Après avoir parcouru l’Hexagone, comme tout bon Compagnon du devoir et du tour de France, et même le monde pour vivre de sa passion (le surf), le jeune prodige de la pâtisserie a posé ses valises à La Rochelle (Charente-Maritime), rue des Merciers, l’une des plus anciennes et plus belles de la ville. Un retour aux sources à l’approche de la trentaine pour se rapprocher de sa famille (son père et ses grands-parents sont installés sur l’île de Ré) et de l’océan, deux ressources essentielles pour lui.
Après un parcours professionnel riche et dense, d’abord comme apprenti compagnon (Stohrer à Paris, Douceurs de Louise à Bordeaux, Frédéric Hawecker à Châteaurenard [Bouches-du-Rhône], etc.), puis comme chef formateur à l’École nationale supérieure de pâtisserie-École Ducasse à Paris, il commence à se passionner pour les concours : le dépassement de soi et l’aventure humaine.

En 2018, il remporte le Trophée international du sucre d’art Stéphane Glacier à Vannes (Morbihan), une spécialité qui deviendra une réelle passion. Il tente alors d’intégrer la sélection française en vue de la Coupe du monde de la pâtisserie, organisée à Bastia (Corse) en 2019, mais il est recalé. Il rejoint Loïc Béziat, champion du monde des Arts sucrés en 2018, et est engagé dans la célèbre boulangerie-pâtisserie Béziat, à Cahors (Lot). Après deux années particulièrement intenses, il ne trouve plus vraiment de sens à son métier. Il décide de faire une bonne pause et entreprend un tour du monde des plus beaux spots de surf (Australie, Bali, Costa-Rica, Hawaï, etc.).
Des étoiles plein les yeux
À son retour, son ami Luc Baudin (rencontré chez les Compagnons et à l’ENSP) le challenge à nouveau sur la Coupe du monde de la pâtisserie prévue à Milan, en Italie. Après plusieurs mois de préparation chez Luc à La Mutinerie, à Sézanne (Marne), le duo est sélectionné au sein de l’équipe de France… qui décroche en octobre 2023 le titre tant convoité ! Ses batteries rechargées, Amaury décide alors de se lancer dans la création d’une entreprise à La Rochelle avec son associé et ami Xavier Pichon (sur la photo). Amaury Lafonta pâtisserie ouvre ses portes le 5 juillet 2024. L’activité boulangerie montera en puissance avec l’arrivée de Timothé Bourre, Meilleur apprenti de France 2019, et les liens tissés avec l’Atelier m’alice (Minoterie Girardeau).
Pour le design de la boutique, il s’inspire de l’univers de la mer. Ses créations épurées trouvent place dans un écrin lumineux aux lignes tout aussi chics que sobres. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du magasin, les passants (nombreux en haute saison) en prennent plein les yeux !
Une haute pâtisserie rationalisée
En matière de pâtisserie, il préfère toutefois les choses simples et classiques. « Mon approche consiste à mettre en avant un seul ingrédient : une noisette du Piémont, une vanille de Tahiti ou un fruit bio de saison… Je porte le plus grand soin au choix des matières premières, tant pour leur goût que pour leur mode de production, le plus écologique possible, détaille-t-il. Côté boulangerie et viennoiseries, je vais aussi privilégier des farines de meules bio, du beurre de tourage Appellation d’Origine Protégée Charentes-Poitou, des œufs frais issus d’élevages en plein air… Si je suis plutôt traditionnel sur le gustatif, je suis davantage créatif dans le design, avec toujours cette quête de simplicité et d’efficacité », souligne Amaury.
Pour limiter le gaspillage et s’assurer de ne pas travailler à perte à cause d’ingrédients onéreux, il calcule toutes ses recettes et ses coûts grâce à un logiciel puissant quasi-gratuit (ChefsTouch). Il réduit ainsi considérablement les pertes de matières. Après quelques mois, l’activité est bien partie, et la rentabilité est au rendez-vous. Le bouche-à-oreille et les parutions dans la presse locale attirent une clientèle toujours plus nombreuse.
Il reconnaît que les fluctuations de population à La Rochelle (forte affluence le week-end et pendant les vacances scolaires) ne sont pas simples à gérer en production, surtout avec une météo hasardeuse (la pluie impacte fortement le trafic piétonnier, et donc les ventes). Au sommet de son art, désormais, ce qui le fait vibrer, c’est de moderniser le management et la gestion de son entreprise. « Je mets beaucoup d’énergie dans l’organisation du travail, avec un mode de management plus horizontal. J’ai vu trop de maisons sous la pression d’un dirigeant où la qualité et l’ambiance finissent par se dégrader. Le dialogue, l’anticipation et la disponibilité apportent un cadre bien plus sécurisant et motivant aux salariés », estime-t-il.

Il a gardé un souvenir ému de son passage chez Frédéric Hawecker (Meilleur ouvrier de France chocolatier-confiseur 2011), celui d’un homme apaisé qui prend soin de ses équipes et n’a pas besoin de hausser le ton pour se faire respecter. Pour lui, l’artisanat a un bel avenir à condition de ne pas se perdre dans un management autoritaire, une gestion approximative, ou une production trop automatisée qui ne permet plus de maintenir et de transmettre un savoir-faire d’exception.