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Cabosses de cacao sur arbre à Madagascar (été). Aux conditions météorologiques défavorables s’ajoutent le vieillissement des arbres et le virus de l’oedème des pousses du cacaoyer.
Cabosses de cacao sur arbre à Madagascar (été). Aux conditions météorologiques défavorables s’ajoutent le vieillissement des arbres et le virus de l’oedème des pousses du cacaoyer. © B. LAFEUILLE

Prix du cacao : décryptage d'une année folle

En 2024, le cours mondial du cacao a atteint des niveaux jamais vus. En cause : une récolte mondiale en baisse entraînant une spéculation effrénée.

L'année 2024 est celle des records, et pas uniquement olympiques. Après avoir pris son élan, le prix de la tonne de fèves de cacao a décollé en flèche. Sur l’année 2023, il était passé de 2 500 dollars américains (USD) à plus de 4 000 USD. Il a atteint 6 000 USD en février 2024, franchi la barre des 10 000 USD en avril, enregistré un record absolu à 12 200 USD le 19 avril avant de dégringoler, de remonter, puis de redescendre lentement.

Les marchés ont sursauté dès les premiers signaux d'une mauvaise récolte 2023-2024 en Afrique de l'Ouest. Ensuite, chaque prévision pessimiste a remis une pièce dans la machine à spéculer.

Au final, sur la campagne en cours, d'octobre 2023 à septembre 2024, la production mondiale de cacao reculerait de 11,7 % sur un an, selon l'Organisation internationale du cacao (ICCO). Avec 4,461 millions de tonnes (Mt), il manquerait 439 000 tonnes (t) pour équilibrer l'offre et la demande. La campagne précédente ayant déjà été légèrement déficitaire, les stocks mondiaux se vident. L'ICCO prévoit qu'ils tombent à 1,3 Mt à la fin de la campagne : c’est 27 % des volumes de broyage annuels projetés au lieu des presque 50 % habituels.

La crise est localisée dans deux pays. La Côte d'Ivoire et le Ghana réalisent habituellement près de 60 % de la production mondiale, avec deux saisons de récolte : une principale d’octobre à décembre, et une petite en avril-mai. Or, les récoltes, qui avaient été vendues un an à l’avance, n’ont pas été à la hauteur des attentes. « Ces pays ont des marchés régulés et vendent à l’avance à prix fixe quatre-vingt pour cent de leurs volumes prévus, explique Christophe Eberhart, agronome spécialiste des filières tropicales et cofondateur de l'entreprise de commerce équitable Ethiquable. En juin 2023, quand les comptages de fleurs ont montré que la récolte principale de l’automne serait insuffisante pour honorer les contrats, les pays ont fermé leur marché. Ils ont quand même dû reporter sur la saison suivante une partie des contrats non honorés. »

Phénomène durable

Le Ghana terminerait la campagne 2023-2024 avec moins de 500 000 t sur les 800 000 t prévues. Il table à nouveau sur 800 000 t en 2024-2025 mais son optimisme n'est pas partagé. L'ICCO évoque un phénomène « structurel par nature ». La tendance baissière remonterait à 2016-2017 et s'expliquerait par une combinaison de facteurs s'ajoutant aux conditions météo de l'année : le vieillissement des cacaoyers, le Cocoa Swollen Shoot Virus (CSSV, virus de l'œdème des pousses du cacaoyer, en français) qui toucherait 81 % des plantations, et l'exploitation illégale de l'or qui concurrence la cacaoculture et pollue les rivières.

De son côté, la récolte ivoirienne serait la plus faible des vingt dernières années avec 1,8 Mt estimées. Pour la prochaine campagne (2024-2025), le pays a rouvert son marché en janvier, comme d'habitude. Mais il a gelé les ventes à 940 000 t, soit 35 % de moins que l'an passé, ce qui « n'envoie pas de bons signaux », interprète Christophe Eberhart. Dans ce pays, la chute de production serait « un évènement isolé à court terme, selon l'ICCO, qui note toutefois que vingt-cinq à trente pour cent des plantations ivoiriennes seraient infectées par le CSSV. Si ces informations se vérifiaient, la Côte d'Ivoire pourrait atteindre son pic de production à moyen terme ».

L'agronome spécialiste des filières tropicales et cofondateur de l'entreprise de commerce équitable Ethiquable Christophe Eberhart approuve : « Cette crise est un avertissement ! Le cacao ivoirien s'est construit sur la colonisation de la forêt. Mais ces systèmes de défriche-brûlis épuisent les sols. Au bout de trente ans, il coûte moins cher de défricher à nouveau que de réhabiliter les sols. »

Les mauvaises récoltes en Côte d’Ivoire et au Ghana alimentent la hausse des cours du cacao. (© B. LAFEUILLE)

Hélas, l'argent à investir pour améliorer leurs pratiques manquera encore cette année aux planteurs ghanéens et ivoiriens, et plus cruellement que d'habitude. Ils subissent la double peine : leur maigre récolte a été vendue à l'avance à un prix fixé avant la hausse des cours. D’après le site d'information spécialisé CommodAfrica, en mai, les producteurs ivoiriens touchaient « 1500 francs CFA le kilo de fève contre 5 500 pour les Camerounais, pays où le cacao est librement commercialisé ».

Impact différé

C’est pourquoi la géographie du cacao pourrait évoluer. Les exportations de fèves d'Amérique sont déjà en croissance et « ces pays bénéficient de la hausse des prix et investissent dans leur production », note l'ICCO. L'Équateur, au troisième rang mondial, pourrait bientôt dépasser le Ghana. En Tanzanie, où 2500 planteurs cultivent du cacao pour Kokoa Kamili, « la récolte a été correcte et nos producteurs ont été mieux payés que jamais : ils ont bénéficié de prix multipliés par quatre », témoigne son cofondateur Simran Bindra. Or, avec davantage de fonds, les producteurs peuvent prodiguer de meilleurs soins aux arbres.

À l'autre bout de la chaîne, les chocolatiers n'ont pas toujours ressenti l'impact de ces hausses. « Les gros couverturiers ont pu se couvrir à l’avance : une grande partie du cacao transformé en ce moment a été acheté à la Côte d'Ivoire ou au Ghana au prix de l'an passé, explique Christophe Eberhart. En revanche, une petite entreprise comme la nôtre, maintenant qu'elle a utilisé ses stocks, doit acheter du cacao au cours mondial ! »

Péril sur les labels

Les chocolatiers travaillant en bean to bar sont aux premières loges. « Nous n'avons pas la même capacité que les grands groupes à constituer des stocks, témoigne Emmanuel Ruas, cofondateur de Barre clandestine. En plus des fèves, nous avons subi la hausse du prix du beurre de cacao, qui est passé de 10-13 euros le kilo à 30-40 euros. Et nous avons eu des ruptures d'approvisionnement dans certaines origines de fèves. » En raison de son positionnement haut de gamme, la chocolaterie qu'il tient avec Émilie Palisson a d’abord été préservée. « Quand les grands groupes achetaient un cacao peu qualitatif à moins de 2 euros le kilo, nous payions déjà 10 euros le kilo pour une récolte triée de qualité excellente, reprend Emmanuel Ruas. Mais si les prix mondiaux dépassent les nôtres, nous devons suivre, car nos fournisseurs pourraient être tentés de vendre ailleurs... » Quand on produit des tablettes de qualité supérieure, dont les fèves représentent 75 % de la matière première, l’impact est violent. « Étant déjà sur un positionnement prix élevé, nous ne pouvons pas la répercuter sur les consommateurs », ajoute le chocolatier.

Pour Christophe Eberhart, l'envolée du cacao conventionnel met en danger les filières bio et équitables. « Elles n'existent que si leur production est payée plus cher car elles ont plus de charges à couvrir, souligne-t-il. Si le cacao conventionnel est vendu à 10 000 USD, pourquoi les producteurs et les coopératives s'embêteraient avec la qualité et la traçabilité ? »

Cet été, les prix étaient repartis à la baisse. Cette détente des cours s'explique par l'espoir de volumes plus abondants l'année prochaine, mais pas seulement. Certaines raisons sont purement techniques, liées au besoin de liquidité des marchés financiers et au désintérêt des investisseurs qui arrêtent de spéculer à la hausse. Mais on sait désormais qu’il suffit d'une annonce pour inverser la tendance et enregistrer de nouveaux records.

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