Le deuxième jeudi de novembre, l’arrivée du beaujolais nouveau donne lieu à des dégustations de vins en France. Depuis quelques années, les boulangers se joignent à l’événement en proposant des pains éphémères à la mie rosée, avec une pâte hydratée au vin rouge, et des inclusions de saucisson et de noix.
Forts des similitudes, fermentaires notamment, entre le vin et le pain, des artisans ont voulu pousser le bouchon un peu plus loin en menant des expériences de panification originales.
Mettre à profit la “part des anges”
Installé en Bourgogne, le boulanger dijonnais Louis Tortochot a fait plusieurs tests avec des vins de sa région (Chambolle-Musigny, Echezeaux grand cru et Vosne-Romanée)afin de « valoriser le terroir local et le travail des vignerons ».
Son postulat de départ : « Pourquoi ne pas faire vieillir le levain, au même titre que le vin, au lieu de le rafraîchir régulièrement ? » Son idée consiste à « démarrer et laisser vieillir le levain en fût usagé », pour mettre à profit la « part des anges », cette partie du vin qui s’évapore lors de son élevage.
Première étape : « Verser et laisser macérer l’eau de coulage une semaine dans les fûts pour lui permettre de s’imprégner des résidus présents sur les parois en chêne. » À l’ajout de farine, le levain révèle directement son activité avant de tomber en sommeilaprès quinze jours.
S’ensuit un vieillissement au frais, jusqu’à quinze mois. « Mais l’échantillon le plus pertinent a vieilli dix mois », précise l’artisan, qui a incorporé ce levain au rôle d’exhausteur de goût dans une pâte à base de farine et de levain actif, enrichie avec les résidus de la vinification (peaux de raisins réhydratées) « pour ramener du fruit et de la fraîcheur ».
Le résultat ? « Un “grand pain de Bourgogne” violacé et singulier, avec un vrai arôme de vin », constate le boulanger, qui a également fait un test en fermentation spontanée sans ajout de levain actif. « La pâte a quand même fini par pousser, mais lentement, avec une dégradation enzymatique très rapide créant de la porosité. »

Valoriser le pied de cuve
Autre terroir, autre démarche. Dans le Beaujolais viticole, Christophe Gilardon de la boulangerie éponyme a valorisé en 2022 un pied de cuve, ou “levain du vigneron”, réalisé à partir de moût de raisins (gamay) et de levure indigène du domaine Château des Pertonnières-Beaujolais Dupeuble.
« Je me suis servi de ce liquide sucré et rosé pour démarrer mon levain », explique le boulanger. Après vingt heures à température ambiante, celui-ci est utilisé pour ensemencer un pain de meule, laissé une nuit à fermenter.
À la clef : un pain baptisé 1512 — du nom de la cuvée réalisée à partir du même pied de cuve — « sans une once d’acidité, avec une mie grasse et une odeur légèrement fruitée, mais pas sucré pour autant », rapporte l’artisan, ravi de l’expérience et de ses échanges avec le vigneron.
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