“Produits de la veille à moitié prix - Juste un jour de plus.” Ouverte en juillet dans le 11e arrondissement de Paris, la boulangerie Demain annonce la couleur dès son stop trottoir. Passé le seuil, le concept original de l’établissement au logo en forme de sablier est détaillé sur des panneaux muraux.
Et ce n’est qu’un début. Son cofondateur, Martin Herbelin, prévoit de « renforcer encore la pédagogie pour expliquer les différents axes de notre démarche ». Innovante, celle-ci consiste à « récupérer des invendus du jour chez des boulangers artisanaux pour les revendre, en moyenne à moitié prix, le lendemain », résume l’entrepreneur, qui a découvert le concept à Zurich, en Suisse : une révélation.



Par le passé, Martin Herbelin a travaillé comme vendeur en boulangerie et garde un très mauvais souvenir du gaspillage des invendus en fin de journée. Un véritable gâchis, à impact négatif sur la planète. « Dix pour cent du gaz à effet de serre est généré par le gaspillage alimentaire », déplore ce fan de gastronomie, qui récupère aujourd’hui les invendus d’une quinzaine de boulangeries (Maison Landemaine, Tranché) du nord-est parisien pour alimenter ses étals. Avec des stocks variables d’un jour à l’autre, « ce qui nous oblige à nous adapter en permanence, idem pour notre clientèle. »
Un gros travail de tri
Équipée d’un camion frigorifique, la petite équipe de Demain réalise sa tournée quotidienne la nuit. S’ensuit un gros travail de tri. « Nous écartons, par exemple, des produits trop cuits ou écrasés », explique l’entrepreneur, qui revend pour le moment exclusivement des pains au levain de longue garde et des viennoiseries, pour certaines « reconditionnées ».



«À J + 1, un croissant ou un pain au chocolat procure une expérience de dégustation assez décevante. D’où l’idée de les retravailler sur la base de recettes simples et efficaces. » Humidifié avec du miel et une touche de beurre ; ou garni de jambon, fromage et béchamel, le croissant est “smashé” (de l’anglais smashed, écrasé) dans un toaster. Découvert sur TikTok, le procédé est devenu une signature de la boulangerie, qui le duplique sur des buns ou des baguettes viennoises garnies (de pesto, légumes de saison, poulet, fromage, etc.) façon paninis ou toasties.
Disponible “smashé”, le pain au chocolat se décline aussi en un ultra-gourmand chocobread, un dessert inspiré du diplomate. « On propose aux clients de réchauffer leurs produits. Par exemple, une brioche de la veille passée quinze secondes au micro-ondes retrouve tout son moelleux », assure Martin Herbelin.
Béton ciré et carrelage blanc
L’aménagement et la décoration du lieu reflètent sa quête de frugalité et de recyclage. Entièrement vitrée, la boutique a été sobrement rénovée, avec du béton ciré au sol et du carrelage blanc sur les murs. Pour le mobilier, les deux associés ont récupéré une vitrine frigorifique non utilisée et prolongé leur comptoir à l’aide de palettes empilées. La trancheuse à pain, le four ou le toaster sont des appareils de seconde main, tout comme la machine à café.


Sur ce dernier poste, la démarche est la même que pour le reste : des produits de qualité mais déclassés, en l’occurrence des fins de paquets de grains utilisés pour des tests ou des dégustations chez un torréfacteur parisien. En magasin, les étiquettes des produits mentionnent le nouveau et l’ancien prix (barré) pour illustrer l’économie réalisée, comme cette part de brioche vendue 0,50 € (au lieu de 1,40 €). Cette accessibilité séduit de plus en plus de particuliers, et même des restaurateurs, qui écoulent ces (bons) pains de la veille dans la journée.
Victime de son succès, Demain est parfois “sold out” avant sa fermeture. À l’inverse, en cas d’invendus, rien n’est jeté : les restes sont transformés en compost, vendu en boutique.
