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Demande d’arriérés de charges : quel est le délai pour mon bailleur ?

Bonjour Maître, mon propriétaire m’adresse un rappel de charges et me demande de payer, au titre de mon bail commercial, des charges locatives datant de plus de cinq ans (de 2018 à 2023). Il me semble qu’il y a prescription, au moins pour certaines années. A-t-il le droit de le faire ? Grégoire P. (64)

La réponse de Me Verdier

Chère monsieur,

La notion de charges locatives ne fait l’objet d’aucune définition légale.

Les différentes charges ou taxes que le bailleur peut recouvrer en sus du loyer sont soit des prestations et fournitures individuelles dont le preneur bénéficie, soit d’autres contributions de natures diverses (ravalement, grosses réparations, remplacement dû à la vétusté, etc.), voire des contributions telles que la prise en charge d’honoraires de gestion (administrateur de biens ou syndic). Indépendamment des impôts auxquels le commerçant est directement tenu dans le cadre de l’exploitation de son commerce, d’autres impositions peuvent être recouvrées par le bailleur même si leur paiement incombe légalement au propriétaire (taxes foncières, taxes sur les ordures ménagères, notamment).

Pour répondre à la question de la prescription des charges locatives, il convient tout d’abord de distinguer si votre bail est antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014 ou non.

Pour les baux conclus avant le 5 novembre 2014

Avant la loi Pinel, les charges locatives relevaient du principe de la liberté contractuelle. Il convient donc de se référer à votre contrat de bail commercial.

Aucune charge ne peut être imputée au locataire si le bail ne le prévoit pas expressément. Si votre bail ne met pas à la charge du locataire le paiement des charges locatives, alors le bailleur ne peut pas vous les refacturer. En effet, il a été jugé qu’en l’absence de stipulation du bail prévoyant le remboursement des charges de copropriété par le preneur, celles-ci ne peuvent lui être refacturées (Cour d’appel de Paris, 2 septembre 2016, n° 14/14325). Par ailleurs, il a été jugé que ne constitue pas une renonciation du locataire à contester les charges le fait de les avoir payées pendant de nombreuses années ou de n’avoir émis aucune protestation à réception du détail des charges locatives.

Si votre bail mentionne au contraire que le paiement des charges doit être imputé au locataire, il convient de vérifier la période de régularisation. Par exemple, dans le cas d’un bail qui prévoyait expressément que les provisions devaient être régularisées “en fonction de l’arrêté de comptes de charges annuelles”, la Cour de cassation a ordonné le remboursement par le bailleur de toutes les provisions versées par le preneur au titre “d’appels trimestriels de provisions à valoir sur le paiement de charges”, dès lors que cet arrêté de comptes n’avait pas été établi et communiqué au preneur chaque année. Le bailleur n’est donc pas fondé à obtenir le remboursement des charges s’il n’a pas respecté les délais prévus par le bail.

Si aucun délai n’est prévu par le bail, la jurisprudence sanctionne tout de même la tardiveté du bailleur et peut considérer qu’une régularisation de charges, en raison de son caractère tardif, doit être jugée déloyale et brutale ; et constitutive d’une faute du bailleur dans l’exécution du contrat, l’exposant au paiement de dommages et intérêts (Cour de cassation 3° chambre civile, 21 mars 2012 n° 11-14.174).

Pour la plupart des baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014

Désormais, l’imputation des charges locatives au locataire est encadrée par les dispositions de l’article L145-40-2 du Code de commerce.

Cet article prévoit que tout contrat de bail comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire.

Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans un délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel.

Attention cependant, l’article L145-40-2 du Code de commerce est muet sur la question des sanctions en cas d’irrespect de ces dispositions. En l’absence de précision, nous pouvons supposer que l’absence ou la régularisation tardive des charges sera sanctionnée par les tribunaux de la même manière que celle exposée ci-dessus.

Quelle prescription en matière de charge locative ?

Le bailleur peut demander à son locataire le paiement des charges, dans la limite de la prescription quinquennale. Il ne peut donc pas vous demander de payer des charges au titre d’un exercice datant d’il y a plus de cinq ans.

Le point de départ de la prescription se situe à compter du jour où le titulaire du droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l’exercer, c’est-à-dire à la date où les parties ont eu connaissance de l’arrêté définitif des charges.

En résumé

Même si les charges locatives sont désormais strictement encadrées par la loi, je vous conseille de soigner la rédaction des clauses relatives aux charges locatives dans votre bail commercial.

Aujourd’hui, l’article R145-35 du Code de commerce pose une liste limitative des charges incombant au bailleur, qui ne peuvent être en aucun cas facturées au locataire. Cependant, les autres charges, comme la taxe foncière, peuvent être librement réparties entre le bailleur et le preneur par une clause précise du bail.

Soyez donc vigilant lors de la signature de celui-ci.

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