Rouge cœur oblige, la Saint-Valentin a vu une nouvelle fois percer quelques fraises et framboises, largement en avance sur le calendrier, dans les vitrines des boulangers-pâtissiers. « Mais moins que par le passé », se réjouit la pâtissière Claire Heitzler, sacrée (entre autres titres) cheffe de l’année 2018 par le festival Omnivore. Aujourd’hui consultante, après des expériences en France (Ladurée, Ritz Paris, Thierry Mulhaupt) et à l’étranger (Beige Alain Ducasse Tokyo, Park Hyatt Dubaï), la jeune femme est convaincue de longue date du bien-fondé de la saisonnalité dans le métier. « C’est un gage de naturalité et de responsabilité sociétale et environnementale », pointe la pâtissière, engagée en faveur du « respect des terroirs et du patrimoine agricole français. » Un enjeu d’autant plus saillant en ces temps de crise sanitaire, où bon nombre de producteurs locaux ont besoin de soutien.
« Chaque saison a ses fruits et légumes à valoriser », Benoît Castel.
Sources d’inspiration
La saisonnalité est aussi une question de goût et de plaisir. « Riches en nutriments et vitamines, les fruits sont meilleurs à maturité naturelle », souligne Claire Heitzler, qui puise dans les produits sa première source d’inspiration. La cheffe a fait de la créativité son cœur de métier. Une démarche difficile à appliquer au quotidien dans une boulangerie-pâtisserie ? « L’objectif n’est pas forcément d’innover en permanence mais de renouveler sa carte au fil des saisons, éventuellement avec des produits classiques, comme une tarte à la rhubarbe », puis un fraisier au printemps. « On se fait une fête de changer la gamme », confirme le boulanger-pâtissier parisien Benoît Castel, qui estime que « chaque saison a ses fruits et légumes à valoriser : tomates en été, agrumes en hiver, etc. »
Pour votre snacking aussi, respecter les saisonnalité en troquant les tomates contre du chou ou de la carotte en hiver.
Prise de décision
Pour ce petit-fils de paysan, « la saisonnalité est une question de bon sens, de prise de décision pour les artisans et d’éducation pour les clients. Ce sont nous, les professionnels, qui avons habitué les consommateurs à tout avoir à disposition tout le temps. » Reste à inverser le processus, via de la pédagogie et de la sensibilisation en boutique. Un discours dans l’air du temps. Défenseur du patrimoine culinaire national, le Collège culinaire de France a en effet récemment commandité à EasyPanel un sondage sur la perception de la saisonnalité chez les consommateurs français. Verdict ? Plus de 55 % d’entre eux sont choqués de voir des fruits rouges sur des pâtisseries en hiver et plus de 73 % sont prêts à changer de pâtisserie pour privilégier une pâtisserie plus respectueuse des saisons. Un bon signe pour une évolution des habitudes ! Et Benoît Castel de révéler son « optimisme quant à la prise de conscience croissante des jeunes générations sur le sujet ». Vous avez trop de fruits en stock ? Faites-en des confitures ou bien des purées maison !