Ses origines et son expérience internationale lui donnent des ailes. Naïma Meralli-Ballou Ismaël, 37 ans, a grandi à Antananarivo. « Ma famille est originaire du Gujarat. Il y a un siècle, mes ancêtres sont venus à Madagascar depuis l’Inde. Nous avons l’entrepreneuriat dans le sang. »
Après le lycée français, la jeune fille fascinée par la mode passe dix ans à voyager. Elle quitte son île pour étudier le stylisme à l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne. Son cursus est complété par un master en marketing du luxe. Naïma passe par la maison Cartier, chez John Galliano, au magazine Vogue Inde à Bombay, puis reste deux ans dans l’entreprise de prêt-à-porter Paul & Joe, en tant que responsable commerciale de la zone Europe.

Pourtant, l’expérience la plus marquante de son début de carrière est un stage au Plaza Athénée (Paris, 8e). « Christophe Michalak communiquait alors sur sa pâtisserie haut de gamme, se souvient-elle. J’ai senti que je pourrais un jour lier mes deux passions : le luxe et les créations sucrées, que j’ai toujours aimé préparer en famille. »
Entrepreneuse et maman
Progressivement, elle est confortée dans son idée de rentrer à Madagascar afin d’ouvrir sa propre pâtisserie : « Notre pays produit parmi les meilleurs cacaos, gousses de vanille et sucre de canne artisanal, mais très peu de produits finis. »
Il n’y avait alors que deux pâtisseries dans la capitale. Naïma apprend les techniques à partir de livres et en multipliant les essais de recettes. Elle s’attelle notamment aux macarons, qui étaient totalement absents de la grande île.
En 2013, la jeune femme ouvre Dité, un salon de thé, dans le centre commercial La City. Et c’est en cherchant ce local qu’elle rencontre Shahim, son mari. Les pâtisseries françaises Dité sont à base de produits locaux, excepté le beurre de tourage des viennoiseries, qui est français.

Son affaire se développe et, côté privé, Naïma et Shahim donnent naissance à trois enfants. Celle qui a débuté seule recrute des femmes sans emploi, très volontaires. Elle leur apprend les vraies techniques de la pâtisserie. Une seconde boutique ouvre, puis un service traiteur, et Naïma emploie jusqu’à 70 salariés. Ils assurent les commandes en gâteaux des salons de l’aéroport de Tananarive (aussi appelée Antananarivo). Dité fournit également les desserts servis à bord des vols de la compagnie Air Madagascar.



L’entrepreneuse prouve ainsi « que l’on peut créer de belles choses à Madagascar ». Et comme elle souhaite faire reconnaître mondialement son pays, elle profite de la période de la pandémie pour transformer son activité. Ce sera en 2021, avec sa propre marque de chocolat artisanal made in Madagascar. « Avec une date limite de conservation plus longue et des containers réfrigérés, les tablettes voyagent bien. » Un ambassadeur tout trouvé pour sa grande île.
Des notes d’agrumes et de fruits rouges
Au Sirha Lyon 2023, Naïma Meralli-Ballou Ismaël a présenté aux professionnels ses premiers chocolats Sambika. Le nom qu’elle a choisi pour sa marque fait référence à la région du nord-ouest de Madagascar, où coule le fleuve Sambirano.
Dans sa vallée, sont cultivés les fameux cacaoyers du district d’Ambanja. La fédération mondiale du cacao (International Cocoa Organization) a délivré, en 2015, le label Fine Cocoa aux fèves acidulées typiques des terroirs malgaches. L’entrepreneuse travaille avec des plantations qu’elle connaît bien, afin de s’assurer de la qualité du séchage et de la fermentation. Résultat, « nous obtenons un chocolat single origin, rond en bouche, avec des notes d’agrumes et de fruits rouges qu’on ne retrouve que dans une infime partie de la production mondiale ».
Tablettes, snacks et pistoles
Aujourd’hui, son atelier produit six différentes tablettes de 100 g : des noirs 63 % caramel et gingembre, fleur de sel et grué, praliné cacahuète ; des noirs 70 % noix de coco grillée et pure dark, et un 80 % pure dark. Elles peuvent être présentées sous la forme de coffrets luxe. Le packaging des tablettes est un cartonné robuste et coloré. La face est illustrée par les baobabs amoureux près du village de Mangily, les maisons traditionnelles des hautes terres, et des paysages malgaches stylisés. Au dos, figurent en français et en anglais un descriptif ainsi que la photo d’Anja ou de Sitraka (lire encadré).

« Nous préparons également des snacks chocolat cacahuète, chocolat coco, chocolat sésame. Nous livrons à partir de deux cents euros de commande les épiceries fines et les pâtisseries. » Sambika exportera prochainement des pistoles et fabrique à façon des commandes personnalisées pour les grandes entreprises.
Présente en novembre à Paris, au Salon du chocolat, elle a apprécié « l’attention que nous ont donnée les personnes qui prenaient le temps de nous écouter, de comprendre le projet et de tester les différents parfums. Ce public aguerri vient chaque année, si bien qu’il connaît les différents profils aromatiques de chaque terroir. Ces connaisseurs comprennent quand on leur parle d’origine, de bean to bar et de toutes les spécificités et subtilités que peut avoir un chocolat. Nous étions vraiment ravis de tester aussi nos prix auprès du public français ». Naïma Meralli-Ballou Ismaël a également rencontré des chefs qui utilisent les produits de Madagascar et leur a proposé ses produits pour la confection de leurs pâtisseries et chocolats. « Nous attendons avec impatience les futures collaborations en Europe. »