Nina Métayer a réalisé son rêve de jeunesse. Vingt ans après avoir voulu se lancer en boulangerie, celle qui a été sacrée deux fois meilleure pâtissière du monde — en 2023 par l’Union internationale des boulangers et pâtissiers et en 2024 par les World’s 50 Best Restaurants — est à la tête, depuis novembre dernier, non pas d’une mais de deux boulangeries (Le Fournil et Chez Paillat), à la Rochelle, sa ville natale. Une opportunité. qu’elle ne pouvait — et ne voulait — absolument pas rater. Elle se confie sur sa nouvelle aventure à laquelle le boulanger Denis Baron, le premier a lui avoir donné sa chance à l’époque, n’est pas étranger, ainsi que sur ses partis pris en boutique. Entretien.

La Toque magazine (LTM) : Dès vos débuts, vous souhaitiez être boulangère. Ces deux ouvertures sont une consécration ?
Nina Métayer (NM) : Oui c’est incroyable, c’est un rêve qui se réalise ! J’ai découvert l’univers de la boulangerie à 16 ans lorsque je suis partie au Mexique, après avoir rencontré un couple de Français qui tenait une boutique. En revenant en France l’année suivante, j’ai voulu en faire mon métier. Mais j’ai eu du mal à trouver un maître d’apprentissage. Personne ne voulait me recruter en tant que boulangère.
LTM : Diriez-vous que vous avez souffert de discrimination ?
NM : Pas vraiment. Disons que ce n’était pas un métier très féminin. Et je pense que mon profil ne correspondait pas : je n’étais pas très costaud, j’avais un bac général et j’arrivais un peu la fleur au fusil, en disant “Je veux être boulangère”. De l’extérieur, peut-être que cela ne paraissait pas très sérieux, même si ce que je voulais faire l’était. Finalement, Denis Baron m’a embauchée. J’avais 18 ans. À ce moment, j’ai su que c’était réellement ce que je voulais faire. Mais en arrivant en Paris après mon CAP, je n’ai pas trouvé d’emploi. Je me suis alors dit que le meilleur moyen d’intégrer une boulangerie était de le faire par le biais de la pâtisserie.

LTM : Ce n’était donc pas une vocation au départ…
NM : Non… Je voulais être embauchée en tant que pâtissière pour montrer ensuite que je savais faire du pain. Au début, ça ne me plaisait pas du tout. J’aimais tellement le pain que c’était difficile de passer à autre chose. C’était très dur, je ne savais rien faire. Mais au fur et à mesure, je me suis prise de passion pour le métier, notamment lorsque je suis arrivée au Meurice [palace du 1er arrondissement parisien, NDLR]. Camille Lesecq m’a guidée. Il était bienveillant. J’avais envie de lui plaisir mais aussi de me faire plaisir en travaillant.
LTM : Au final, cela vous a réussi, vous êtes passée par plusieurs établissements de renom et avez travaillé avec les plus grands noms. Et aujourd’hui, vous revenez à votre première passion, et à la maison…
NM : Oui. De toute façon, je n’ai toujours voulu qu’une seule boulangerie : celle-ci. Celle de Denis [Baron, ancien propriétaire des deux boulangeries du quartier rochelais Saint-Éloi, reprises par Nina Métayer en novembre 2024, NDLR]. Il y a dix ans j’en avais parlé avec lui. J’ai attendu tout ce temps : j’ai été patiente ! Et Chloé Vierling, ma cheffe de production — avec qui j’ai travaillé à Paris très longtemps — voulait s’installer à la Rochelle. C’était l’occasion de relancer le projet. Et c’est tombé à point nommé car il voulait partir à la retraite.

LTM : Quels produits proposez-vous ? La pâtisserie tient-elle une place importante ?
NM : Nous nous adaptons au quartier. Les gens sont assez surpris car nous proposons des éclairs au chocolat, au café ; des tartes aux pommes à 3,50 euros ; des paris-brest à 4,50 euros. Nos baguettes sont au même prix que dans les autres boulangeries : 1,20 euro la Tradition, par exemple. Pour que ce soit accessible à tous. Mais on fabrique a toujours un ou deux produits plus originaux, comme notre petite boule avec un cœur coulant caramel côté viennoiserie. Cette gamme est assez développée. Nous avons des produits plus complexes aussi, pour appeler à la découverte, avec de très beaux desserts — notamment signature — qui demandent plus de temps de fabrication —, et des matières premières très recherchées. Durant les périodes de fêtes, on peut vendre des gâteaux à 90 euros, par exemple, aux côtés de portions individuelles à 3 euros. Nous essayons d’avoir une offre assez large afin que chacun puisse trouver son bonheur.

LTM : Et côté pains ?
NM : Là aussi, on reste sur des classiques. On a un pain un peu différent, réalisé avec du praliné, au grué de cacao, et peu de gluten. Il y a aussi le petit épeautre que j’affectionne particulièrement. En fonction de notre clientèle, il y aura aussi certainement des pains différents par la suite. Nous sommes au service des gens. Au final, ce sont eux qui choisissent.
LTM : Comment choisissez-vous vos matières premières ?
NM : Pour nos produits, on source tout et on essaye de choisir le plus local possible, même si on utilise des ingrédients, comme la vanille, le cacao, les fruits exotiques…