« J’ai toujours aimé rester devant la cheminée et jouer avec le feu – au sens propre ! Dès la première fournée chez Benoit Layron à Cucuron [Vaucluse, NDLR]), j’ai adoré cuire le pain dans un four à bois », raconte Antoine Caillon.

Ce trentenaire originaire d’Île-de-France ne trouvait pas son compte dans ses études de droit. Doté d’une « vision pagnolesque du métier de boulanger », il se forme en 2011 à l’Institut national de la boulangerie pâtisserie à Paris. Rapidement, il renonce à la boulangerie conventionnelle pour se tourner vers ce patron vauclusien qui travaille des farines moulues sur meules de pierre, avec du levain et un four à bois vieux de trois siècles. Le jeune boulanger apprend beaucoup à son contact avant de monter sa propre entreprise dans le Gard, dans le Vaucluse, puis dans le Var.

Un four à gueulard
Il existe trois types de fours à bois. Le plus authentique est le four romain : « Le feu est allumé dans la chambre de cuisson dont la voûte peut mesurer un mètre cinquante de haut, si bien qu’elle fait caisse de résonance. Les crépitements dans le foyer sont très plaisants », décrit Antoine. Cette disposition exige une logistique pour débarrasser le four des cendres et des charbons avant de rallumer un nouveau feu. Ce dernier doit être bien nourri, et entretenu par une personne dédiée, ou par deux qui se relaient.

Les fours modernes disposent d’un espace à part pour la combustion, ce qui facilite leur nettoyage. « Le feu n’entre pas du tout dans la chambre de cuisson. C’est selon moi moins intéressant, indique le boulanger. J’utilise la troisième technologie, qui remonte au XVIIIe siècle : un four à gueulard, poursuit-il. Le foyer se situe sous la porte d’enfournement et une cheminée débouche dans la chambre de cuisson, qui mesure environ quarante centimètres de haut. Je place à la sortie du conduit un “gueulard”. » Pendant la cuisson, pas de flamme : la pièce en fonte est rangée et la cheminée intérieure refermée.

« Il ne faut pas trop quitter le feu des yeux et surtout l’écouter, et renvoyer du bois si son ronflement change »
Dans la boulangerie qu’il a reprise en 2018 en plein centre historique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var), un four à gueulard avait été installé dans les années 1980 par le constructeur Chazal (Haute-Loire). Il n’avait pas servi depuis quelques années mais restait tout à fait opérationnel : « Le gros avantage de ces fours à bois est qu’ils ne tombent jamais en panne et qu’ils se dégradent très lentement. Je change le gueulard tous les deux ans, cela me coûte 400 euros. L’entretien est donc très peu coûteux. »

À ceux qui disent qu’un four à bois prend du temps, il rétorque : « Le temps, c’est surtout de l’organisation. » Antoine Caillon cuit les mardis, mercredis, vendredis et samedis ; il pétrit et façonne la veille pour le lendemain. À l’aide d’un simple papier, il allume son feu de bois à 5 heures et prévoit 1 h 30 à 2 heures de chauffe. « Il ne faut pas trop le quitter des yeux et surtout l’écouter, et renvoyer du bois si son ronflement change », précise-t-il. Cette présence vivante fait du foyer un excellent compagnon pour le boulanger, pendant qu’il prépare pompes à l’huile et fougasses aux olives.

350 kilos de pain par semaine
Les pains sortis de la chambre de pousse et le four à bois doivent être prêts précisément en même temps. Pour cette synchronie, il a trouvé le bon réglage : il enfourne à 300 degrés, la température idéale pour sa cuisson à inertie. Avec la restitution de la chaleur par les pierres, la température décroît au fur et à mesure sur une à deux heures, selon une pente douce.
Sur la sole, il dispose en forme de coquille Saint-Jacques les différents pains, en fonction de leur poids. Il attend la cuisson à cœur pour défourner en premier les fougasses, puis, dans l’ordre, de grosses baguettes T65 et seigle ; les pains complets nature, aux graines ou aux fruits confits ; les pains khorasan et petit épeautre moulés.

Expérimentateur et homme de convictions, Antoine Caillon s’est un temps associé avec un paysan pour avoir ses propres grains à moudre. Il travaille aujourd’hui les farines bio du Moulin Saint-Joseph à Grans (Bouches-du-Rhône). Avec son four à gueulard, le boulanger peut enchaîner deux fournées successives.

Seul au fournil, il produit en moyenne 350 kilos par semaine. Ses pains, vendus au poids, sont de grosses pièces de 5 à 6 kilos avec une croûte épaisse, une mie dense et une excellente conservation. À Saint-Maximin, ville dont la population est passée de 3 000 à 20 000 habitants en deux décennies, Du Levain et des Mains a trouvé sa place parmi la quinzaine de boulangeries.