« Dans les plantations où je me rends plusieurs fois par an on peut se rendre compte de l’équilibre fragile sur lequel repose la qualité des fèves de cacao, livre Vincent Guerlais, artisan chocolatier nantais reconnu et président de l’association Relais Desserts. On parcourt parfois pendant trois jours des routes et des pistes : donc le cacao fait le chemin inverse. Tout en percevant les difficultés quotidiennes des planteurs, c’est l’occasion de rencontrer des personnes passionnées, des paysans au bon sens du terme. Il est pour moi important de créer une vraie relation étroite, de leur montrer ce que l’on fait des fèves qu’ils produisent. C’est enrichissant pour eux comme pour nous», estime-t-il.

Le 5 septembre dernier, il était accueilli chaleureusement par Agnès Malmedy, présidente de la coopérative Femme Rurale du Littoral. L’objectif de ce groupement professionnel est de former à la culture du cacao des femmes isolées afin qu’elles puissent en vivre et devenir autonomes financièrement.
Au Cameroun comme ailleurs en Afrique, les femmes constituent la majorité de la main-d’œuvre agricole. Le plus souvent, elles travaillent dans la ferme familiale, sans rémunération et sans être propriétaires des terres qu’elles cultivent. Avec le Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC), la coopérative leur confie un hectare ou plus, qu’elles plantent, entretiennent et récoltent. Ces productrices étaient une quinzaine il y a trois ans, elles sont désormais près de soixante-dix.

Un engagement qui a du sens
« Le site est loin de toute route carrossable. Avec Chocolatiers Engagés, nous les aidons à créer un centre de traitement postrécolte sur place, poursuit Vincent Guerlais. Le montant, soixante mille euros sur trois ans, servira aussi à les former à la fermentation et au séchage. S’ajoutera un volet gestion, entrepreneuriat et leadership féminin. L’émancipation économique des femmes africaines a du sens pour les membres de Relais Desserts. Cet accompagnement doit leur permettre de mieux vivre de leur travail. »
La fermentation des fèves est une étape délicate du processus, qui déterminera le goût du chocolat. L’initiative se veut vertueuse : en proposant un cacao de meilleure qualité, donc à un prix plus élevé, les productrices doivent pouvoir augmenter leurs revenus.

« Depuis dix ans, le cacao du Cameroun a vraiment évolué en qualité, se réjouit l’artisan, qui torréfie lui-même les fèves pour créer ses chocolats. Ces femmes ont envie de sentir un vrai partenariat et de rencontrer les chocolatiers qui utiliseront leur cacao dans les années à venir. » Avec Alain Chartier, Jean-Paul Hévin, Arnaud Larher et Aurélien Trottier — membres de Relais Desserts et artisans réputés —, il a aussi vérifié le soutien du gouvernement camerounais à ce programme : « Nous y retournerons pour suivre l’avancement des travaux du centre et voir comment se déroulent les formations. »