Cher Monsieur,
Aujourd’hui en droit français, il n’est pas possible pour les cuisiniers de protéger juridiquement leurs recettes en vue d’en revendiquer une propriété et d’interdire à d’autres personnes de les copier. Les tribunaux français considèrent en effet que les recettes de cuisine ne sont pas couvertes par le droit de la propriété intellectuelle car ces dernières ne constituent pas une œuvre de l’esprit en elles-mêmes. Elles ne peuvent être protégées que dans leur expression littéraire.
Pour qu’une création soit protégée par le droit d’auteur, il faut qu’elle réponde à deux conditions cumulatives : être une œuvre et être originale. C’est cette dernière condition qui fait défaut dans le cas des créations culinaires. En effet, il est facile pour les juges de reconnaître l’originalité grâce aux sens auditifs et visuels mais il est très délicat pour eux de la reconnaître avec les sens du toucher, de l’odorat et du goût.
Quelles démarches effectuer pour protéger vos créations ?
Il existe des outils juridiques pour protéger vos créations culinaires :
- Tout d’abord, la confidentialité : tout concurrent qui parviendrait à reproduire votre préparation de manière indépendante serait libre de la commercialiser. Pour protéger votre recette, vous devez garder votre savoir-faire et le détail de fabrication de votre pâtisserie secrets. Dans ce cadre, vous pouvez faire signer des accords de confidentialité à votre entourage afin d’éviter toute copie.
- Ensuite, vous pouvez déposer l’apparence d’une création culinaire en envoyant dessins et modèles à l’Institut national de la propriété industrielle [INPI]). Aujourd’hui, de nombreux dessins et photographies de pâtisseries, gâteaux ou même sandwichs sont déposés à l’INPI. En effet, le titre vient protéger “l’apparence d’un produit, ou d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux” (Article L511-1 du Code de la propriété intellectuelle). Néanmoins, le dépôt de dessin et de modèle est soumis à des conditions : le dessin ou modèle doit être nouveau et présenter un caractère propre, c’est-à-dire qu’il doit susciter une impression visuelle différente de celle d’un autre produit.
Ces deux conditions sont particulièrement difficiles à remplir car la représentation, le dressage de votre pâtisserie ne doit pas déjà exister. Il doit s’agir d’une “impression visuelle différente” de celle des produits déjà existants. En cas de litige, vous devrez apporter la preuve que le dessin ou le modèle de votre pâtisserie présente un caractère propre et nouveau. Il est donc difficile d’affirmer que cette protection juridique est très efficace.
Quelles autres options existent ?
- Vous pouvez aussi protéger votre activité commerciale par le biais d’une clause de non-concurrence : votre chef pâtissier, qui a connaissance de la recette, peut tout à fait à l’issue de son contrat de travail, créer une boulangerie-pâtisserie et l’y commercialiser. Toutefois, une clause de non-concurrence dans son contrat de travail peut limiter sa nouvelle installation dans un secteur géographique et durant une durée déterminés.
- Il est également possible de déposer le nom de la recette en tant que marque. Vous pourrez donner un nom propre au produit dans votre boulangerie-pâtisserie qui sera identifié par le consommateur et celui-ci ne pourra être copié, mais cela ne protégera pas la recette en elle-même.
Si le droit d’auteur ne permet pas de protéger vos recettes culinaires en tant que telles, il prémunit en revanche contre la copie de livres de recettes, de photographies ou de vidéos les présentant.
En résumé
En conclusion, vous l’aurez compris, la protection juridique des recettes culinaires est encore très faible. Pourtant de nombreux auteurs militent en ce sens. En attendant, la meilleure solution reste celle de garder et de bien conserver, comme vous le faites déjà, votre recette secrète.