« Cela nous permet de vendre deux cent quarante flûtes chaque semaine, donc c’est pas mal du tout ! » s’exclame Éric Poinçon, de la boulangerie Saveurs et délices, à Cahors. Depuis un an, son établissement livre le collège Gambetta dans cette même ville, en pain Haute Valeur Environnementale (HVE) 100 % lotois. Le blé, les meuniers et les artisans boulangers viennent tous du département. « Le blé, la farine et le pain sont produits dans un rayon de quatre-vingt-dix kilomètres, se félicite Gérard Bodi, président de la Confrérie du pain du Lot. C’est bien pour la planète… et c’est bon pour les affaires. C’est vrai que certains boulangers en avaient besoin… »
Un mouvement local en croissance
Si trois collèges avaient expérimenté la livraison de pain HVE par leur boulanger l’année précédente, cette dynamique s’est développée depuis la rentrée de septembre, au point de concerner aujourd’hui onze établissements… et donc onze boulangers. « Et, quand les contrats avec d’autres seront terminés et toutes les questions autour des gestionnaires levées, j’ai bon espoir que l’on touchera les vingt collèges du département », anticipe Serge Rigal, le président du conseil départemental. C’est lui qui est à l’initiative du lancement de cette nouvelle filière. « J’avais identifié que nous disposions dans le département du blé, de meuniers et de boulangers, se souvient-il. Je pensais que ce serait facile. » Mettre tout le monde autour de la table, et d’accord, a finalement pris plus d’un an.
Chambre d’agriculture, Confrérie du pain du Lot, meuniers, conseil départemental, gestionnaires de collèges : « C’est bien que tous les participants comprennent les contraintes des autres », met en avant Fanny Melet, responsable du service filières courtes et promotion à la chambre d’agriculture du Lot. Elle détaille : « Pour la viande ou les produits laitiers, c’est l’agriculteur qui produit, transforme et livre. Là, c’est plus compliqué, parce qu’il y a trois interlocuteurs : les agriculteurs, les meuniers et les boulangers. » À ceux qui voudraient créer une offre de pain similaire, elle conseille : « Il faut effectuer un bon état des lieux de l’offre existante, à chaque étape. Et ne pas casser le lien existant entre les collèges et leur fournisseur, sachant qu’ils sont très attachés à leur boulanger local. » Côté prix, le pain HVE coûte « quelques centimes » plus cher mais le Département verse une subvention aux établissements participants.
Les promoteurs de ce pain à destination des collèges avaient un atout de taille dans leur jeu : une filière déjà bien en place. Le Croustilot, un “gros pain”, existe depuis quasiment trente ans. « Il est au levain, sans améliorants ni additifs… et déjà cent pour cent lotois », appuie Gérard Bodi. Les améliorants sont en revanche autorisés dans le pain tradition à destination des collèges, qui est fabriqué au levain via un pétrissage amélioré (« douze minutes environ »). Avec une contrainte supplémentaire : le blé doit être produit selon le cahier des charges de la HVE. Deux agriculteurs locaux ont donc répondu à l’appel d’offres, de même que deux meuniers locaux, pour qui l’enjeu majeur était de garantir la traçabilité de ce blé lotois.
Le label HVE, pour entrer plus facilement dans les cantines
Le label HVE permet de bénéficier de la loi Egalim, qui oblige la restauration collective à intégrer au moins 50 % de produits durables. « Elle promeut le local et l’environnement : on est complètement dedans ! » se réjouit Gérard Bodi. Mieux : « L’objectif est, par la suite, de toucher les lycées, les maisons de retraite, les cantines des écoles primaires et maternelles, énumère Fanny Melet. Il y a du potentiel. » « Le projet est bien lancé, applaudit de son côté Julien Thamié, du moulin éponyme. Aujourd’hui, le Croustilot et le pain HVE représentent vingt pour cent de notre activité. Cela participe à la pérenniser et cela met en valeur des structures comme la nôtre. D’ailleurs, certains boulangers commercialisent ce pain HVE dans leur boutique. »
La dynamique ne s’arrêtera peut-être pas en si bon chemin : « Nous étudions la possibilité de nous lancer sur le pain bio, indique le président du Département. Là, les gestionnaires tiquent sur le prix, qui pourrait être plus élevé. Il y a aussi la question de la quantité : les paysans-boulangers présents sur le territoire pourront-ils répondre à la demande ? »