« Nous espérions pouvoir répercuter une petite baisse sur nos prix en ce début d’été. Mais alors que la récolte de blé 2023 s’annonçait bonne, le coup de chaud des trois dernières semaines nous oblige à être prudents, raconte Raoul Becker, qui dirige le Moulin de Hurtigheim, dans le Bas-Rhin. D’autres facteurs jouent aussi et nous contraignent à attendre septembre-octobre pour répercuter la forte baisse des cours des céréales du début de l’année : les tarifs de l’énergie, bien sûr, et, surtout, le fait que nous travaillons encore sur les stocks de blé achetés lorsque les cours ont flambé, l’an passé. »
Le Moulin de Hurtigheim écrase 2 000 t de céréales par an. Une petite structure familiale qui s'approvisionne uniquement localement, dans un rayon de 80 km en Alsace et un peu en Lorraine. « Globalement, la hausse que nous avons dû répercuter pour maintenir une marge décente s’est établie entre 8 et 10 % depuis le début du conflit en Ukraine. L’augmentation avait d’ailleurs démarré, à l’automne 2021, avec la mauvaise récolte de cette année-là, tant en quantité qu’en qualité. Nous avions dû appliquer du + 3 %, explique le patron du moulin alsacien. L’an passé, c’était de la folie : les prix du blé ont été quasiment multipliés par deux, passant de 200 €/t à 400, 450 ! Ces prix ont bien diminué depuis janvier-février. Là, nous tablons sur des cours cohérents même si, comme tous les acteurs de la filière, nous subissons la spéculation, avec des prix qui sont mondiaux. Côté quantité, les chiffres de la récolte 2023 devraient être corrects et les stocks seront refaits sans problème. »

Des marges déjà faibles
Le constat est le même du côté de l’Association nationale de la meunerie française (ANMF), qui explique que les meuniers ne peuvent pas aujourd’hui baisser leurs prix rapidement car les entreprises sont toujours sur des marges historiquement faibles.
Avec l’impact de la crise sanitaire, du réchauffement climatique et de la guerre en Ukraine sur le marché des céréales, la meunerie connaît d’ailleurs un contexte peu favorable depuis quelques années. Le secteur n’a pas répercuté l’ensemble de la hausse des coûts des matières premières, de l’énergie et des salaires, sur le prix de la farine. Les meuniers ne peuvent aujourd’hui baisser leurs prix rapidement, comme le demande le ministre de l’Économie à tout le secteur agroalimentaire, du fait de marges déjà faibles, diminuant leur capacité d’investissement, comme le souligne l’ANMF.
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a par ailleurs apporté son soutien à la filière : « S’il y a des secteurs qui peuvent baisser leurs prix dès maintenant, pour d’autres, comme le vôtre, cela n’est pas possible. Pour que votre filière tienne, chacun doit pouvoir trouver sa rémunération. Et pour cela, il ne faut pas demander de produire à perte. »