
Déborah Bailet et Hervé Marrot se mobilisent depuis plusieurs mois pour organiser à Nice la première édition du Refugee Food Festival. « Nous avons contacté des associations prenant en charge l’accueil des réfugiés dans la ville. Elles nous ont présenté des personnes arrivées il y a quatre ans et déjà insérées professionnellement. Toutes n’étaient pas forcément cuisinières ou cuisiniers de métier, certaines ont suivi une formation », explique Déborah Bailet.
La jeune femme a d’autre part sollicité des restaurateurs et des artisans suffisamment curieux pour encourager leur clientèle à découvrir des saveurs peu ou pas encore connues. « Ces professionnels savent que la cuisine n’a pas de frontières », résume l’organisatrice.

Résultat : sept personnes réfugiées, cinq restaurants, une boulangerie et une pâtisserie participent à des repas préparés à quatre mains, proposés du 22 au 25 juin à Nice (40 à 50 €/pers). Cette initiative citoyenne abolit les frontières et met en valeur les savoir-faire culinaires internationaux. Une démarche audacieuse dans un moment où les tensions engendrées par les a priori sont légion.
Découvertes et points communs
Anzor Bokaev est d’origine tchétchène et « grilleur » de père en fils. Il a rencontré Fanny Vedreine et Louis Girodet, du restaurant Fanfan et Loulou. Ensemble, ils vont préparer des viandes grillées marinées.
Quant au chef étoilé Christian Plumail, il s’est trouvé avec la jeune géorgienne Madona Shukvani des points communs, entre les petits farcis provençaux de son enfance et les aubergines à la crème de noix qu’elle lui a faites goûter. À quatre mains, ils ont imaginé une recette fusionnant les deux.
La boulangère albanaise Fatmira Cala et la boulangère polonaise Dominika Zielinska ont conçu ensemble un pain aux inclusions de poivrons grillés savoureux.
Autre match judicieux, les pâtisseries de Mélanie Tuz (Mela pâtisserie vivante) et d’Hatice Pehlivan venue de Turquie. Comme le Las Baklavas à la crème pâtissière, parfumé à l’eau de fleur d'oranger et twisté à la pistache.

Ces temps de partage demandent à tous du travail. Mais l’expérience humaine est là : « Parfois, des traducteurs bénévoles se joignent à eux en cuisine. Sinon, dans les gestes techniques il n’y a pas de barrières de la langue, poursuit Déborah Bailet. Les réfugiés ont envie de tout donner et de remercier pour l’accueil qu’ils ont reçu en France.» Se sentir considérés et voir leur tradition culinaire reconnue peut être une façon de se sentir acceptés.
