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Les serres climatisées permettent d’imposer un stress maîtrisé aux cultures de blé.
Les serres climatisées permettent d’imposer un stress maîtrisé aux cultures de blé. © Hoffman

Qualité boulangère des blés : un capital à protéger

Si le travail de sélection a permis d’obtenir des variétés ultra-compétitives pour la panification, aujourd’hui, la recherche agronomique vise plutôt à les protéger des aléas climatiques extrêmes. Explications.

La sélection en vue d’obtenir des super variétés de blé tendre, à la fois productives en grains et pourvues d’une très bonne qualité de protéines pour la panification, a été très active ces dernières décennies. À partir de ce pool de variétés ultra-compétitives, la meunerie française n’a aucun mal à choisir chaque année celles qui satisferont à la fois l’amont et l’aval de la filière. Force est de constater qu’il est difficile d’aller plus haut en termes de qualité boulangère en France, tant l’organisation sectorielle et l’expertise technologique y sont parvenues à une excellence, reconnue dans le monde entier.

En conséquence, la qualité des récoltes est quasiment assurée chaque année, malgré des conditions météorologiques parfois capricieuses. La recherche agronomique reste néanmoins vigilante. « Les recherches sur le blé tendre de ces dernières décennies ont certes permis de trouver des voies d’adaptation face au réchauffement climatique ; mais la difficulté que nous rencontrons, c’est que ce réchauffement global se traduit localement par des épisodes météo­rologiques de plus en plus souvent extrêmes, explique Benoît Méléard, responsable du pôle qualité chez Arvalis-Institut du Végétal. Étudier l’impact climatique sur la culture du blé tendre implique alors de prendre en compte chaque stress — excès d’eau, sécheresse, canicule… — isolément. D’autre part, la plupart de ces travaux se sont focalisés sur la prise de biomasse. Rares sont ceux qui se sont penchés sur la valeur d’usage du blé, telle celle boulangère. Il reste donc de gros défis à relever pour la recherche », souligne-t-il.

Stress thermique et valeur boulangère

Le projet Climaboul, porté par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et incluant Arvalis (lire encadré), devrait permettre de mieux comprendre l’impact du stress thermique sur la qualité technologique du grain. « Nous allons notamment pouvoir évaluer l’effet de la température sur l’acquisition de la valeur boulangère et sur la stabilité variétale, poursuit Benoît Méléard. L’objectif étant aussi d’identifier des indicateurs, déterminants de stabilité, utilisables dans des programmes de sélection variétale. En effet, l’acquisition de la qualité boulangère s’effectue par étapes successives lors du remplissage et de la maturation du grain, une période qui dure environ huit semaines et qui assure la formation des biopolymères que l’on retrouve dans la farine : amidon, protéines, polysaccharides non amylacés, lipides… Nous devrions ainsi comprendre comment cette construction peut être pénalisée par le stress thermique », ajoute-t-il.

Le défi des blés germés

Les aléas climatiques extrêmes sont également susceptibles de se traduire par une dégradation massive et soudaine de la qualité alors que le remplissage s’est déroulé dans de bonnes conditions. « Selon la période de leur survenue, l’humidité et l’excès de chaleur peuvent, par exemple, provoquer la germination sur pied, avec des conséquences directes sur la qualité boulangère des farines, indique le responsable du pôle qualité chez Arvalis-Institut du Végétal. Un certain nombre de lois gouvernant ces mécanismes ont été définies il y a une vingtaine d’années, mais leur application aux conditions climatiques récentes, avec des campagnes qui ont été à chaque fois inédites, montre des limites. Nous devons donc retravailler la compréhension de ces déterminants afin d’améliorer les modèles prévisionnels relatifs aux scénarios climatiques plus aléatoires. L’agronomie prédictive est face à un défi immense ! » reconnaît Benoît Méléard.

Même si la sélection variétale peut toujours améliorer la résilience des blés vis-à-vis des stress thermiques et hydriques, les épisodes météorologiques extrêmes rebattent ainsi à chaque fois les cartes des certitudes agronomiques. Armand Tandeau

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