Rouge, vert, jaune, orange, violet… La nouvelle collection végétale dévoilée lundi 4 septembre au domaine Melchior Philibert, à Charly (Rhône), en a mis plein les yeux. Au programme : des tomates, poivrons, oignons, courges ou encore pommes de terre, présentant des couleurs, formes et tailles étonnantes. Dans le public : des chefs cuisiniers, pâtissiers, traiteurs…
L’évènement était organisé, pour la seconde année consécutive, par la Fondation pour la cuisine durable by Olivier Ginon, créée en 2022, en partenariat avec le Centre de ressources de botanique appliquée (CRBA).
Un potager des chefs
Créé en 2008 et installé depuis trois ans à Charly, le CRBA se donne pour mission de répondre aux enjeux du changement climatique dans les domaines agricole et alimentaire. Concrètement, il dispose de plusieurs outils : un conservatoire dans lequel dorment quelques milliers de variétés de végétaux, une ferme expérimentale où sont testées certaines d’entre elles, une ferme semencière pour multiplier et diffuser les semences de celles les plus prometteuses.
Cette année, un nouvel outil est venu rejoindre cet arsenal : le Potager des chefs. Dans cet espace de 500 m² seront mises en culture différentes variétés de quatre à cinq espèces choisies par les chefs, pour qu’ils les testent et les notent.
Cette première année, tomate, basilic, oignon et poivron ont été mis à l’honneur. « À cause des extrêmes climatiques, les tomates ont une peau abîmée, mais le goût est exacerbé, prévient le directeur du CRBA, Stéphane Crozat. Avec le changement climatique, il faudra s’habituer à ne plus trouver les produits dont on a l’habitude. »
Des semences d’ici et d’ailleurs
Ailleurs sur le domaine, de nombreux essais de culture concernent des espèces présentant de forts enjeux nutritionnels, comme les pois et les légumineuses. C’est le cas du haricot « viande », une variété locale tombée dans l’oubli qui fait désormais partie d’un projet de recherche européen. Selon Stéphane Crozat, ce haricot devrait intéresser les chefs : «En plus de sa valeur nutritionnelle, il est très fondant et digeste, avec une peau très fine et un goût assez subtil qui rappelle la châtaigne. »
D’où viennent toutes les semences ? De partout. « Nous en récupérons chez des particuliers qui cultivent certaines variétés locales depuis des générations, et nous en rapportons d’expéditions lointaines, résume Stéphane Crozat. Nous allons dans des régions hypercontinentales, comme le Caucase, pour trouver des variétés adaptées aux fortes chaleurs et aux sécheresses. Mais il faut ensuite voir si elles s’adaptent à notre terroir, et tester leurs qualités gustatives. » D’où le partenariat avec les chefs à travers la Fondation pour la cuisine durable by Olivier Ginon.
Un oignon jaune petit mais puissant
Il arrive que des variétés françaises disparues de l’Hexagone depuis des décennies soient retrouvées dans une banque de semences à l’autre bout du monde : l’oignon jaune de Limoges a ainsi été rapporté de Russie, qui héberge, au sein de l’institut Vavilov à Saint-Pétersbourg, la quatrième banque de semences mondiales.
Petit et pâle mais puissant en goût, cet oignon n’a pas laissé pas les chefs indifférents lors de la dégustation qui a suivi la visite. Mais, à goûter cru, beaucoup lui préfèrent l’oignon de Giarratana, originaire de Sicile, doux et sucré.
Autour des tomates, on compare la jutosité, l’épaisseur de la peau et, bien sûr, la saveur. « Ça fait du bien de retrouver le goût de la tomate », souffle un chef en remplissant sa fiche de notation. À la table du basilic, on s’échange des idées : macération, décoction, distillation… Quelle technique mettrait le mieux en valeur la saveur inattendue de certaines variétés ?
Une « plante mystère », le sorgho, est aussi présentée. Si les graines transformées peuvent être destinées à l’alimentation humaine, c’est une autre caractéristique de la plante qui intrigue : le goût très sucré de la tige crue. « Cela pourrait un jour remplacer la betterave ou la canne à sucre », imagine Stéphane Crozat.
Sélectionner les variétés de demain
Une petite fiche indique l’origine de chaque variété et ses caractéristiques de culture. Aux chefs de remplir la partie concernant les critères organoleptiques : ils notent chacune de 1 à 9, la commentent, et décrivent leurs suggestions de préparation ou d’accompagnement.
En plus de les goûter crues, ils sont invités à repartir avec un sac des variétés qui les intéressent, pour les tester dans leurs cuisines. Leurs retours permettront d’affiner la sélection des variétés, en croisant ces critères organoleptiques avec les critères agronomiques et nutritionnels (des analyses en laboratoire sont prévues au dernier stade de la sélection). Celles qui seront passées au crible de toutes ces grilles d’analyse avec succès seront mises en production à plus large échelle dans la ferme semencière.
« Les premières semences vont sortir cette année, indique Stéphane Crozat. Dans un premier temps, elles seront données à des partenaires portant des projets spécifiques. Puis, quand nous aurons des quantités plus importantes, nous les donnerons — toujours gratuitement — aux agriculteurs et aux maraîchers intéressés. »