Fabrication
La qualité du feuilletage et la régularité des feuillets ne deviennent visibles qu'en fin de cuisson.
La qualité du feuilletage et la régularité des feuillets ne deviennent visibles qu'en fin de cuisson. © A. TANDEAU

Six pièges à éviter pour réussir ses croissants

La qualité des croissants et autres viennoiseries à pâte levée feuilletée dépend des ingrédients utilisés et de la maîtrise technique du procédé. Voici les principales erreurs à éviter selon Mathieu Paulmery, champion de France de boulangerie en 2021.

Le croissant est un produit emblématique du savoir-faire boulanger et un marqueur fort des bonnes maisons. Rater son feuilletage et celui de ses pains au chocolat (ou chocolatines), c’est prendre un risque commercial important, d’autant que l’attrait des consommateurs pour la viennoiserie traditionnelle repart en force aujourd’hui ! Alors si vos produits à pâte levée feuilletée peinent à gonfler, à croustiller et à dorer, suivez les conseils techniques de Mathieu Paulmery, gagnant par équipe de la Coupe de France de la boulangerie en 2021 et boulanger démonstrateur à la Minoterie du Bocage.

Erreur n° 1 : Choisir la mauvaise la farine

La première erreur est celle qui consiste à choisir une farine pâtissière ou boulangère ordinaire. La farine idéale pour les croissants est, certes, une farine blanche de froment T45, mais elle doit en plus être riche en protéines (en gluten). Il s’agit d’une farine de force ou spéciale viennoiseries que tous les bons meuniers proposent. Elle est élaborée à partir de variétés de blé de force, riches en protéines donc. Pour les experts, il s’agit d’une farine qui a une force boulangère W supérieure à 300 et un taux de protéines supérieur à 12 %. C’est pourquoi on peut aussi conseiller la farine de gruau, qui correspond à une farine de blé tendre de type 65 maximum, contenant au moins 12 % de protéines (taux réglementaire).

La farine blanche de force ou de gruau est essentielle pour réussir son feuilletage. (© A. TANDEAU)

Erreur n° 2 : Utiliser un beurre ordinaire

L’utilisation d’un beurre ordinaire peut, là encore, pénaliser la formation du feuilletage. Le beurre idéal est un beurre de tourage ou spécial feuilletage à 82 % de matières grasses (taux réglementaire de la dénomination beurre), voire à 84 % de matières grasses (dénomination beurre sec). Ces beurres ont surtout une composition en acides gras qui leur permettent de bénéficier d’un point de fusion un peu plus élevé que le beurre ordinaire, c’est-à-dire autour de 32-34 °C. Cela signifie qu’ils ont un aspect ferme et sec au toucher, et une meilleure tolérance à la chaleur due à l’ambiance du fournil ou à l’échauffement lié à la mécanisation. Ils ont aussi des propriétés plastiques adaptées au tourage manuel ou mécanisé (effectué à l’aide d’un laminoir) permettant aux couches de beurre du feuilletage de s’étirer et de s’amincir tout au long du procédé sans déshuiler (le beurre passe à l’état liquide) et sans déchirer (le beurre se morcelle). Si les feuillets de pâte se collent entre eux, le développement du feuilletage ne se fera pas correctement. À noter que certains beurres de tourage nécessitent d’être assouplis à la sortie du réfrigérateur — un simple passage au laminoir suffit. Dans les ambiances chaudes (en été, par exemple), on peut privilégier des beurres de tourage à plus haut point de fusion (34-36 °C).

Le beurre de tourage se présente sous forme de plaques. (© A. TANDEAU)

Erreur n° 3 : Ne pas maîtriser le pétrissage

Cette étape est capitale, bien que souvent insuffisamment maîtrisée. Il n’existe pas réellement de vitesses de pétrissage à respecter (au pétrin ou au batteur) car il y a trop de variables liées aux matériels, aux recettes ou aux ingrédients. Il est juste impératif que la pâte en fin de pétrissage soit lisse et bien structurée. Cela demande que la ténacité, l’extensibilité et l’élasticité soient contrôlées. Concrètement, la pâte pétrie — la détrempe — est ferme au toucher et présente une certaine résistance à la déformation quand on appuie dessus (ténacité). D’autre part, lorsque l’on étire un bout de pâte entre les doigts ou un rondin entre les mains, ceux-ci peuvent tenir suffisamment (extensibilité) tout en montrant un peu de résistance (élasticité). Mais la pâte doit finir par rompre quand on l’étend de manière excessive. Si on ne pétrit pas suffisamment, elle présente un déficit d’extensibilité et un excès d’élasticité (elle a une grande résistance à l’étirement et se rompt rapidement). Le pâton, après tourage et découpe, peut alors déchirer et fissurer à l’apprêt ou à la cuisson, sans compter que son développement risque d’être fortement contraint. On obtient des croissants petits et trapus, avec un cœur pâteux qui a du mal à cuire. Au contraire, si on pétrit trop, la pâte présente un excès d’extensibilité et un déficit d’élasticité (elle s’allonge très facilement sans casser). Le pâton peut alors pousser à plat, c’est-à-dire s’étendre sur la plaque de cuisson sans prendre de hauteur. On obtient des croissants larges et plats et un feuilletage mou et gras.

En fin de pétrissage, la pâte doit avoir acquis les propriétés plastiques requises. (© A. TANDEAU)

Erreur n° 4 : Une température inadéquate du pointage

Après pétrissage, on façonne des boules de pâte — détrempes — que l’on laisse au repos avant de bloquer au froid (3 °C). Ce temps de détente et de préfermentation — le pointage — est souvent trop court ou trop long. L’idéal est de laisser reposer à température ambiante pendant 30 min, un peu moins si la pâte est assez chaude (température supérieure à 25 °C), un peu plus si elle est plutôt froide (température inférieure à 20 °C). Si la pâte est vraiment trop chaude (au-delà de 30 °C) en sortie du pétrin, c’est un problème car elle peut lever à tout moment. Il faut alors impérativement baisser la température de l’eau (refroidisseur) ou des ingrédients (en les plaçant au frigo la veille). Le pointage idéal doit réveiller l’activité des levures sans toutefois produire de gaz. Si le temps de pointage est trop bref, la production gazeuse tardera à démarrer lors de l’apprêt. Si le pointage est trop long, la pâte commence à lever, ce qui compliquera le tourage et le détaillage : l’épaisseur et la découpe seront moins nettes et précises. L’objectif est que la détrempe soit bien ferme et froide au moment du tourage.

La pâte de détrempe doit reposer pour qu'une première fermentation puisse s'opérer sans prise de volume. (© A. TANDEAU)

Erreur n° 5 : Négliger le tourage

Au tourage, le point de vigilance souvent négligé est celui consistant à vérifier que la pâte et le beurre sont à peu près à la même consistance pour que les deux masses puissent être abaissées et étirées ensemble. Si l’une des masses est trop dure et l’autre trop molle, il y aura des discontinuités dans les feuillets. Des phénomènes de marbrage se produisent quand le beurre, trop dur, se morcelle. Des fissures ou même des crevasses apparaissent quand la pâte, trop dure, se déchire. À la fin du tourage au laminoir, le rouleau de pâte feuilletée doit idéalement reposer au froid pour reprendre de la fermeté et de la stabilité. Cette réfrigération limite en effet le retrait de la bande de pâte feuilletée et atténue le risque de départ en fermentation. La découpe sera donc plus nette et les feuillets plus réguliers à la cuisson.

Le recours à un laminoir améliore la régularité et la qualité du feuilletage, tout en permettant de gagner du temps. (© A. TANDEAU)

Erreur n° 6 : Un apprêt mal contrôlé

La dernière fermentation, dite d’apprêt, est déterminante pour un bon développement du croissant et du feuilletage. La température de l’apprêt est un point critique, qui est parfois mal contrôlé. En effet, dans cette dernière étape avant cuisson, il faut que la levure soit pleinement active (production de gaz) et que le beurre reste souple sans fondre. La température idéale de fermentation se trouve autour de 27-30 °C. Ainsi, un beurre de tourage dont le point de fusion est situé entre 32 et 34 °C reste solide et suffisamment mou pour ne pas s’opposer à l’extension et au développement de la pâte. Mais le beurre ne passe pas non plus à l’état liquide. Les feuillets de pâte vont ainsi pouvoir lever tout en restant séparés les uns des autres. À noter aussi que le respect d’une durée de pointage suffisante permet à la levure de démarrer plus rapidement, limitant le phénomène de relâchement et de poussée à plat.

L'apprêt assure la première prise de volume des croissants aussi bien en hauteur qu'en largeur. (© A. TANDEAU)
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