Vis, boulons, poignées, charnières et autres thermomètres, rangés dans des boîtes étiquetées, attendent leur heure sur des étagères, non loin des piles de briques et des plaques de métal découpées au laser. Sous le grand hangar de L’Atelier paysan à Renage, en Isère, des dizaines de fours à pain reposent en pièces détachées. Là, dans une ancienne papeterie, l’association qui milite en faveur de l’autonomie technologique et du low-tech a établi ses quartiers depuis cinq ans.
Émanation de l’Association pour le développement de l’agriculture biologique, L’Atelier paysan est une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) animée d’une ambition : reprendre la main sur les machines. « Nous formons au travail du bois et du métal pour aider les gens à dépasser leurs craintes. Avec un peu d’équipement, on peut souder soi-même », illustre Christophe Peyrichou, responsable logistique et vente.
Les formations ont lieu aux quatre coins de la France. Avant d’élargir l’offre à quelques équipements de boulangerie, l’association ne visait que les agriculteurs, dont elle voulait rompre la dépendance vis-à-vis des machines et des concessionnaires. « La démarche est ascendante : des paysans bricolent et inventent des outils dans leur ferme, d’autres les améliorent, relate Christophe. Nous diffusons ces technologies via des formations et des kits à monter soi-même. Nos plans et tutoriels en ligne sont accessibles à tous gratuitement. »
Jusqu’à 60 kilos de pains moulés par fournée
Le premier four à pain a été fabriqué il y a sept ans pour cuire des pains et des pizzas lors d’un évènement festif organisé par L’Atelier paysan. De forme ronde avec une sole d’un mètre de diamètre, chauffé au bois, ce “four 100” permet de cuire jusqu’à 35 kg de pains moulés. Facile à charger sur une remorque, il peut être amené sur des marchés ou des festivals.
Pour répondre à la demande d’un four de plus grande capacité, la Scic a ensuite développé le four 150. Avec un diamètre d’1,50 m, il permet d’enfourner jusqu’à 60 kg de pains moulés. Lui n’est pas mobile mais déplaçable en cas de déménagement.
Le jour de notre visite, Antonin Ariagno, responsable d’atelier, travaille sur une amélioration du four 150 visant à simplifier le système de transmission qui fait tourner les soles. « Nous centralisons les retours des formateurs et des utilisateurs pour améliorer les outils, explique-t-il. Les deux fours ont déjà bien évolué : le four 100 en est à la version 6.7 et le four 150 à la version 1.5. » Les utilisateurs partagent aussi leurs expériences sur un forum.
Deux façons d’acquérir un four 100 : l’autoconstruire durant une formation de huit jours ou l’acheter en kit pour le monter chez soi avec l’aide du plan et de tutoriels. « Les formations sont données à une douzaine de stagiaires, qui construisent un four par binôme, indique Christophe. Ils n’ont pas besoin d’être des as du bricolage et tout le matériel est fourni. »
La formation coûte 2 000 € par tête, auxquels s’ajoutent les 3 700 € HT de matériel pour ceux qui repartent avec le four construit. Le format 150, plus coûteux et long à fabriquer, n’est proposé qu’en kit à assembler chez soi, pour un coût de 7 400 € HT. Les plus à l’aise le montent seuls, les autres font appel à un métallier. « Ceux qui ont suivi la formation pour le four 100 sont capables de monter celui-ci », précise Christophe.
Sobriété énergétique et technologique
Les boulangers qui s’intéressent aux fours de L’Atelier paysan adhèrent souvent aux valeurs d’autonomie, de sobriété technologique, de fabrication locale et d’entraide. Le coût et les délais de livraison sont un autre argument : le kit est livré en huit semaines et contient tous les éléments, ce qui évite d’avoir à contacter quinze fournisseurs différents.
Les retours des usagers sont positifs, notamment au sujet de son temps de chauffe rapide : trois à quatre heures suffisent à atteindre une température homogène de 300 °C dans le four 150. Un autre atout est sa consommation de bois maîtrisée grâce à la qualité de l’isolation.
Côté entretien, « rien de particulier à signaler à part le nettoyage quotidien et un ramonage en cas de perte de tirage », indique Antonin. Quant à la durée de vie du four, « nous manquons encore de recul, mais à ce jour nous n’avons aucune remontée négative, reprend-il. Toutes les zones sensibles sont renforcées pour bien résister. Et le gros avantage de l’autoconstruction est que l’on est capable de remplacer soi-même les pièces usées. »