“Bienvenue au paradis !” Ainsi est accueilli le client qui passe le seuil de Dengo, chocolaterie-salon de thé située dans le quartier des Abbesses (Paris, 18e), quelques marches en contrebas de la basilique du Sacré-Cœur. Quartier paradis du tourisme, certes... mais ici nous sommes loin des boutiques attrape-touristes, plutôt dans le commerce d’avenir.
“Le goût de changer le monde”, punch line qui accompagne la prestigieuse certification B Corp de l’entreprise (acquise “en natif”), authentique promesse, a le seul défaut d’être utilisée aujourd’hui par toutes les marques. Pourtant, cela vaut la peine de connaître l’histoire sud-américaine qui est dans l’ADN de Dengo. Guilherme Leal, son fondateur, est un chef d’entreprise brésilien à l’origine, non pas uniquement d’une chaîne de 35 boutiques, mais d’un système complet qui protège les trésors de son pays : tant ses ressources en plantations de cacaoyers que ses planteurs.

Charles Znaty, le cofondateur du groupe Pierre Hermé, s’est associé avec cet industriel engagé dans la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) depuis la création de sa première entreprise — Natura — en 1969. Qui a connu, à la veille du confinement, « un éveil » à œuvrer pour la planète, comme il le qualifie : « J’ai décidé que je voulais développer des business qui ont du sens et permettre à ceux qui veulent choisir la planète sur laquelle ils vont vivre à l’avenir de voter trois fois par jour, au moment de manger. »
Guilherme Leal est une figure de la défense de l’environnement. Il maîtrise les enjeux liés à la volonté de changer le paradigme en matière d’alimentation, car « elle est le principal challenge qui est posé à la planète en termes d’environnement, et elle en est à la fois la solution », rappelle Charles Znaty, en remontant l’histoire de Dengo.
Faire progresser les revenus des fermiers
Dans les années 90, un champignon a ravagé les plantations de cacao brésiliennes, le Moniliophthora perniciosa (maladie appelée Vassoura de Bruxa en portugais ou balai de sorcière en français), laissant sur le carreau des planteurs et des exploitants. Quand la production a fini par redémarrer, Guilherme Leal a mis en œuvre un projet philanthropique dans la région du sud de Bahia (où le cacao bénéficie d’un label d’indication géographique) pour faire progresser les revenus des fermiers.




Dengo a été lancé en 2017, avec de claires ambitions déjà pour 2030 : engager 3 000 plantations et doubler les revenus des planteurs (en 2023, 150 familles cultivent déjà les cacaoyers de la forêt atlantique de la région de Bahia). Sur le papier, l’engagement de Dengo est d’acheter les fèves de cacao à un prix supérieur à celui du marché (entre 90 et 245 % de plus) et d’assembler une communauté d’acteurs engagés, soucieux de récolter des fèves de qualité pour élaborer chaque jour des recettes uniques. Ce qui est attendu en retour de la part des producteurs est de répondre à un cahier des charges exigeant, au service d’un éveil au travail : pas de travail des enfants, pas de déforestation, des contrats écrits avec les travailleurs et l’envoi d’échantillons des fèves au Centre d’innovation du cacao, une organisation indépendante. Dengo fournit des logements et tous les moyens nécessaires pour qu’ils y parviennent.
La réalité, aujourd’hui, c’est que le marché du cacao est un marché de commodity (produit de consommation courante, standardisé) : le cacao de la planète est acquis au prix du cours de la Bourse de New York et c’est l’achat au poids qui prévaut. La démarche de Dengo est d’inverser le système et d’acheter de la qualité dans des conditions dignes et acceptables pour toute la filière. Car désormais, les recettes culinaires et les produits doivent avoir une seule et même histoire : celle consistant à « repenser complètement la chaîne de valeur en rendant aux petits producteurs la part qui leur revient, en leur assurant de meilleures conditions de travail et de vie », souligne Charles Znaty.
Pour parler des fèves qui entrent dans la composition des quebra quebra (ou chocolat en plaques concassées garnies de produits natifs du Brésil), celui-ci aime ainsi présenter l’ingrédient majeur comme un « chocolat fermier ».


Made in Brazil
Côté offre, toutes les variantes de chocolat impliquent un ou plusieurs produits brésilien par son origine ou par sa dimension culturelle : farine de biju (farine de maïs en flocons), caja (fruit tropical), abacaxi (ananas brésilien) et cupuaçu, la fève ancêtre du cacao, méconnue de nous mais saveur d’enfance de tous les Brésiliens. Le jacquier, le tapioca (la farine de manioc, si présente dans la cuisine brésilienne), la banane, la noix de coco, l’avoine, le café, le piment agrémentent ces éclats massifs de chocolat allant du noir au lait, en passant par un blanc dont la couleur tend au vert-jaune, sans produit douteux.


Le quebra quebrabiju est un chocolat agrémenté d’une recette de biscuit traditionnelle du sud du Brésil à base de farine de blé, qui s’apparente aux gaufrettes avec lesquelles sont confectionnés les cornets de glaces ; puis viennent les pepitas, de simples fèves caramélisées enrobées de chocolat noir 65 % ; ou les drageas, dragées fabriquées avec des noix de cajou torréfiées légèrement parfumées à la cannelle.
La noix de macadamia — endémique, originaire d’Australie et l’une des rares espèces à s’acclimater à d’autres écosystèmes — a également une belle place, sous la forme de dragées enrobées de chocolat au lait 36 % de cacao. Des tablettes de chocolat viennent compléter la gamme, qui va du chocolat noir (58 à 85 %) au chocolat au lait (en version sans sucre et végane avec lait d’avoine).


Peu d’emballages mais l’essentiel noté dessus : le nom du planteur et la géolocalisation de la plantation, ainsi que des ingrédients dans laquelle la proportion de sucre est minime. En bon observateur de la société, Charles Znaty, également président du Medef Paris, est convaincu que le progrès peut apporter des solutions à la démarche de protection de l’environnement, avec une transition sociale et digitale.