Rencontres
L’équipe du site de production de Mundolsheim, qui approvisionne les quatre points de vente.
L’équipe du site de production de Mundolsheim, qui approvisionne les quatre points de vente. © D. PÉRONNE

Thierry Mulhaupt : de l’arbre à la tablette

La chocolaterie-pâtisserie Mulhaupt, dans le Bas-Rhin, s’est engagée depuis plusieurs années dans une démarche de production vertueuse de son chocolat. De l’arbre à la tablette.

Thierry Mulhaupt surveille régulièrement sur son smartphone la production d’électricité issue des 270 panneaux photo­voltaïques installés sur le toit de son site de production. Des locaux construits en 2001 à Mundolsheim, au nord de Strasbourg, dans une grande zone artisanale. Grâce à ces panneaux installés l’an passé, et à l’énergie autoconsommée qu’ils génèrent, le maître des lieux explique produire du chocolat plus que vert. « La boucle est bouclée. Avec mes plantations de cacao en Colombie d’où sont issues les fèves que nous transformons, et maintenant le photovoltaïque, je suis le seul en Alsace à pouvoir affirmer que toute notre filière est vertueuse. Nous allons plus loin que le bean to bar [de la fève à la tablette, en anglais, NDLR] puisqu’ici, c’est de l’arbre à la tablette. »

Transformation des fèves sur place

C’est en 2019 que le pâtissier-­chocolatier investit dans une plantation, une finca (“domaine agricole”, en espagnol), sur dix hectares, en Colombie. « C’est une idée de ma femme, Corinne, après plusieurs séjours là-bas. L’objectif est d’avoir une matière première de choix, mais aussi d’appliquer dans cette finca les principes de l’agroforesterie, de participer à la protection de la biodiversité, explique-t-il. Nous y employons quatre personnes. »

Avec Élodie, la responsable de l’activité chocolaterie, devant les sacs de fèves (© D. PÉRONNE)

Dans la partie chocolaterie, toutes les étapes de la transformation des fèves sont réalisées sur place, du nettoyage sur tables de tri à la production de pâte de cacao en passant par la torréfaction, le broyage et le conchage. « Nous utilisons quatre machines sur meules d’acier, dans lesquelles les mélanges vont tourner pendant jusqu’à trois jours et l’obtention d’une pâte très fine permettant de dégager des arômes subtils », précise le chocolatier tandis qu’il goûte et estime l’onctuosité d’un des mélanges du jour — chocolat-café — parti­culièrement odorant avec Élodie, la responsable de cette activité. Une gamme de cinquante parfums, qui se déclinent en autant de tablettes, sort de l’atelier.

Au total, sur l’ensemble des produits, ce sont plus de mille références qui sont fabriquées à Mundolsheim : entremets, viennoiseries, chocolats sous plusieurs formes, cakes, pains d’épices, gâteaux, bouchées apéritives, plats traiteur salés, coffrets cadeaux… « Tout est fait maison, insiste Corinne, avec des matières premières les plus locales possible. »

Le patron fait visiter les lieux, à la surface de 1 000 m2 : le garage pour les deux véhicules de livraison, la chocolaterie, les chambres froides, les lieux de stockage — dont celui dédié au chocolat, construit en 2012 —, la partie “emballages”, deux bureaux, et le vaste local de fabrication visible depuis le comptoir du magasin. Le dernier agrandissement a permis de construire une glacerie, avec un maître glacier qui se dit très satisfait en raison de la praticité du local. Un investissement de 300 000 €.

Dans le labo, une dizaine de salariés s’affairent. En cette fin de matinée, c’est l’heure du nettoyage. Le magasin fermera ses portes à 12 h 30. Très tôt dans la matinée, les deux véhicules de livraison auront approvisionné les trois autres lieux de vente. Deux magasins à Strasbourg, en centre-ville — le premier acheté en 1991 à la création et le deuxième en 1997 — et un à Colmar, acquis en 2007. La boutique de Mundolsheim — ouverte du mardi au dimanche matin —, elle, draine toujours davantage de clients car elle est située dans une zone artisanale facilement accessible par la route et où le stationnement est simple.

Dans la finca, la plantation dans laquelle Thierry et Corinne Mulhaupt ont investi il y a cinq ans. (© MULHAUPT)

Le palmarès de Thierry Mulhaupt est long comme le bras et ne tiendrait pas dans une carte de visite. Des distinctions qu’il a acquises tout au long de sa riche carrière : meilleur Jeune pâtissier de France, meilleur Jeune pâtissier international — remporté à Barcelone —, meilleur Pâtissier de France en 1996 (guide Champérard). Il a été distingué par le critique gastronomique Gilles Pudlowski, bien connu dans l’Est de la France, dans son guide gourmand Chocolatier de l’année 2002, puis Pâtissier de l’année 2011. Il a obtenu le Coup de cœur 2022 du “Guide des croqueurs de chocolat” pour sa tablette Colombie.

« Mais ce ne sont pas ces titres qui comptent, souligne-t-il. C’est la pratique, l’expérience ; et d’être un bon gestionnaire : de savoir compter, ce que j’ai appris lors de mon BTM [brevet technique des métiers]. » Entrepreneur dans l’âme, fourmillant d’idées, ce joueur de golf et peintre à ses heures continue à faire évoluer son entreprise, à optimiser la production, tout en veillant au bien-être de ses employés (lire encadré).

Une organisation au carré

Afin de ne pas se faire déborder, l’entreprise utilise beaucoup l’informatique pour gérer la logistique, les commandes, en amont et en aval. « Même les clients, nous les éduquons, souligne Corinne. Après la mi-décembre, par exemple, au moment des Fêtes, nous ne prenons plus de commandes par téléphone ou au magasin, uniquement sur le site internet. Cela permet de renseigner correctement les noms, les produits, d’éviter les erreurs avec des personnes qui ne savent plus ce qu’elles ont acheté… Au moins, il y a une trace écrite. Les longues files d’attente les veilles de Fêtes, nous n’en voulons plus ! Mais tout cela s’anticipe, demande de l’organisation. Nous simplifions aussi : toutes les bûches font la même taille, par exemple. »

Afin de partager leur passion, Corinne et Thierry Mulhaupt organisent des cours de pâtisserie le samedi après-midi dans le labo de Mundolsheim. Il s’y prête bien car il peut accueillir beaucoup de personnes. La fréquentation est limitée à une vingtaine de participants, avec des apprentis pâtissiers qui viennent parfois de très loin, comme de Marseille ou de Suisse. Celui du 9 novembre, consacré aux spécialités de Noël avec les fameux petits gâteaux typiques de la région, a rapidement affiché complet.

À lire également
Enzo et Amélie Argueta (au centre) entourés des autres lauréats du concours.

Rencontres

Le montpelliérain De la Sierra Coffee Roasters élu meilleur coffee shop de France

Direction Montpellier pour découvrir le meilleur coffee shop de France. C'est le Collectif café qui a décerné ce prix aux gérants de cette adresse, Amélie et Enzo Argueta, lors du Paris Coffee Show mi...

Papillon en chocolat pailleté d'or fait maison par Régina Fina.

Rencontres

Régina Fina : pur raffinement pâtissier

Avant de s’installer, la pâtissière Régina Fina a étudié de près le marché de la clientèle à hauts revenus des Bouches-du-Rhône. Dans son laboratoire d’Éguilles, elle prépare des desserts raffinés, comme...

Léo Forest-Agostini.

Rencontres

Léo Forest-Agostini aux Sables-d'Olonne : du BtoB au BtoC

Aux Sables-d’Olonne, Léo Forest-Agostini et Estelle Cousseau ont développé un concept de boulangerie biologique à destination des professionnels qui a rapidement séduit les habitants. Forts de ce succès,...