Rencontres
Julia Canu et Tiago Barbosa.
Julia Canu et Tiago Barbosa. © B. LAFEUILLE

Unico, duo de maîtres artisans givrés

Il fallait être un peu givrés pour vouloir fabriquer des glaces avec 100 % de produits bruts et frais, locaux à 90 %. À l’aide de leur formation de cuisiniers et de leur imagination débordante, Julia et Tiago ont relevé le défi.

Ce matin de mai, Julia est radieuse : elle a reçu ses premières fraises, sucrées à souhait. « Mon producteur sait que sinon, je les renvoie ! » glisse-t-elle. Nul besoin d’être devin pour savoir que le sorbet à la fraise va vite grimper en tête des ventes.

Les fruits frais arrivent le matin en direct du producteur et sont travaillés avant 14 h. (© B. LAFEUILLE)

Depuis l’ouverture d’Unico il y a six ans à Lyon, Julia Canu et Tiago Barbosa tiennent leur promesse de fabriquer toutes leurs glaces à partir de produits bruts, frais, et souvent locaux. « Ce qui nous plaît est de magnifier le produit sans user d’artifices, confie la jeune femme. J’aime aussi être en contact avec les producteurs, leur expliquer ma façon de travailler et m’adapter à leurs contraintes. L’été dernier, l’un d’eux m’a appelée car deux cents kilos de fraises risquaient de s’abîmer vite à cause de la chaleur. C’était un challenge, mais nous avons suspendu toute autre activité pour travailler ces deux cents kilos dans la matinée. »

Plusieurs parfums peuvent être goûtés, même pour le petit format. (© B. LAFEUILLE)

Sa vocation naît dans son enfance, en Corse. La glace du samedi à Bonifacio est alors « le meilleur moment de la semaine ». Julia décide à neuf ans d’en faire son métier. Un bac scientifique lui apprend la rigueur, une qualité « très utile en pâtisserie et en glacerie ». Elle entre ensuite à l’Institut Paul Bocuse pour avoir une vision à 360° de l’univers de la gastronomie.

Elle en sort avec une vocation confirmée, un bagage technique et général (anglais, gestion, ressources humaines) et une ouverture sur le monde : 15 nationalités sont représentées parmi les 27 élèves, dont son futur mari Tiago, originaire du Brésil.

Julia Canu et Tiago Barbosa. (© B. LAFEUILLE)

Moins de 100 km

Ils font leurs premières glaces à l’étranger, dont un an passé à Monaco. « Si on survit face à sa clientèle internationale riche et ultra-exigeante, on survit partout », rit Julia. Ils posent leurs bagages à Lyon, comme beaucoup d’anciens camarades de l’école. « Ce réseau est précieux pour échanger des contacts de fournisseurs, de comptable, d’électricien… Et la région est idéale pour s’approvisionner localement en fruits frais, crème et lait entier », reprend-elle.

Les esquimaux à la châtaigne, avec streusel aux châtaignes. (© B. LAFEUILLE)
Le cookie glacé: deux biscuits maison entourent une crème glacée à la fleur de lait. (© B. LAFEUILLE)

Le duo travaille en direct avec des producteurs situés à moins de 100 km pour 90 % de leurs approvisionnements. Sur le frais, seuls les agrumes viennent de plus loin : de chez la famille de Julia, en Corse. Le sucre est français, les fruits exotiques absents. Des fruits secs sont importés avec parcimonie (seulement 5 kg de pistaches par an !) car la gamme comporte toujours un oléagineux : amande, noisette, sésame, graine de courge…

Des clients laissent leur numéro de téléphone pour être avertis quand leur préféré réapparaît. Vanille, café, thé et chocolat voyagent davantage, mais la qualité prime sur la quantité : « Nous commandons seulement deux kilos par an d’une vanille d’exception produite à La Réunion », illustre Julia. Ce parfum n’est proposé que le jeudi, et les addicts savent qu’il faut se pointe­r tôt !

La clientèle, très fidèle, s’est habituée au rythme des saisons : les habitués ne réclament plus le sorbet citron en été mais se rabattent sur celui aux herbes fraîches.

La gamme varie en fonction des saisons. (© B. LAFEUILLE)
En été, le sorbet aux herbes est l'un des plus rafraîchissants. (© B. LAFEUILLE)
La glace aux châtaignes et confiture de châtaignes plaît toujours. (© B. LAFEUILLE)

« Le travail du fruit frais ne s’apprend pas à l’école, regrette Julia, qui s’attache à former des apprentis. Nous, à la base, sommes cuisiniers et travaillons le produit avec des infusions, des extractions, des fermentations, du fumage… Mais c’est plus contraignant et coûteux en main-d’œuvre que d’utiliser de la purée de fruits. Notre marge est inférieure de quinze points à la moyenne des glaciers français ! Ce n’est pas simple à justifier auprès des banques. En revanche nous travaillons toute l’année, même si nous faisons six fois moins de chiffre en février qu’en juillet. Et malgré l’offre de gaufres en hiver, quatre-vingt-quinze pour cent de l’activité vient des glaces.» Il est vrai qu’avec ses parfums saisonniers, comme les agrumes et la brioche, la gamme hivernale a de quoi séduire.

Omelettes norvégiennes, pannettones et vacherins glacés sont fabriqués toute l'année, souvent sur commande. (© B. LAFEUILLE)
L'omelette norvégienne est fabriquée toute l'année, souvent sur commande. (© B. LAFEUILLE)

Extras sur commande

Unico livre aussi des restaurants, tant que ceux-ci acceptent d’être tributaires des saisons et des livraisons. « Ce n’est pas comme si nous avions des glaces plein les congélateurs et que tout était disponible à tout moment, résume Julia. Nos glaces sont stockées au maximum vingt jours parce qu’elles sont sans conservateurs, et pour éviter de gaspiller de l’électricité.»

Le panettone maison, fourré de glace au pannettone, se réchauffe quelques minutes au four avant de servir. (© B. LAFEUILLE)

En boutique, les parfums sont servis par deux dans le petit pot ou dans le cornet fait maison (3,7 €) ; ou par trois dans le moyen format. Autrement, les esquimaux au généreux enrobage et les cookies glacés font fureur. Sur commande, sont aussi disponibles des omelettes norvégiennes, des vacherins glacés et des panettones 100 % maison… fourrés à la glace au panettone. Et en décembre, quelque 500 bûches et desserts glacés sont fabriqués à la demande — le maximum que peuvent contenir les congélateur­s.

(© B. LAFEUILLE)
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