Rencontres
Sabrina Guez;
Sabrina Guez; © A. VALOIS

Sabrina Guez, la délicate

Sabrina Guez, pâtissière talentueuse et discrète, a créé son premier laboratoire dans l’ancien fournil de la Maison Saint-Honoré, à deux pas de la baie de Marseille. Passionnée, elle prépare tout elle-même, et ne compte pas son temps au labo. En résulte une pâtisserie fine ciselée.

Sabrina Guez aime travailler au labo et n’a pas l’intention de changer sa formule ! Dans le 7e arrondissement de Marseille, la cheffe pâtissière n’a pas de boutique mais un laboratoire-­atelier commun à l’Assiette des chefs de son frère (chef traiteur) et de sa belle-sœur. Dans cet espace de création et de partage, Sabrina Guez s’adonne à ses recherches et à ses productions ; elle forme des apprentis et reçoit ses clients. L’entrée est chaleureuse avec ses murs couverts de panneaux de lamelles de bois orientées. Les étagères présentent ses confiseries et confitures maison. On y remarque des livres inspirants, comme les Secrets gourmands de Pierre Hermé ou Tourbillon de Yann Brys. Discrète, la cheffe conçoit des desserts gourmands avec beaucoup de précision, et ils servent sa réputation.

La cheffe pâtissière Sabrina Guez. (© A. VALOIS)

La Toque magazine (LTM) : Vous ne vous destiniez pas à la pâtisserie.

Sabrina Guez (SG) : Pendant mes études à Marseille en Gestion et administration des entreprises, je suis partie en Écosse une année, à Édimbourg. Puis, j’ai obtenu un master en Management du commerce international, spécialisation web marketing. Grâce au Working Holiday Visa [visa vacances-travail réservé aux 18-35ans permettant de travailler pendant un an, NDLR], j’ai vécu avec mon compagnon un an en Australie. J’ai travaillé dans un café de Sydney où je préparais des desserts très simples, comme les tartes aux pommes et les tiramisus. C’est à ce moment-là, à 23 ans, que j’ai réalisé : “Je veux me lever le matin en ayant cette envie de vivre ma passion”.

LTM : Votre famille vous a-t-elle inspirée ?

SG : Deux de mes oncles sont restaurateurs et ma mère adore la pâtisserie. Plus jeune, j’aimais bien potasser ses livres, mais je n’avais pas le cran de me lancer.

Sabrina Guez prépare un gâteau poire tonka. (© A. VALOIS)

LTM : Où vous êtes-vous formée ?

SG : Il n’y avait pas de formation continue pour adultes en 2011 au lycée hôtelier de Bonneveine [à Marseille, NDLR]. J’ai suivi le cursus CAP pâtisserie en alternance, puis la mention complémentaire auprès de l’organisme privé Corot Formations. Pour mon apprentissage, Jacques-Olivier Coste m’a accueillie pendant un peu plus de deux ans dans son labo-boutique de Cassis : Sucr’é Délices. Il m’a transmis les bases de la pâtisserie fine et sa façon de voir le métier : faire plaisir à la clientèle. J’ai rapidement compris que j’étais au bon endroit au bon moment. Aujourd’hui, il n’a plus ce lieu mais il continue de transmettre en tant que formateur. C’est un puits de savoir sur la chimie et la physique de la pâtisserie. Je suis toujours en contact avec Jacques-Olivier, à qui je demande parfois : “J’aimerais faire ceci comme cela, tu en penses quoi ?”

Tarte aux deux citrons par Sabrina Guez (© A. VALOIS)

LTM : Quel est selon vous l’essentiel en pâtisserie ?

SG : L’équilibre d’un gâteau. À la dégustation, on doit ressentir toutes les saveurs, le sucre et le gras ne doivent pas être écœurants. Cependant, comme les goûts évoluent, je rectifie régulièrement mes recettes. Ma gamme comprend neuf à dix gâteaux, des intemporels et deux créations par saison. Actuellement, le Poire tonka : biscuit pain de Gênes, confit de poires du Luberon épicé, chantilly à la fève de tonka, glaçage chocolat blanc et poires fraîches. L’un des plus commandés est la Tarte aux deux citrons : une pâte sablée aux amandes couverte d’une crème d’amandes puis d’un crémeux aux citrons jaune et vert, et une meringue italienne parsemée de zestes de citron vert. Ma pâtisserie est épurée, je n’aime pas les chichis. J’essaie d’avoir des matières premières françaises : je tiens à mon beurre AOP Charentes-Poitou. Et je prépare tout ou bien je ne fais pas !

LTM : Où avez-vous créé votre premier labo ?

SG : Après huit mois passés à l’Hôtel Dieu Intercontinental Marseille — au moment de son ouverture —, j’ai mis fin à l’expérience en brigade. C’était très difficile, et pourtant enrichissant, mais ce n’est pas mon univers. Mon premier enfant est né, quand il a eu 9 mois, mon frère Renaud a su que le boulanger Pierre Ragot laissait son local du Vallon des Auffes [Marseille 7e]. Nous avons donc débuté ensemble dans l’ancien fournil de la Maison Saint-Honoré, en 2015, avant de nous installer ici, boulevard Bompard [7e], en septembre 2017.

Gâteaux individuels. (© A. VALOIS)

LTM : Vous choisissez d’emblée de ne pas avoir de boutique.

SG : À Cassis, j’ai connu le rythme de travail d’un magasin, et je sais que ce n’est pas la vie que je veux avoir. Mes enfants ont 7 et 10 ans, et le soutien de mon compagnon est très précieux. J’ai fait le choix d’un équilibre vie professionnelle-vie person­nelle. Je ne réalise pas le même chiffre d’affaires que mes confrères, mais je suis là ! J’ai pérennisé mon activité sans me dévelop­per. Si l’entreprise grossit, l’artisan sort du labo. J’aime ça, rester au labo, c’est une fierté d’être artisan. Je travaille sur commande, avec un délai minimum de quarante-­huit heures. Pour les événements, je prépare des gâteaux en deux bouchées, des gâteaux et des corbeilles de choux.

LTM : Qui vous aide au labo ?

SG : Pendant deux ans, au début, deux apprenties m’ont bien accompagnée. J’accueille des stagiaires adultes en formation continue, des personnes adressées par l’École de la 2e chance, des migrants qui suivent un cursus au lycée hôtelier de Bonneveine. Je veux que leur passage chez moi les aide. C’est important pour moi qu’ils se sentent bien ici, qu’ils n’arrivent pas avec la boule au ventre comme ça peut leur être arrivé ailleurs. Je donne de mon temps, de mon savoir-faire, et je suis exigeante en retour.

LTM : Que préparez-vous pour Pâques ?

SG : Je reviens sur la tarte au chocolat, avec un visuel surprise : des éclats de plaques que je superpose. J’utilise les chocolats belges des marques Belcolade et Cacao Barry. Je prépare aussi des œufs de Pâques. Comme à Noël, je prends le temps de fabriquer les orangettes et le nougat : c’est vraiment pour kiffer !

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