Sous le soleil de Saint-Tropez, dans le Var, a été célébrée les 4, 5 et 6 mai derniers la complicité entre les producteurs et les chefs. À l’ombre des platanes de la place des Lices, 140 producteurs et artisans transformateurs ont dressé un vaste marché, visité par plusieurs milliers de personnes, pour un événement intitulé Les Chefs à Saint-Tropez fêtent les producteurs.
Des produits locaux de haut-vol étaient présentés sur les étals : fruits et légumes frais, plantes aromatiques, fromages, huîtres, charcuteries, huiles d’olive, miel, biscuits, vins et liqueurs. Étaient également présents des boulangers-pâtissiers habitués du marché de Saint-Tropez, comme Stéphane Carletto, Le Fournil de Pilou & Sandra ou encore la Maison Nagi. Nombre de ces artisans et agriculteurs travaillent occasionnellement ou régulièrement avec des restaurateurs.

L’événement tropézien met en lumière depuis quatre ans des passionnés de la production de beaux produits, goûteux, parfumés et nutritifs. Cette fête a été imaginée par le chef étoilé Arnaud Donckele, petit-fils d’agriculteurs ; et son ami Loïc de Saleneuve, paysan et philosophe, venu des collines de Collobrières proches. Elle est organisée et orchestrée par des professionnels de l’événementiel : Pascale Perez et Tom Carbonnel.
Les trois jours festifs n’occultent pas les difficultés économiques rencontrées par les producteurs. Un déjeuner caritatif, préparé par des chefs, a permis de collecter des dons pour l’association Solidarité Paysans Provence-Alpes. Cette organisation nationale lutte contre l’exclusion en milieu rural à l’aide de structures départementales et régionales, en accompagnant et en défendant les familles d’agriculteurs, en vue de préserver l’emploi agricole,
Un jury de haute volée
Dans les allées gourmandes déambulent des chefs multi-étoilés en veste blanche ou en tenue civile, comme Guillaume Gomez, Gérald Passédat, Éric Fréchon, Stéphanie Le Quellec, Frédéric Anton, etc. Ils sont arrêtés par des fans, les yeux brillants, qui leur demandent des selfies. Le chef Pierre Hermé se plaît à visiter discrètement un producteur de poivre et un autre d’ail noir qu’il connaît.
Le samedi après-midi, il a présidé le jury du concours La Tropézienne. Le pâtissier a reçu soixante dossiers de candidature. Il a retenu les propositions de onze pâtissières et pâtissiers originaires de différentes régions. Tous se sont longuement entraînés à préparer leurs desserts, une tarte tropézienne revisitée mais fidèle à la recette originale, qui demeure secrète.
Chaque chef a apporté ses ingrédients et travaillé toute la matinée du 4 mai dans différents labos avant de présenter sa création au jury. Afin de départager les candidats, Pierre Hermé s’est entouré de Sébastien Vauxion (chef pâtissier et chef du restaurant Le Sarkara à Courchevel [Savoie]), du chef pâtissier de Grasse (Alpes-Maritimes) Jérôme de Oliveira — champion du monde de pâtisserie 2009 —, du chef pâtissier du Château de Berne Éric Raynal, de Julien Coulomb (La Réserve Ramatuelle [Var]), de la critique gastronomique Julie Mathieu, et d’Albert Dufréne qui a donné à la tarte tropézienne ses lettres de noblesse.
Avec des produits fermiers
Les candidats étaient émus devant le professionnalisme et le niveau des autres concurrents. La majorité sont pâtissiers dans des restaurants d’hôtels du Var, comme Anna Laurent (Lily of the Valley à La Croix Valmer), Manon Smette (Villa Les Glycines aux Issambres), Geoffrey Turpin (Byblos, Saint-Tropez), Eloi Cabellan (Cheval Blanc Saint-Tropez), Théo Ribeyre (Hôtel de Paris, Saint-Tropez), Kevin Raynal (Hostellerie de l’Abbaye de la Celle). Les autres ont fait le déplacement, comme Hugo Piballeau (auberge de l’Ill à Illhaeusern [Haut-Rhin]), Sylvain Chanudet (apprenti chez Pierre Hermé Paris) ou sont indépendants, tels Alison Toutain — venue de Montpellier — et Sullian Tanneau.
Le parrain du concours a insisté pour que chacun cite les producteurs des ingrédients utilisés. « Il est tellement agréable de travailler avec des produits fermiers », confirme Alison Toutain. Elle, achète sa farine au Moulin de Sauret (Gard), ses œufs, lait et crème à la ferme du Pic Saint-Loup (Hérault). Anna Laurent a, quant à elle, travaillé sa crème avec une huile d’olive fermentée par un oléiculteur varois. Kevin Raynal a confié de son côté s’être entraîné tous les jours durant deux semaines d’affilée : « J’en ai mangé de la brioche ! » Il a choisi la farine T65 d’un paysan meunier de Bras (Var). Théo Ribeyre a utilisé pour parfumer sa tarte du citron de Menton et du thym de Ramatuelle, et Sylvain Chanudet du beurre d’une ferme de sa Bretagne natale et du lait de la Ferme de Viltain (Essonne).
Les trois finalistes

Chacun a préparé trois exemplaires de sa création. Si bien que le public, venu nombreux, a pu déguster à son tour de petites bouchées posées sur des assiettes. Il s’est régalé aussi lors de la distribution de baby tropéziennes, au confit de fraises et grenades accompagnant une crème infusée aux feuilles d’olivier.
Après délibération, le jury a attribué la troisième place à Manon Smette, la deuxième à Hugo Piballeau et, la tarte tropézienne qui a remporté le concours, a été celle d’Eloi Cabellan. Sa brioche, élégamment dentelée, contenait des zestes d’oranges et était imbibée d’un sirop vanille. La crème onctueuse avait été parfumée à la fleur d’oranger et agrémentée d’un confit mandarine et kumquat. « J’ai travaillé avec des produits locaux, les œufs de Loïc de Saleneuve à Collobrières, la PME Agrumes, le lait, la crème et le beurre d’un mas, et une farine du Moulin Pichard [Alpes de Haute-Provence] », indique-t-il.
Le chef du Cheval Blanc Paris, Arnaud Donckele, était fier de son jeune poulain, taillé comme un géant, que le chef Pierre Hermé couvait d’un regard bienveillant : « Il est important de donner envie aux jeunes de faire notre beau métier. »