À Seynod en Haute-Savoie, à l’heure de l’après ski, le parking du Comptoir du Pain ne désemplit pas. Au Treige, une ancienne ferme convertie en commerces de bouche, les clients viennent se restaurer après une journée sportive en montagne. Ils s’arrêtent chez le « boulanger, pâtissier, viennoisier et snackeur » Yvan Masset pour grignoter un gâteau de voyage, un sandwich cuisiné et acheter des pains au levain. Idem dans sa seconde boulangerie, située rue Georges-Martin à Annecy, où tout est fait maison ! Et il y tient ! Le chef pâtissier est devenu un boulanger soucieux de la santé et du bien-être de sa clientèle. Il prône l’importance de fabriquer un pain à Haute Valeur Nutritionnelle.
Yvan et son frère Ulrich Masset sont originaires d’Annecy. « J’y ai fait mon apprentissage. Il ne s’y passait pas grand-chose et, mon maître d’apprentissage revenant de Paris, il m’a encouragé à quitter la région. » Yvan l’écoute, si bien qu’après l’armée et quelques expériences, il postule pour un poste de chef pâtissier à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, dans le Pacifique Sud. Il a 23 ans et la mission de fabriquer, sous les tropiques, de la pâtisserie métropolitaine…

Moins de sucre, moins de sel

« J’ai réappris mon métier et peaufiné mon savoir-faire. Il n’y avait là-bas personne pour me sauver de mes erreurs ! J’ai rouvert des bouquins. En travaillant beaucoup les glaces, j’ai réappris la composition des matières premières et à décomposer toutes les recettes. La glacerie est très formatrice puisqu’on doit stabiliser l’eau en permanence. Aujourd’hui encore, je continue à décomposer toutes mes recettes au kilo de masse, cela me donne des pour mille et me permet de baisser le sucre. »
La réinstallation dans leur ville natale des frères Masset remonte à 2005. Yvan veut monter son propre commerce avec son frère Ulrich, formé en école de commerce et ancien de chez Pierre Hermé. Le chef pâtissier d’Annecy se forme auprès du boulanger qui lui a vendu le fournil de la rue Georges-Martin. Puis le Meilleur ouvrier de France et ambassadeur du pain François Pozzoli le coache, à Lyon. « Il m’a expliqué les plages de température et les acidités des différents levains, et il corrigeait les défauts des pains cuits que je lui apportais. » Le Comptoir du Pain s’est rapidement taillé la réputation de commercialiser des produits de qualité.
Des farines grasses de préférence

Yvan Masset est attentif à tous les ingrédients. Il a tout d’abord utilisé les farines de la Minoterie Dupuy Couturier de Saint-Étienne (Loire). « Depuis deux ans, nous travaillons avec Sébastien Mignot qui a repris la minoterie Brivot à Saint-Yan[Saône-et-Loire]. Le moulin à eau sur l’Arconce – une rivière qui se jette dans la Loire – fait tourner les meules. Il propose des assemblages de farines pur blé, bien grasses avec les germes de blé. Comme nous sommes livrés toutes les semaines, la conservation ne pose pas problème ». Les boulangeries d’Annecy et de Seynod cuisent environ 400 kilos de pains par jour.
« N’étant pas boulanger de métier, j’ai été interpelé par la quantité de sel dans le pain. » Il lit à ce sujet un rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments indiquant que le pain est l’aliment qui apporte le plus de sel au quotidien. « Nous avons choisi de baisser d’un coup de vingt pour cent le taux de sel. Pour conserver la saveur, j’ai rencontré un saunier de Batz-sur-Mer [Loire-Atlantique] qui nous livre son sel gris à la riche palette aromatique. J’ai fait installer un purificateur d’eau qui enlève le chlore injecté sur le réseau, ce qui évite de faire dégénérer le levain », précise-t-il.
Des sandwichs-repas
Côté salé, Yvan Masset voulait aussi se distinguer et « mettre du savoir faire dans [ses] fabrications». Il y a dix ans, il embauche Morgan, un cuisinier qui souhaite tenter une nouvelle expérience. « Avec la diététicienne Amandine Maître, nous avons élaboré une gamme de sandwichs équilibrés, à la viande, au poisson ou végétariens. » Les quantités y sont dosées : 80 g de légumes de saison crus, cuits ou mélangés ; 50 g de produits protéinés et 20 g de fromage maximum. La mayonnaise est remplacée par des purées de légumes et des vinaigrettes. Ces sandwichs-repas sont montés dès 4 heures chaque matin, entre 100 et 150 portions pour les deux boutiques. L’offre de cinq sandwichs cuisinés change chaque semaine.
« L’alimentation est le carburant qui nous fait avancer, elle participe au bien-être », assène celui qui regrette la malbouffe « omniprésente » et l’obésité qui touche même les enfants. Yvan Masset a un projet ultralocal avec Michel, un ami paysan. « Nous aimerions faire pousser nos propres légumes sur l’une de ses parcelles, en maraîchage sur sol vivant. J’ai remonté tous mes achats de légumes sur une année, et nous travaillons dans ce sens », explique le pâtissier-boulanger qui, depuis longtemps, cultive une passion pour le jardinage.

