«Si les clients sont bluffés au point de ne pas voir la différence entre nos plats et leurs équivalents carnés, je me dis que c’est gagné ! » Comme beaucoup de végétariens/végétaliens, Raphaël Francisco a mangé de la viande, du poisson et du fromage dans son enfance. Adulte, il n’a pas arrêté par goût, « mais par conviction éthique. J’apprécie donc de retrouver des saveurs carnées ou iodées en jouant sur les produits et assaisonnements », précise le cofondateur du concept store vegan Aujourd’hui Demain. Ouvert en 2017 dans les locaux d’un ex-grossiste textile du 11e arrondissement de Paris, un quartier en transformation, ce vaste espace prône un mode de vie sans aucun produit d’origine originale, des vêtements aux cosmétiques, en passant par la nourriture, en rayon (car l’enseigne fait aussi épicerie) et dans l’assiette. « Au départ axée vente à emporter et réduite à quelques tables, avec service au comptoir, la partie restauration s’est considérablement développée pour répondre à la demande croissante », précise le jeune entrepreneur qui se décrit à la fois « gourmand et très exigeant ».
Vegan convaincu, Raphaël Francisco a créé Aujourd’hui Demain avec Cheyma Bourguiba en 2017. © B. Guicheteau
Ersatz retravaillés
Orientée « comfort food », la carte a suivi le même mouvement, s’étoffant au fil du temps, tout en conservant son orientation artisanale originale. Si les pains et les croissants vegan sont fournis par la boulangerie Land & Monkeys, les toasts, bowls, burgers font la part belle aux légumes de saison et aux produits alternatifs maison (margarine, no-cream cheese, no-bacon à partir de feuilles de riz, d’huile et de paprika fumé, fausses ricotta ou mozzarella, sauces relevées, etc.) pour une question de choix et de coût de revient. « Certains substituts sont encore relativement chers et le prix ne doit pas être un frein à la transition », estime Raphaël Francisco, toujours en recherche et développement avec ses équipes en cuisine. Quelques références intègrent quand même des ersatz de viande ou de poisson, parfois retravaillés en interne, comme sa kefta réalisée à partir d’un steak Beyond Meat (en vente rayon épicerie), mixé à l’oriental avec des oignons, de l’ail et des épices. L’enseigne est réputée pour son Mac’n’cheese chori (gratin de macaronis avec du faux chorizo et du parmesan végétal maison) et ses généreux vegan breakfast pancakes (à base de saucisse Beyond Meat, no bacon, tofu et « no eggs » brouillés), déclinés en version sucrée en dessert. D’inspiration anglo-saxonne, les tartelettes Banoffee, cheesecakes (intégrant du tofu soyeux), snickers pies, layer cakes, banana breads, granola bowls, cookies, brownies et autres muffins (comprenant quelques options sans gluten) complètent la carte des gâteaux, disponibles en format entier sur commande. Fidèle à un esprit coffee shop, la longue carte des boissons inclut des cafés, lattes, thés, infusions (fraîches ou chaudes), cocktails et smoothies maison, auxquels s’ajoutent des vins, bières, cidres commercialisés par des partenaires partageant les mêmes valeurs écoresponsables. Le tout est proposé en service continu, de 11 h à 22 h 30 (18 h le lundi), 7 j/7. « Notre objectif est de prouver que l’alimentation vegan n’est pas ennuyeuse ou synonyme de privations mais peut être, au contraire, extrêmement diversifiée et source de plaisir », explique l’entrepreneur. Pour lui, les nouveaux ersatz carnés participent à cette évolution culinaire, « par leur accessibilité, tant en termes de goût que de mise en œuvre, similaire à la viande ».
L’offre en rayon joue la complémentarité avec l’offre de restauration en salle. © B. Guicheteau
Montée en qualité
Chez Aujourd’hui Demain, la clientèle est à l’image de la carte : très mélangée, avec des gens de tous âges, sexes, nationalités et… régimes alimentaires. « Seulement 30 % de nos clients sont strictement vegan », assure Raphaël Francisco. Pas besoin d’avoir abandonné la viande pour apprécier la cuisine et l’ambiance du concept store. « Nous avons pensé ce lieu le plus accueillant et convivial possible, avec du mobilier chiné ou retapé, pour susciter l’intérêt et l’attractivité, sans insister sur le côté vegan », relève son cofondateur. Et de rappeler : « En 2017, il y avait une offre de restauration végétarienne encore marginale à Paris et peu de substituts disponibles sur le marché par rapport à d’autres pays. » Une crise sanitaire et environnementale plus tard, les mentalités ont changé et ce mode de vie tend à gagner du terrain en France. Logiquement, l’offre alimentaire a accompagné le mouvement, avec le développement de produits et d’enseignes à Paris comme en province. Un essor qui contribue à « la montée en qualité et à la démocratisation de l’alimentation végétarienne, même si toutes les innovations ne se valent pas », concède l’expert qui soigne sa sélection d’ersatz vegan en boutique. « Ces produits créent de la curiosité, même des consommateurs les plus réticents. Ceux qui les ont goûtés et appréciés tendent à y revenir et à en parler autour d’eux », constate l’entrepreneur qui songe à développer son concept, « le marché étant loin d’être saturé ».