Rencontres
Steve Moracchini.
Steve Moracchini. © A. VALOIS

Steve Moracchini : pâtissier esthète de l’hôtel Belles Rives

Steve Moracchini préside depuis douze ans le sucré de l’hôtel cinq étoiles d’Antibes Juan-les-Pins. Après un parcours en boulangerie-pâtisserie, le chef s’est tourné vers la création de desserts à l’assiette pour des restaurants renommés de la Côte d'Azur.

Steve Moracchini est depuis 2012 le chef pâtissier de l’hôtel cinq étoiles Belles Rives, à Antibes Juan-les-Pins, dans les Alpes-­Maritimes. Scott et Zelda Fitzgerald ont séjourné et célébré les années 1920 dans cette ancienne villa de bord de mer art déco. Hôtel de luxe depuis 1929, le cinq étoiles reçoit nombre de personnalités et d’artistes attirés par la French Riviera. Les clients peuvent y apprécier les plats du restaurant gastronomique La Passagère, du Bistrot Terrasse, ainsi que du bistrot chic de l’Hôtel Juana, où Steve Moracchini et son équipe produisent du printemps à l’automne des croissants, gâteaux, glaces et desserts haut de gamme. Ce disciple Escoffier aime se nourrir des relations avec les grands de la cuisine et de la pâtisserie. Sa création mariant fenouil et citron lui a d’ailleurs valu de recevoir le trophée du Meilleur pâtissier de France 2016 de la part du Gault&Millau.

La Toque magazine (LTM) : Êtes-vous né sur la Côte d’Azur ?

Steve Moracchini (SM) : Je suis originaire du Loir-et-Cher, et j’y ai vécu jusqu’à mes douze ans. J’aimais aider ma grand-mère dans la préparation du repas du dimanche. Les pâtisseries étaient généreuses ; parfumées à la badiane, à la fleur d’oranger, comme la brioche Mouna et les oreillettes. Ces recettes traditionnelles pieds-noires font partie de mon identité. Mes parents se sont installés dans les Alpes-Maritimes quand j’étais au collège. J’ai continué à fabriquer des gâteaux pour les anniversaires. Les émotions autour du sucré renforcent les liens. Il est vite devenu une évidence pour moi d’en faire mon métier.

Le chocolat Kalingo par Steve Moracchini, déclinaison de textures, tubes croustillants, glace au poivre de Timut. (© DR)

LTM : Quelle est votre formation ?

SM : Au lycée professionnel Auguste-­Escoffier de Cagnes-sur-Mer, j’ai suivi la formation du BEP pâtisserie et une mention complémentaire desserts en restaurant. Mais je n’ai pas été apprenti et cela a compliqué le début de mon parcours professionnel. Pour mon premier emploi, pendant quatre mois j’ai cuit des pains et des pâtisseries surgelés ! J’ai ensuite travaillé dans une boulangerie-­pâtisserie artisanale, celle De l’Ilette, à Antibes. J’occupais le poste du snacking. Après mon service, je restais. J’ai eu la chance de rencontrer un patron qui aime vraiment son métier. J’y ai passé deux ans et demi. À mon départ, il m’a offert les recettes qu’il gardait secrètes.

LTM : Quand vous-êtes vous tourné vers la création ?

SM : En 2002, je suis ouvrier pâtissier chez un chocolatier-pâtissier de Cannes. Je découvre la rigueur et, comme je suis de nature très carré, voire maniaque, cette façon de travailler me correspond tout à fait. Je commence à créer avec le soutien de Jean-Luc Beaume, un ancien pâtissier de l’Hôtel Martinez, à Cannes. Il me donne des clés : ne jamais se croire bon, sinon on arrête d’apprendre, ne jamais croire qu’on sait faire car il y a toujours quelqu’un pour nous apprendre quelque chose.

Dessert Fragrance autour de la framboise. (© A. VALOIS)

LTM : Et les desserts de restaurant ?

SM : Mario d’Orio, chef de l’Hôtel 3.14 à Cannes, et disciple Escoffier, m’a accordé sa confiance. Je prépare alors mes premiers desserts de restaurant destinés à une clientèle internationale. Pour ce style de créations, je cherche quelle émotion donner à ceux qui vont les déguster. En autodidacte, alors je passe du temps en cuisine à regarder ce qui peut m’inspirer. Je prépare un soufflé citron-thym. Pourquoi ne pas utiliser un légume ? Je commence à travailler le duo fenouil-citron [création qui lui a valu d’être sacré Pâtissier de l’année 2016 par le Gault&Millau, NDLR]. Tout est possible dans la création : la seule limite, c’est moi. Je compulse les magazines Thuriès. Je passe des nuits au labo à tester et à affiner. Pour le restaurant Bâoli Cannes, je prépare des gâteaux surdimensionnés à destination des soirées VIP fréquentées par les stars. Pendant cinq ans, je cherche à les surprendre avec des desserts ludiques : j’insère des poivres, des sucres pétillants, etc.

Dessert Fragrance autour de la framboise, par Steve Moracchini. (© A. VALOIS)

LTM : Vous passez des soirées de la jet-set à la pâtisserie étoilée ?

SM : Je fais partie de l’Association des pâtissiers de restaurant Côte d’Azur. En 2012, j’apprends qu’une place se libère aux Belles Rives. Je n’ai pas peur d’y aller ni d’explorer l’inconnu. Le chef est alors Pascal Bardet, ancien du Louis XV à Monaco et aujourd’hui 3 toques au Gault&Millau. Avec lui, j’apprends à sourcer avec exigence le meilleur produit au meilleur moment. Il me met le pied à l’étrier de l’excellence. Puis, avec le chef Yoric Tièche, nous obtenons en 2016 une première étoile au guide Michelin. Cette distinction met en lumière plusieurs années de travail. Aujourd’hui, en binôme avec le chef cuisinier Aurélien Véquaud, je cherche à aller plus loin. Le challenge d’une deuxième étoile est très stimulant. Nous ne proposons pas de carte des desserts au restaurant gastronomique mais une séquence sucrée nommée Myriades & Étoiles. La cérémonie de l’absinthe fait office de pré-dessert. Nous avons servi cet été une création au chocolat Mayan Red 80 % et crème infusée à la népita : une herbe mentholée du maquis corse ; une tarte rhubarbe et sabayon au jasmin ; une orange sanguine parfumée à l’huile de thym accompagnée de neige de Brousse du Rove AOP ; une brioche pain perdu, siphon à la vanille de Madagascar, crème glacée à la levure et chips de pain caramélisé…

LTM : Comment vous appuyez-vous sur la brigade pâtissière ?

SM : Pour que chaque service soit orchestré à la perfection, derrière chaque geste minutieux doit se trouver la passion pour ce métier. Une fois la production assurée, au labo, tout le monde peut créer. Et je suis fier de dire que ce sont “nos” desserts. Dans mon parcours, j’ai perdu du temps à tâtonner : je veux leur éviter cela. Pour transmettre mon savoir-faire, je leur donne des recettes, des procédés, afin qu’ils comprennent et maîtrisent plus rapidement l’équilibre d’un dessert et la technicité du goût. Ces jeunes pourront dire : “Je suis passé par Belles Rives”.

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