur le site. Le temps de laisser les bactéries acétiques, qui prospèrent sous l’action de l’oxygène et de la chaleur, transformer l’alcool du vin en vinaigre.
Le jus obtenu est ensuite transféré dans des fûts (ou foudres) en chêne pour y vieillir naturellement. Une seconde étape qui permet d’affiner les saveurs du vinaigre et de lui conférer ses fameuses notes légèrement boisées, typiques de la marque. « Plus le vinaigre vieillit, plus il s’adoucit. Notre vinaigre blanc 5 ans d’âge présente ainsi des arômes miellés et de fruits confits », précise Manoly Moyse, responsable marketing.
« Un exhausteur de goût sain et peu calorique qui permet d’équilibrer les recettes »
Les parfums varient suivant les types d’alcools, de vins et de cépages utilisés (syrah, merlot, sauvignon, etc.). Par exemple, un balsamique (à base de moût de raisins) se révélera plus doux qu’un vinaigre de cidre, lui-même plus acidulé qu’un vinaigre de riz, toujours moins acide qu’un vinaigre de vin ou de Xérès.
Autre composante : l’aromatisation du vinaigre (après filtrage pour retirer les éventuelles impuretés) ; au piment d’Espelette AOP pour des recettes d’inspiration tex-mex ou aux échalotes de Bretagne (posées à la main) pour une touche piquante-iodée, entre autres références chez Martin-Pouret.

La marque propose aussi des crèmes de vinaigre aromatisées (jus d’agrumes, sirop d’érable-jus de cranberry, cidre-miel, balsamique), à la texture plus épaisse, pour des applications en coulis ou en décor, notamment sur des desserts. Et de suggérer des accords volaille-crème de vinaigre agrumes ou betterave/fraises-vinaigre au jus de framboise.
Donner du peps
Outre sa diversité aromatique, l’avantage du vinaigre est sa puissance. Quelques gouttes suffisent pour assaisonner un plat ou donner du peps à une sauce, ce qui en fait un allié économique en cuisine, où son acidité naturelle contrebalance un excès de gras ou de sucre. « Il peut même remplacer avantageusement le citron », signale Manoly Moyse.

Le vinaigre entre par ailleurs dans la préparation de nombreux produits, comme les moutardes, le ketchup ou les pickles, également distribués par Martin-Pouret. « Notre fil rouge, c’est le vinaigre », annonce Paul-Olivier Claudepierre, qui s’apprête à lancer une mayonnaise. Il dévoile ses astuces en matière d’assaisonnement : « J’aime les vinaigrettes tièdes. Après cuisson d’une pièce de bœuf, par exemple, je déglace avec un vinaigre d’estragon pour aller chercher les sucs et j’ajoute une cuillère de notre moutarde saveur béarnaise à l’estragon. » Passionné de gastronomie, l’entrepreneur monte sa mayonnaise avec sa moutarde aux cornichons, « et une pointe de vinaigre de vin rouge en invité final ! »