Les Opco (Opérateurs de compétences) sont les organismes agréés par l’Etat qui financent et administrent la formation professionnelle (continue ou par alternance) des entreprises de moins de 50 salariés. Ils ont pris le relai en 2019 des Organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) suite à l’adoption de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la Liberté de choisir son avenir professionnel.
Un cadre totalement restructuré
Cette réforme a voulu simplifier et uniformiser la gestion administrative et financière de la formation professionnelle avec plusieurs mesures fortes, mises en place pour la plupart au 1er janvier 2019 :
- la mise en œuvre du Plan de développement des compétences (PDC) qui remplace le Plan de formation et qui permet aux salariés de suivre des actions de formation à l’initiative de leur employeur (en complément de celles qu’ils peuvent suivre de leur propre initiative grâce à leur compte personnel de formation – CPF) ;
- la mise en place de onze Opco spécialisés pour administrer et financer les PDC, chacun disposant d’un portefeuille de branches professionnelles, dont l’Opco EP spécifiquement dédié aux entreprises de proximité ;
- le transfert de la compétence de collecte de la contribution versée par les entreprises (Contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance – Cufpa) vers la Caisse nationale des Urssaf au 1er janvier 2022 ;
- la création de France compétences, l’autorité nationale centrale de financement et de régulation de la formation professionnelle. Cet organisme d’Etat centralise désormais les contributions versées par les entreprises aux Urssaf (Cufpa) et les répartit entre les Opco et les autres acteurs de la formation professionnelle.
Le rôle des Opco
Les Opco ont ainsi la tache d’accompagner et de financer les branches professionnelles affiliées en ce qui concerne la formation par alternance (contrat d’apprentissage ou de professionnalisation) et la formation continue des salariés à l’initiative de l’employeur. Sur ce dernier point, les Opco financent spécifiquement les PDC mis en œuvre dans les entreprises en prenant en charge les coûts pédagogiques, les frais (déplacement, restauration, hébergement) et le maintien du salaire pendant la formation. En sélectionnant les formations de qualité (Organismes de formation certifiés Qualiopi, Centres de formation des apprentis), les Opco sont aussi censés accompagner les branches dans leurs évolutions économiques, sociales, technologiques ou écologiques. Les Opco sont donc des acteurs clés de la formation professionnelle, au même titre que la Caisse des dépôts et des consignations (qui administre le CPF) ou que les Commissions paritaires interprofessionnelles régionales (qui interviennent sur les dispositifs de transition professionnelle).
L’Opco EP sous pression
L’Opco des Entreprises de proximité (Opco EP) est l’opérateur de référence pour plus de 50 branches (voir encadré) comme la boulangerie-pâtisserie artisanale, les commerces de détail, les professions libérales, les services à la personne… et bien d’autres. Si la transition administrative semblait plutôt bien se passer jusque là, désormais ce n’est plus le cas : l’Opco EP se trouve actuellement sous pression. En cause : une baisse soudaine, et bien en dessous de ce qui était prévu, de la dotation annuelle versée par France compétences pour financer les PDC des entreprises. « France compétences nous avait annoncé une dotation prévisionnelle d’un montant de 166 millions d’euros en décembre 2021 au titre de l’année 2022. Nous avons donc redistribué la totalité de cette dotation, qui a été intégralement consommée par les entreprises au bénéfice des salariés. Alors que l’exercice 2022 était clos depuis plus de trois mois, nous avons eu la stupéfaction d’apprendre par un courrier du 14 avril 2023 que le montant était finalement de 123 millions d’euros et non plus 166 millions d’euros ! », explique Aline Mougenot, présidente nouvellement élue de l’Opco EP à nos confrères d’AEF info.
Le cap pour 2023
L’Opco EP doit alors recourir à ses fonds propres pour couvrir la différence sur l’exercice 2022 et se retrouve en mauvaise posture pour l’exercice 2023, sachant qu’au deuxième trimestre plusieurs branches ont déjà consommé la totalité de leur budget annuel. Faute de n’avoir pu obtenir non plus le montant de la dotation pour 2023 de France compétences, le conseil d’administration de l’Opco EP s’est résolu à baisser dans l’immédiat la totalité des enveloppes pour les PDC de 30% environ et, ce, pour chaque branche (dont la boulangerie-pâtisserie artisanale). Dans un second temps, elle donnera le montant précis alloué à chacune pour 2023 ainsi que le montant déjà consommé afin que les branches puissent s’organiser en conséquence, en recourant éventuellement à des fonds conventionnels que certaines ont à disposition.
Une clarification nécessaire
L’Opco EP a aussi demandé des explications à France compétences qui lui a répondu début mai 2023. Son directeur général, Stéphane Lardy, rappelle que les difficultés concernant les dotations 2022 sont liées au changement du mode de collecte de la Cufpa, qui a été transférée cette année à la Caisse nationale des Urssaf (elle ne passe plus par les Opco). La redéfinition, dans le même temps, du périmètre de couverture des Opco déterminant à 90% le volume des dotations (qui avait été fixée par un décret datant du 30 décembre 2021) a été plus complexe que ce qui avait été initialement prévu. Les répartitions définitives pour 2022 n’ont pu aboutir qu’à compter de la mi-avril 2023, bien après la clôture des comptes de l’Opco EP. À l’avenir, l’écart entre le prévisionnel annoncé et le versement effectif devrait être mieux géré par l’Opco EP. Par contre, la mise en œuvre des nouveaux critères de répartition des financements attribués par France compétences pose un problème majeur pour l’avenir.
Une baisse liée aux effectifs ETP
Ces critères font en effet intervenir un nouveau mode de calcul : la dotation pour chaque Opco n’est ainsi plus basée sur le nombre de salariés affiliés, mais sur le nombre d’équivalents temps plein (ETP). Or, parmi toutes les entreprises de proximité prises en charge par l’Opco EP, les secteurs des « particuliers employeurs et de l’emploi à domicile » et des « assistants maternels » font appel massivement à des contrats à temps partiel. L’Opco EP, qui représentait jusqu’alors un effectif de 3 millions de salariés, ne pèse plus désormais que 2,2 millions de salariés en ETP ! La dotation accordée par France compétences baisse donc fortement en conséquence, non seulement pour 2022 et 2023, mais aussi pour les années à venir. Si aucune solution de secours n’est trouvée, cette coupe budgétaire colossale va inévitablement impacter fortement et durablement les salariés des entreprises de proximité, notamment ceux des boulangeries-pâtisseries artisanales qui auront désormais un accès plus restreint à la formation continue.