Voilà un remarquable projet qui allie solidarité, nouveau regard sur le handicap et… boulangerie. Le 8 octobre dernier, l’association basque Emanik a inauguré la boulangerie coopérative qu’elle a contribué à créer dans le quartier San Juan de Lurigancho à Lima, au Pérou. Douze mamans et leurs enfants adolescents handicapés tiennent ensemble le lieu, appelé Des Talents pour la vie. Désormais ces femmes, vraies cheffes d’entreprise, savent produire du pain, des empanadas, des panettones, mais également s’occuper de la comptabilité, de la gestion… « Les mamans comme les enfants ont gagné en estime de soi et en savoir-faire, se félicite Alexia Aranzueque, chargée de ce projet à Emanik. Le résultat est génial ! » Une entreprise remarquable qui a pris du temps et a dû s’adapter au long confinement péruvien lié au Covid-19…

Deux dans de formation
« En fait, reprend Mme Aranzueque, notre association a une activité très ancienne dans ce quartier. Les mamans nous ont sollicités pour tenter de retrouver une certaine autonomie financière, elles qui ont arrêté de travailler pour éduquer leurs enfants. La boulangerie-pâtisserie s’est vite imposée, parce que c’était faisable, qu’il n’y avait pas ce genre de commerce dans le quartier et que l’Afpa [agence nationale pour la formation professionnelle des adultes française, NDLR.] locale pouvait les former. »
Pendant deux ans donc, adultes comme adolescents (essentiellement des jeunes trisomiques) ont appris toutes les étapes et subtilités de la production du pain. Les jeunes et leurs mères ont en parallèle bénéficié de « tout un accompagnement, sur des sujets comme l’autonomie, la motricité fine, l’accompagnement psychosocial ».
« Un bel outil, qui va perdurer »
À la base, l’idée était d’offrir une formation d’aide boulangère aux adultes pour qu’elles puissent trouver un travail. « Mais on a eu la possibilité de disposer d’un local dans le quartier et les mamans ont décidé d’ouvrir ensemble cette boulangerie coopérative, qu’on a pu aménager avec du matériel professionnel. Bien sûr, leurs enfants participent. Certains jeunes se sont révélés dans la production, d’autres sont plutôt au service », témoigne la chargée de projet. L’opération a coûté 105 000 euros, financés par des fonds français publics et privés.
« Aujourd’hui, elles ont un bel outil, qu’elles font bien fonctionner, qui va perdurer, assure Mme Aranzueque. La boulangerie est aussi identifiée dans le quartier comme faisant appel à de jeunes handicapés, ce qui a beaucoup servi à l’acceptation du handicap. »
À Noël, le fournil a d’ailleurs mis ses grands fours à disposition des habitants pour qu’ils fassent cuire leurs dindes. Sûr qu’ils en ont profité pour acheter des pains complets, des pains individuels (habituels au Pérou), ou encore les fameux panettones, produits phares des fêtes de fin d’année.
