La blockchain contribue au stockage et à la diffusion d’une information fiable et incorruptible, elle conduit à mieux protéger les droits de propriété tout en en facilitant le transfert. Elle représente une innovation majeure. Notamment utilisée dans le secteur bancaire avec le développement des cryptomonnaies, son usage s’est désormais étendu à de nombreux domaines et secteurs d’activités, marchands ou non marchands, publics ou privés, et même récemment à l’art et aux médias. Elle fait aussi son apparition dans la logistique du secteur agroalimentaire. Pour la traçabilité alimentaire, de nombreuses entreprises ont adopté cette solution de décentralisation : en France, des groupes céréaliers tels que Grands Moulins de Paris avec Francine Bio (B2C), Moulins Evelia, Axéréal, Soufflet, Mondelez entre autres, travaillent avec Connecting Food, un des acteurs de la blockchain, pour garantir la traçabilité des matières premières auprès des industriels, des professionnels et surtout délivrer aux consommateurs toutes les informations liées à ce qu’ils achètent. L’objectif final est d’apporter de la transparence au consommateur dès l’étape de transformation des matières premières. Comme dans le cas de la farine Francine Bio qui, via un flashcode à scanner sur le paquet et en renseignant le numéro de lot, permet de découvrir chronologiquement le détail de toutes les étapes et les acteurs impliqués (les agriculteurs producteurs, la mouture des blés, l’ensachage et la géolocalisation précise). « Cette démarche “de la fourchette à la fourche” vient réaffirmer les fondamentaux de l’entreprise sur des actions concrètes qui mettent la “confiance” (la transparence, la vérité et le sens) au cœur de notre orientation stratégique », explique Claire Madoré, directrice marketing et commercial GMS pour Grands Moulins de Paris.
Pour quels profils ?
Les solutions existent pour répondre à des problématiques : selon les meuniers et les volumes, la traçabilité est plus ou moins complexe. Pour un meunier à l’échelle artisanale, les intermédiaires ne sont pas énormes donc le système de traçabilité est plus aisé. À plus grande échelle, lorsque des centaines d’agriculteurs, des coopératives et des distributeurs font partie de l’équation, la blockchain prend sens : celle-ci permet de faciliter l’échange d’information et de la mettre à disposition de tous les acteurs de la chaîne. En effet, même s’il existe déjà des logiciels qui permettent de remonter la chaîne de traçabilité au sein d’une même filière, ils sont tous différents. Pour l’exemple de la plateforme de Connecting Food, celle-ci va permettre de rationaliser et standardiser les data de façon que personne ne perde de temps à transmettre et traiter les informations : la traçabilité se fait de façon fluide. Ensuite, via une interface intuitive, elle permet de servir toutes les informations, déjà connues par l’entreprise, à des consommateurs de plus en plus soucieux d’être en confiance avec les marques.
Jusqu’où remonter ?
« On remonte au plus haut tant qu’il y a des données, explique Coline Laurent, de Connecting Food. Nous assurons un audit qualité afin d’établir un cahier des charges adapté, avec toutes les informations nécessaires pour suivre la chaîne d’acteurs : on remonte jusqu’où le client souhaite remonter. » Cela dépend bien sûr de chaque produit et du donneur d’ordre de la traçabilité : « Par exemple, dans le cas de l’élevage de canard de Terres du Sud, on remonte jusqu’à la nourriture donnée à l’élevage. » Pour Grands Moulins de Paris, Connecting Food a réalisé un mapping de la supply chain, un audit des certifications (bio et 100 % blé français), a enregistré les données complètes, désormais infalsifiables, et les a restituées dans une Web App pour le public.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Il y a deux interfaces : une B2B, avec un email et un mot de passe, pour accéder à un tableau de bord qui permet de suivre la supply chain, puis côté artisan (ou consommateur), un QRCode à scanner pour accéder aux informations. Pour le dépôt d’informations, via un système d’API et de protocoles FTP, les critères et les champs à remplir sont déjà digitalisés : c’est le cadrage défini entre responsables techniques qui permet d’assurer la transparence et l’automatisation.
La blockchain : solution d’avenir ?
Pour Connecting Food, la traçabilité de bout en bout de la chaîne doublée d’un audit permet de fiabiliser les données et de régler d’éventuels problèmes logistiques ou erreurs de données : ils peuvent ainsi proposer un plan de progrès pour mettre en place des solutions et digitaliser certaines zones grises qui peuvent causer des problèmes. Pour Grands Moulins de Paris, l’investissement dans la blockchain pour apporter une transparence supplémentaire aux consommateurs en temps réel est une manière d’établir un contrat de confiance en donnant accès à « l’historique » du paquet de farine que le client tient dans sa main. Du point de vue de Sébastien Meunier, directeur au cabinet de conseil en management Chappuis Halder & Cie, « la blockchain est un système spécifiquement pensé et conçu pour échanger des unités de valeurs numériques entre des personnes non identifiées, sans utiliser un petit groupe ou une unique autorité : c’est une chambre d’enregistrement qui ne sait pas si votre blé est bio ou non par exemple, car seul un humain peut le dire (ou des autorités naturelles comme les agents de certification accrédités pour l’agriculture biologique par exemple), elle ne résout pas tout en termes de traçabilité. Les entreprises finissent généralement par s’équiper en logiciels qui permettent de digitaliser les processus, réduire les coûts et améliorer la performance. » Selon lui, « c’est le seul aspect positif et indirect à vouloir utiliser la blockchain ». Mais quand il s’agit de délivrer des informations précises et concises aux consommateurs, elle est une garantie infalsifiable d’authenticité des informations liées à chaque acteur de la chaîne qui contribue au produit final : l’innovation se trouve précisément là, pour renforcer le lien de confiance entre les entreprises et leurs clients.
Plus de durabilité et de transparence*
En 2020, 44 % des consommteurs européens déclarent qu’il serait très utile de disposer de plus d'informations sur les agriculteurs-producteurs (+5% par rapport à 2019). Une proportion remarquable chez les consommateurs italiens : 92% déclarent également qu’il serait utile de mettre en place la traçabilité des aliments dans la blockchain. On constate également que l’épidémie de la Covid-19 n’a fait qu’accentuer ce phénomène.
*Source : IBM & Morning Consult Europe, étude sur 1 000 répondants allemands, anglais, espagnols et italiens, décembre 2020.