« Je n’aurais jamais imaginé acheter ça ! », s’exclame Jean-Marie Xiména (interviewé ici), le patron de l’entreprise de fabrication de moulins Astréïa. Sa société vient en effet d’investir 2,2 millions d’euros dans le domaine de Montmau, une exploitation viticole de 30 hectares, avec un immense mas languedocien du XVIIe siècle et ses dépendances, à Saint-Pons-de-Mauchiens dans l’Hérault.
« Ça faisait longtemps que je voulais rassembler les différentes activités de l’entreprise sur un même lieu pour bien faire comprendre notre démarche. Et dans l’Hérault, quand on cherche des terres avec des bâtiments, il n’y a quasiment que des domaines viticoles… », expliquait-il le 9 juin, lors de l’inauguration du site.
Il faut dire que les contraintes étaient nombreuses, puisque Jean-Marie Xiména et ses seize salariés produisent des céréales bios, du pain, mais également des moulins à meules de pierre de type Astrié et des machines agricoles associées à cette production de farine.
Et cela fonctionne plus que bien : Astréïa (la société dédiée uniquement aux moulins et aux machines agricoles) a vu son chiffre d’affaires doubler chaque année entre 2018 et 2021 et encore « beaucoup augmenter » l’année passée. « Nous sommes heureux de cela, surtout parce que nous voulons contribuer à changer le modèle agricole », assure le patron.
Lætitia Martos, responsable communication, détaille : « Les gens ne nous achètent pas des moulins mais la souveraineté du monde agricole. Notre volonté, c’est de les aider à les rendre autonomes. »
Et M. Ximena d’enfoncer le clou : « Aujourd’hui, dans l’agriculture, le céréalier produit la matière première, prend tous les risques, et dépend d’un client unique qui fixe le prix. C’est inacceptable. » Ses moulins s’adressent donc aux agriculteurs qui veulent devenir boulangers… mais aussi aux boulangers qui veulent davantage se tourner vers l’agriculture et « redonner du sens à leur métier ».
Clément Avias, à la tête de la boulangerie Des Rêves et du Pain, à Montpellier, est de ceux-là. Il a engagé environ 50 000 euros dans un moulin Astréïa et fait semer du blé de variétés anciennes. Il témoigne : « Je produis des farines moins chères et meilleures. Mais je l’ai fait surtout pour maîtriser mon produit, en proposer un d’exception. Je voulais une farine brute, sans additifs, sans traitements… »
Former les boulangers à l’agronomie et les agriculteurs à la boulange
Viser les boulangers et les agriculteurs : la PME marche sur ses deux jambes. « C’est sûr que si l’on investit autant, c’est qu’on peut le faire et qu’on croit en l’avenir », reprend M. Xiména.
Côté Astréïa, les perspectives de développement pourraient se trouver à l’export. « Aujourd’hui, nous réalisons vingt pour cent de notre chiffre d’affaires à l’international. Mais nous ne le faisons que de façon opportuniste, quand on nous contacte. Là, on va aller chercher les clients », anticipe le directeur.
L’idée est aussi d’élargir la gamme de produits à destination des paysans-boulangers : « Nous faisons une brosse depuis un an et une décortiqueuse de petit épeautre est prototypée », expose Jean-Marie Xiména. Non sans rappeler : « Tout est fait en interne, est français et le plus possible local. »
Précisons que seules les brosses sont fabriquées dans l’Hérault : le reste de la production reste dans l’Ain — à Péronnas -, où elle se trouve depuis 2014, date de création de l’entreprise.
Les perspectives de développement se trouvent aussi au rayon boulangerie. Jean-Marie Xiména a fermé il y a peu son fournil, qui se trouvait à Roujan, à une vingtaine de kilomètres de là. Il en rouvrira un très vite sur le domaine de Montmau, doté d’une boutique. «Avec ce point de vente, la présence dans des magasins bio qui va se poursuivre et que j’espère développer, on va passer de quatre-vingts à trois cents kilos de pain par jour, prévoit le patron. Mais nous envisageons aussi l’ouverture d’un deuxième gros fournil sur place, en lien avec notre centre de formation. »
Car Epanoui (le nom de la structure qui chapeaute toutes les activités) compte prochainement, sur son nouveau site, former les agriculteurs à la boulange, les boulangers à l’agronomie, et tous ceux qui le souhaitent à la communication, au montage d’un budget prévisionnel… Montmau accueillera aussi cinq gîtes pour « rapprocher les citadins de la terre ». Bref, sourit Jean-Marie Xiména : « J’ai mille idées à la minute. Heureusement, je m’entoure de gens qui me freinent… »