Il y a un an, Thierry Hafnaoui quittait l’aventure de la Meilleure boulangerie de France aux portes de la finale nationale, après un joli parcours qui l’aura mené de son magasin de Nostang — un village de 1 500 habitants du Morbihan — à Paris. « Un excellent souvenir et une petite déception en conclusion. Une fois qu’on est lancé, on y croit et on a envie d’aller au bout. Avec le temps, on se souvient seulement du gagnant », confie aujourd’hui ce compétiteur assumé.
Ses premiers concours remontent à son apprentissage — en boulangerie (CAP) puis en pâtisserie (CAP et brevet des métiers) — dans les années 1990. Devenu formateur, il poursuit sur sa lancée. Au tournant du siècle, il intègre l’équipe des instructeurs-démonstrateurs de Valrhona. « Une super expérience ! J’y ai énormément appris sur les origines du chocolat, les différentes étapes de sa transformation, la technologie autour de la fève », relève l’artisan breton.
L’Ostréachoc, une huître en chocolat, caramel beurre salé
Vingt-cinq ans plus tard, le chocolat reste l’une de ses matières de prédilection, avec un faible pour les origines Madagascar et Trinité-et-Tobago (Caraïbes). Il le valorise autant dans sa gamme de confiseries (bonbons, tablettes) que dans les macarons et les pâtisseries qui ont construit sa réputation. Illustration avec son dessert phare, le Charleston, qui associe une mousse chocolat Caraïbe, un sablé breton au chocolat et un croustillant praliné.
Au rayon confiserie, il a mis au point deux spécialités : l’Ostréachoc, une huître en chocolat, caramel beurre salé et praliné de blé noir ; et Le Petit Bigouden, un sabot au chocolat garni de caramel à la fleur de sel et praliné feuillantine.
Au fil des ans, ses créations (chocolatées) ont été distinguées par de nombreuses récompenses, dont le prix du meilleur Macaron de France en 2011 et 2016 ; et le prix du meilleur Éclair au chocolat en 2012 et 2016. Car après les concours individuels, sont venus les concours en équipe. « C’est un bon moteur pour se challenger et continuer à progresser sur la durée : cela permet de créer une émulation en interne, avec une reconnaissance de la part du public », estime le chef d’entreprise, à la tête de sept points de vente dans le Morbihan.
En 2005, Thierry Hafnaoui rachète la boulangerie-pâtisserie de Plouhinec, un petit bourg entre Quiberon et Lorient où il travaille depuis cinq ans. Au fil du temps, il structure et étoffe le réseau qui porte son nom. Son modèle : des boutiques de villages avec une offre complète de pains, viennoiseries, pâtisseries, chocolats et glaces en été, littoral oblige.

Il y a huit ans, la taille atteinte par son entreprise l’incite à créer un atelier de 300 m2 de plain-pied pour rationaliser et centraliser la fabrication du sucré sur un site unique, aménagé à la sortie de Plouhinec. « Il s’agissait aussi de moderniser nos outils de production et d’améliorer les conditions de travail », ajoute l’artisan.
La dernière pierre à l’édifice de son réseau remonte à 2022. Il se laisse convaincre de reprendre la boulangerie de son village, Nostang, menacée de fermeture définitive. « La disparition des commerces impacte le dynamisme et la vie sociale dans le monde rural », regrette le boulanger-pâtissier, qui retrousse alors ses manches pour remettre en état avec ses proches le grand bâtiment vieillissant (300 m2 sur plusieurs niveaux) : « Une belle aventure ! » sourit-il.
Le chantier est finalisé à temps pour accueillir le tournage de la 10e saison de La Meilleure boulangerie de France. Parmi les créations remarquées par les jurés : un pain à l’eau de mer et aux algues ; un Baba’cool avec de la bière poivrée de l’île de Groix à la place du traditionnel rhum ; et le St Ho Breizh, soit un saint-honoré revisité à l’aide d’un sablé breton sarrasin-citron, d’un caramel au beurre salé, d’un crémeux citron vert-yuzu et d’un confit de fraises. « La diffusion de l’émission a eu un impact direct sur les ventes, avec des clients se pressant en magasin pour goûter les produits vus à la télévision », confie l’artisan.
Une production centralisée
Un an plus tard, le soufflé est un peu retombé. Entre-temps, Thierry Hafnaoui a perdu des piliers de son équipe. Sans compter les multiples problématiques auxquelles les boulangers ont dû faire face ces derniers mois : augmentation du coût de l’énergie, inflation généralisée et difficulté à recruter, encore renforcée par son éloignement des centres urbains. Conséquence : « J’ai décidé de centraliser la production de pains dans l’atelier de Plouhinec », explique l’artisan, qui a embauché deux livreurs pour assurer l’approvisionnement de ses magasins.
Promesse d’un chiffre d’affaires multiplié par deux, la saison complexifie encore la question des ressources humaines. Et alors que le prix du chocolat explose, quelle production privilégier pour conforter ses marges ? Moteur des ventes, la pâtisserie est-elle encore rentable ? Jusqu’où peut-on se diversifier, au risque de perdre en qualité ? À 54 ans, Thierry Hafnaoui est confronté à de multiples questions stratégiques.
« Le covid a tout chamboulé. Entre l’essor du snacking et l’ultraspécialisation, difficile de se positionner », observe ce membre de l’association Tradition Gourmande qui participe à des stages et séminaires professionnels pour continuer à avancer. Reste à trouver les bonnes directions, avec une structure qui est moins agile qu’une petite entreprise, sans disposer pour autant des ressources d’un plus vaste réseau.