Vaste débat que l'ouverture 7 jours sur 7… Alors que les grands médias en font leurs choux gras, évoquant l'ouverture dominicale des grandes surfaces, la grande majorité des artisans sont partagés entre la crainte et la colère.
En effet, l'accession à la fermeture au moins une journée par semaine a été vécue par les petits commerçants comme une avancée sociale. Enfin, l'artisan pouvait-il souffler un peu, lui et son équipe !
En son temps, Jean-Pierre Raffarin avait même cadré la vente de pain (tous circuits confondus) par le biais d'une circulaire ministérielle rendant obligatoire la fermeture au moins un jour par semaine, de zéro heure à minuit. Marylise Lebranchu avait elle aussi, à son tour, confirmé la démarche de son « collègue ministre » par une deuxième circulaire.
Une menace majeure
Sur le terrain, ce sont des accords départementaux – et non nationaux – qui assurent le respect de cette mesure. Mais aujourd'hui, ce qui est encore considéré comme un progrès social est malmené par des pressions multiples.
Dans le département du Rhône, la situation est plus que préoccupante à la suite de l'invalidation par le Conseil d'Etat, à l'automne de 2009, de l'arrêté préfectoral qui « protégeait » les artisans et défendait la fermeture d'un jour par semaine.
Bruno Cabut, président des boulangers du Rhône, s'est emparé du dossier, dénonçant les dangers de l'ouverture 7 jours sur 7 : « D'une part, elle représente une menace majeure pour un très grand nombre de petites entreprises qui, contrairement aux chaînes industrielles, ne disposent pas d'une équipe suffisante pour ouvrir tous les jours tout en respectant le repos hebdomadaire des salariés.
Ensuite, elle aura pour effet d'augmenter le déséquilibre des forces : de toute évidence, les terminaux de cuisson qui pourront ouvrir 7 jours sur 7 récupéreront du chiffre d'affaires supplémentaire… soit autant de bénéfices perdus pour les artisans boulangers. »
Renforcer la confiance des clients
Pour le président lyonnais, le problème dépasse d'ailleurs la seule notion économique : « Comment voulez-vous attirer les jeunes dans un métier où aucun jour de repos par semaine ne pourrait être garanti ? Sans compter que pour les « petits » artisans, il est hors de question de tenir une semaine sans pouvoir s'arrêter au moins une journée. Sinon, qu'en sera-t-il de leur qualité de vie personnelle et familiale ? C'est tout un équilibre que cela remet en cause, y compris la vie associative, précieuse sur le plan local. »
Jean-Pierre Crouzet, président de la Confédération nationale de la boulangerie française, qui a marqué de sa présence et de son soutien une réunion organisée à Lyon par Bruno Cabut pour mobiliser la profession, apporte un regard complémentaire : « Dans ce débat, plusieurs choses comptent : le respect de la démocratie, le respect du droit des salariés au repos hebdomadaire, l'instauration d'une communication bien menée en faveur de notre métier, la responsabilisation de nos chefs d'entreprise, et la confiance de nos boulangers en eux-mêmes.
Nous devons représenter une boulangerie moderne qui n'a pas peur de la concurrence du fait de la qualité supérieure de ses produits.
L'ouverture 7 jours sur 7, qui entraîne une majoration des charges fixes, ne fera pas exploser la consommation de pain ! A nous de construire, tous ensemble, l'avenir de notre profession, en nous posant les bonnes questions et en sachant nous distinguer par nos nombreux atouts. »
par Anne-Laure Chorand