« C’est simple, j’ai fini en redressement judiciaire à la suite de ces travaux », tranche Ludovic Fortier. Le patron des trois boulangeries Tendances & traditions à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), revient sur les six mois de chantier qui ont fait baisser le chiffre d’affaires de son site principal de 10 % l’an dernier. « Pendant tout ce temps, il y a eu une circulation à sens unique. Les clients ont pris de nouvelles habitudes et ne sont pas revenus. C’est toujours difficile », regrette-t-il. D’autant plus qu’il n’a pas pu obtenir d’indemnisation de la part de l’agglomération et du syndicat départemental des eaux, en charge des travaux. « Pour nous, ça a été l’enfer. On a seulement reçu une aide de l’Urssaf », déplore-t-il.
Un chantier fragilise la trésorerie
Installés à Toulouse, Aude Sanchez et Lionel Giraud, à la tête de la boulangerie le Galo’pain, perçoivent pour leur part des compensations de la part de Tisséo. Cet organisme en charge des transports publics réalise en effet sur la grande avenue qui passe devant leur commerce des travaux en vue de la création de la troisième ligne de métro de la ville. « Ça a commencé par tranches en mars 2021 et ça se terminera en 2029… », témoigne Aude Sanchez. L’indemnisation est de « soixante-cinq pour cent de la marge brute variable de ce qu’on a perdu à cause du chantier. » Cela dit, les fonds versés par Tisséo « arrivent tous les trois à cinq mois, donc notre trésorerie est fragile ».
Les règles d’indemnisation en cas de travaux
Comment être dédommagé lorsque l’on est confronté à cette situation ? « Les travaux sur voie publique peuvent donner lieu à une indemnisation des commerçants, soit par voie amiable, soit par voie contentieuse, indique Delphine Mau, directrice juridique de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie. Avant d’en arriver à la voie contentieuse cependant, mieux vaut solliciter d’abord un accord amiable. Les communes ou les intercommunalités sont susceptibles de proposer des compensations aux commerçants subissant des préjudices économiques. Une commission peut être constituée afin d’examiner les dossiers de demandes d’aides. »
Quand est-il envisageable de saisir la justice ?
Si l’artisan décide de saisir la justice, il doit savoir que“le préjudice économique […] n’est susceptible d’ouvrir droit à indemnisation que s’il présente un caractère anormal et spécial” (cour administrative d’appel de Paris, 23 juin 2011). Ainsi, indique l’agence technique départementale de Haute-Garonne (qui conseille les collectivités), “seuls les préjudices les plus importants ouvrent droit à indemnisation. C’est le cas, par exemple, d’une perte de chiffre d’affaires oscillant entre 37 et 40 % (cour administrative d’appel de Nantes, 20 octobre 2011) ou, a fortiori, d’une diminution de plus de 50 % du chiffre d’affaires (tribunal administratif de Strasbourg, 14 avril 2016).”
La directrice de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie ajoute : « Si le chef d’entreprise a le statut de travailleur indépendant, il est envisageable de solliciter une aide auprès du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants. »