Dans des effluves de chocolat et de beurre fondu, Audrey prépare des crinkle cookies, Stéphanie brasse un appareil à cheesecake, tandis qu’Aymeric façonne des buns. De ce labo de 40 m² sort quotidiennement ce que le monde anglo-saxon a légué de plus doux à l’univers de la pâtisserie. Cheesecakes, scones, cookies, crumble, cinnamon rolls, carrot cakes et autres bagels traversent ensuite cette rue du septième arrondissement de Lyon pour garnir les vitrines de Piece of Cake*.
La boutique est tenue par Anne Chambouleyron, qui se lance en 2014, après une carrière chez M6 Web dont elle est repartie avec des compétences techniques et « une allergie aux réseaux sociaux et aux newsletters ». Son goût pour la pâtisserie d’outre-Atlantique elle le tient de son histoire familiale à moitié enracinée aux Philippines, pays où « la culture américaine est très présente dans l’alimentation ».
Son CAP pâtisserie en poche, elle lance une gamme de vingt gâteaux, qu’elle propose sur catalogue à une clientèle professionnelle. « Les coffee shops se développaient, retrace-t-elle. Ils voulaient des pâtisseries de même qualité que leurs cafés de spécialité. » Elle aménage un espace boutique de 9 m² qui ouvre le samedi aux particuliers, à qui elle propose la même gamme.
Le covid surgit alors que l’activité tourne bien, avec trois salariés. La fermeture des commerces, qui représentent 90 % du chiffre d’affaires, remet tout en question, d’autant qu’une lassitude commence à poindre. « Travailler en B to B oblige à faire de gros volumes sur des recettes qui varient peu, partage la pâtissière. Petit à petit, nous avons fait basculer notre offre vers les particuliers. J’ai augmenté les créneaux d’ouverture, puis racheté un local car nos 9 m² ne suffisaient plus. Sur mes trente clients professionnels, je n’en ai gardé que deux, qui cherchent des choses très spécifiques. »
Depuis 2021, un magasin accueille donc les clients face au laboratoire. La gamme s’est élargie, diversifiée — avec de la pâtisserie japonaise — et Piece of Cake s’est dotée d’une offre salée. Tout est cuisiné maison, jusqu’au pain des hot dogs et autres buns. Un espace café a été aménagé. « Il n’est pas rentable en soi mais il donne plus de chaleur à la boutique », confie Anne Chambouleyron. Elle n’a pas développé la vente en ligne et en livraison, « par éthique et par goût pour le contact avec le client ».
Vingt parfums de cheesecake
Le cheesecake — décliné en vingt parfums, dont dix à quinze disponibles chaque jour — reste l’attraction principale d’une clientèle plutôt fidèle : il s’en vend cent parts quotidiennement et trois fois plus le samedi. Les cinnamon rolls cartonnent depuis qu’un influenceur en a parlé sur les réseaux sociaux. En saison, le fraisier japonais connaît un beau succès, tandis que les étudiants craquent toute l’année pour les cookies, faciles à emporter.
Les piliers de la gamme sont présents depuis onze ans, en rotation, et des nouveautés apparaissent régulièrement. « Les clients demandent du renouvellement, mais restent souvent sur ce qu’ils connaissent déjà », observe Anne Chambouleyron.
Un planning hebdomadaire rigoureusement tenu, avec le suivi des ventes et les ordres de production, lui permet de limiter les invendus. « Les cheesecakes, toujours frais, restent maximum deux jours en vitrine — pour une date limite de consommation de trois jours — et les fabrications du lendemain sont ajustées en fonction des ventes du jour, illustre-t-elle. Pour limiter le gaspillage, les gros gâteaux sont fabriqués sur commande. »
Le samedi soir, il ne reste plus grand-chose en rayon. Aux clients frustrés, il faut alors expliquer qu’une pâtisserie artisanale travaillant en frais ne peut pas avoir une vitrine complète une heure avant sa fermeture hebdomadaire.
* “It’s a piece of cake” se traduit par “C’est du gâteau/C’est un jeu d’enfant”.