La crise énergétique pose de nombreuses questions aux artisans boulangers qui veulent développer leur activité sur le long terme. Quelle énergie choisir ? Quelle est la source la plus viable économiquement et la moins impactante sur le climat ?
Pour la cuisson des pains, le granulé de bois (ou pellet) est très tentant quand on dispose d’un fournisseur crédible à proximité et de locaux adaptés pour la livraison et le stockage. Mais le basculement vers cette énergie interroge. La cuisson au granulé de bois est-elle vraiment rentable ? Ces fours sont-ils fiables sur le long terme ? La gestion au quotidien des granulés et des cendres est-elle simple contraignante au fournil ? Et les fumées ne sont-elles pas problématiques pour le voisinage ?

Le bon choix au bon moment
Pour obtenir des réponses, nous sommes allés visiter la boulangerie Guignard à Royan (Charente-Maritime), dont l’ancien four à gaz a été remplacé par un four à pellets Mondial Forni (une marque italienne). L’installation remonte à mars 2020, c’est-à-dire un an avant les crises énergétiques de 2021 (reprise post-covid) et de 2022 (guerre russo-ukrainienne).
Après cinq ans d’utilisation, Benoît Guignard, qui est très impliqué dans la profession (il est élu à la chambre de métiers et de l’artisanat de Nouvelle-Aquitaine, et est président adjoint de la fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de Charente-Maritime) et le collectif de La Dynamique Céréalière (filière blé-farine-pain en Poitou-Charentes), ne regrette pas ce choix et veut même partager son expérience, avouant avoir lui-même pu bénéficier de conseils qui l’ont rassuré et convaincu (des boulangers Jean-Claude Chisson à La Rochelle et Matthieu Morineau à Carnac, notamment).

Une énergie durable, confortable, compétitive
Le four de 12 m2 (trois étages) doté d’un brûleur et d’un convoyeur à granulés Natural Fire s’est montré parfaitement fiable à l’usage (aucune panne). La qualité de cuisson apportée par la technologie de chauffe (tubes annulaires) et la conception massive en briques réfractaires du four, intégralement maçonné, s’avère toujours excellente, sauf pour les cuissons douces (brioches, par exemple).
Julien Guignard (le fils) explique aussi que la gestion des pellets n’est pas compliquée. « Le chargement et l’évacuation des cendres sont peu contraignants, tout comme l’entretien annuel — dépoussiérage et ramonage du conduit maçonné —, la livraison et le stockage des sacs derrière le four. Celui-ci n’émet quasiment pas de fumées ni de particules fines. Le réglage de la température, le convoyage des granulés et la possibilité de mettre en chauffe à distance sont gérés électroniquement. Le seul point négatif, c’est que l’installation du four est longue. Il faut compter au moins cinq jours de montage et cinq jours de séchage — incluant la mise en chauffe par paliers —, sans compter le réglage du convoyeur-programmateur qui demande un peu de temps », précise-t-il.

Sur le plan économique, l’investissement est équivalent à un four électrique (environ 50 000 €). Mais pour ce four écologique, des aides conséquentes existent, via l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (20 % du coût à l’achat dans le cas présent) et nul besoin d’installer un compteur jaune (17 000 € d’économie). La rentabilité des cuissons est aussi optimisée car le prix du kilowattheure est non seulement avantageux (comparé à celui du gaz ou de l’électricité), mais il est aussi plus stable et moins soumis aux spéculations.
« Même si le marché du pellet a aussi connu une flambée en 2021 et en 2022, il n’en reste pas moins que les surcoûts à la production ont été supportables. Alors que le prix d’achat du sac de pellets de quinze kilos chez notre fournisseur local, Picoty Atlantique à Corme-Royal, est passé de 4 euros TTC en 2020 à 8 euros en 2021 et à 10 euros en 2022, il est retombé en 2023 et 2024 autour de 6-7 euros TTC »,assure-t-il.
Le bilan parle de lui-même : « Avec l’ancien four à gaz, notre facture s’élevait 1 700 euros HT par mois en 2019. Avec le four à granulés, nous sommes passés à 500 euros en 2020, puis à 800 en 2021 et, au plus fort de la crise, à 1 100 euros par mois en 2022. En 2023 et 2024, nous sommes redescendus autour de 600-700 euros HT par mois. Il faut savoir que ce four consomme très peu, du fait de son isolation et de son inertie. Même les fournées de l’après-midi demandent très peu d’énergie pour revenir à température », affirme Julien Guignard (le fils).
Ce choix s’avère donc gagnant pour la cuisson du pain et devrait inciter les boulangers, et même les constructeurs (encore peu nombreux sur ce marché) à basculer vers cette biomasse-énergie.