Dans la cuisine bolivienne, difficile de faire l’impasse sur… le piment ! Une plante réputée pour son piquant, plus ou moins puissant suivant les variétés. Longtemps frileux en la matière, les Français s’y convertissent peu à peu sous l’influence de la street food du monde, latino-américaine notamment. En témoigne le succès des taquerias et autres empanaderias, à l’instar de la boutique ouverte en février 2022 sur la presqu’île de Lyon par Claudia Alcocer et Gérard Lopez.

D’origine bolivienne, le couple débarque en France il y a dix ans avec l’envie de se réinventer dans la cuisine, un élément central de leur culture familiale. Ils ont un coup de foudre pour Lyon, « une métropole à taille humaine », et pour la boulangerie.
En 2015, après une formation à l’école Banette, ils ouvrent leur première boutique, baptisée C&G — leurs initiales — dans le quartier d’affaires de Vaise, au nord-ouest de la ville.

Dès le départ, leur offre est très axée snacking, en lien avec les besoins des entreprises locales. « Nous avons commencé par proposer une quinzaine de sandwichs différents pour offrir des alternatives au quotidien », indique Gérard, en charge de la supervision et de la création des recettes.
Face à l’affluence et aux demandes des clients, la gamme s’élargit jusqu’à atteindre 35 références. « On nous demande toujours : “Alors, quoi de neuf aujourd’hui ?” » sourit Claudia, dont la philosophie tient à un principe tout simple : « On aime vendre ce qu’on aime manger. »

Les pains sont donc tous fabriqués maison, pensés en accord avec leur garniture : tradition pour un classique lyonnais (rosette, beurre, cornichons), focaccia pour un sandwich à la mozarella di buffala, baguette au sésame pour le Séoul (végane) à base de salade de chou, pickles et concombre, viennois pour un Cuba au poulet mariné (leur best-seller), etc.
Étoffée, la carte n’en demeure pas moins rationalisée, avec des garnitures généreuses mais composées et calculées au gramme près, pour une qualité régulière et des marges préservées. « On propose toujours des options végétariennes, des sandwichs halal et des recettes allégées en beurre ou en mayonnaise », remarque Claudia, qui constate de plus en plus de mixité au sein de sa clientèle.
Street-food différenciante
Signe qui ne trompe pas : à midi, la foule se presse autour de la petite boulangerie d’angle. Dans la queue, beaucoup d’habitués au vu du nombre de sachets kraft vides rapportés pour être à nouveau remplis par l’équipe du lieu, rompue au coup de feu du déjeuner.
À l’extérieur, des QR codes apposés sur les murs permettent de patienter en consultant le menu de la boulangerie, voire de commander en ligne en prévision d’un retrait en boutique. « Cela ne marche pas autant que ce que l’on l'avait imaginé. Les clients aiment voir et choisir les produits en magasin », observe Claudia, fréquemment appelée en renfort au service.

À l’étroit dans sa première boutique, le couple a ouvert un deuxième point de vente à 500 mètres de là, au printemps 2021 : Mestizo, qui signifie “métissage” en espagnol. Pour plus de confort, une partie de la production y est transférée, dont la fabrication des spécialités latino-américaines proposées par les boulangers.
Une offre de street foodfacteur de différenciationet complémentaire aux sandwichs. À la carte : des empanadas, ces petits chaussons aux farces salées enveloppées dans une pâte à la farine de blé et au beurre, légèrement sucrée. Celle-ci est passée au laminoir avant d’être farcie et soigneusement soudée avant cuisson.

Aux côtés des traditionnelles recettes au bœuf ou au poulet, oignons, poivrons,épices, trônent des versions francisées (jambon-fromage) et revisitées, épinard-ricotta-oignons-bechamel ou chèvre-oignons-noix, par exemple. À cela s’ajoutent des papas rellenas : boulettes péruviennes garnies de purée de pommes de terre, oignons, cheddar, bœuf ou champignons ; et des salteñas, variantes boliviennes des empanadas, « avec une pâte plus dorée et une garniture plus juteuse et piquante, à base de pommes de terre », précise Gérard, qui a retravaillé la recette afin d'en faire un produit moins pimenté et plus facile à manger sur le pouce pour un public non-initié.
Desserts nomades




Cette gamme originale, disponible dans les deux boulangeries du couple, a depuis deux ans son adresse dédiée sur la presqu’île, au cœur de Lyon : la Empanaderia de Mestizo. Une petite échoppe avec quelques mange-debout et un comptoir présentant l’ensemble de la collection, soit une quinzaine de références salées et quelques sucrées, comme le arroz con leche (riz au lait) ou la tartaletas dulce de leche (tarte à la confiture de lait et noix de coco).

Une dernière recette vendue exclusivement à la Empanaderia (tout comme certaines boissons : bières locales, vins boliviens, matés), les deux boulangeries proposant des desserts plus classiques et nomades (tartes, flans, cakes, cookies) pour insertion dans les formules, stars du déjeuner (lire encadré).
Les recettes salées varient au fil des saisons et de l’inspiration du patron, jamais en panne d’idées, piochées dans son répertoire culinaire et les cuisines d’ailleurs découvertes au cours de ses voyages. « Mais on apprécie aussi la gastronomie française ! » assure le couple, qui compte sur les JO pour doper le tourisme en France cet été et la fréquentation de leur Empanaderia, ouverte sept jours sur sept, midi et soir.