Jusqu’à présent, la boulangerie a réussi l’exploit de commercialiser ses divers pains sans communiquer au sujet de la nature des ingrédients présents, sans expliciter la signification des types de farine indiqués, sans toujours préciser la nature du ou des ferments utilisés, et sans donner les teneurs en sel incorporées par kilo de farine.
Il n’est pas étonnant que beaucoup de consommateurs se détournent de cet aliment, n’en connaissant pas la valeur nutritionnelle réelle et pensant même qu’il est préférable d’en manger très peu. Le temps est venu de jouer cartes sur table et de lui donner une lisibilité nutritionnelle par l’intermédiaire d’un nouveau “décret pain”, l’ancien étant totalement insuffisant, et même pas appliqué. Cet effort de clarté devrait faire évoluer la boulangerie vers l’excellence nutritionnelle.
Lorsqu’un Français entre dans une boulangerie, il a souvent la possibilité d’acheter une baguette de tradition. En fait, cette appellation ne correspond nullement à un pain traditionnel puisqu’elle fait référence au décret n° 93-1074 publié en 1993, dont la finalité principale était de mettre un terme à l’abus d’additifs en panification qui a accompagné la généralisation du pétrissage intensifié à partir des années 1960. Cependant, la meunerie a pu par la suite doper à sa guise les farines par l’ajout de gluten vital (sous-produit de l’amidonnerie) et d’enzymes (type amylase). C’est ainsi que la baguette de tradition est devenue bien standardisée.

À l’origine, le décret instaurant l’appellation pain de tradition concernait l’ensemble des pains mais, in fine, il n’a servi qu’à la promotion de la baguette. Pour les autres types de pain — jamais vendus avec l’allégation pain de tradition, ce qui est paradoxal —, les meuniers peuvent donc doper leurs farines avec des additifs à leur convenance, ce qui décrédibilise d’ailleurs l’inscription de la baguette au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Pour gagner durablement la confiance des consommateurs, le nouveau “décret pain” que j’appelle de mes vœux devrait garantir que l’ensemble des pains artisanaux ne comportent que des farines natives, sans aucun ajout d’additifs, de gluten ou d’enzymes.
Les farines sont classées selon un type dont le grand public ignore la signification. Les pouvoirs publics sont totalement responsables de cette anomalie et il devient indispensable de faire évoluer la réglementation. La solution est très simple, la valeur du type devrait être exprimée en milligrammes de minéraux totaux pour 100 grammes (ce qui sert d’ailleurs à le définir), ce qui la rendrait enfin explicite.
De plus, il faudrait décrire la composition des types usuels selon leurs principaux constituants nutritionnels, à définir dans ce nouveau décret pain.
Enfin, le dernier point, et non des moindres, serait de fixer réglementairement les teneurs en sel par kilo de farine à ne pas dépasser en fonction du type de farine.
Voilà, brièvement, le fil directeur du nouveau décret pain dont il faudrait que la filière et les pouvoirs publics spécifient les modalités d’application. Il en va de l’avenir du pain !