Actualité Une boulangerie à Odessa, en Ukraine, reste ouverte et sert café et croissants gratuitement pour quelques jours encore

David Carbonell a été interviewé par les médias qui ont relayé son initiative de rester, vent debout, ouvert, pour distribuer café et viennoiseries qui lui reste en stock. Cet après-midi, David Carbonell répond au téléphone par Whatsapp’ et nous explique sa situation :

« Je ne suis pas artisan boulanger, je suis un entrepreneur », rectifie-t-il immédiatement. Il a ouvert en Ukraine une entreprise de distribution en gros de produits Delifrance, La Grande Boulangerie de France, et Frenchbox, sa boulangerie-café. Dans son coffee-shop, il vend principalement des croissants fourrés.

« Tout ce que nous vendons n’est pas surgelé, j’ai un boulanger qui fabrique des pains au chocolat aussi, mais en fonction de ce que nous vendons, nous nous gardons toujours la possibilité de faire une fournée de produits déjà préparés pour répondre à la demande, mais j’admire le travail artisan », précise-t-il. Anecdote culturelle amusante, malgré les temps incertains qu’il vit : « nos pains au chocolat ont une forme de croissant, un Ukrainien n’achètera jamais un pain au chocolat carré, ça lui rappelle les mauvais produits russes de forme carrée ».

En ce 16 mars 2022, la vie d’Odessa est au ralenti : les gens ne travaillent pas, les boutiques sont barricadées, les sirènes retentissent de plus en plus souvent depuis 3 jours, et les bombardements se font plus nombreux et plus rapprochés. David ne veut pas partir malgré l’inquiétude de ses proches : « Je ne peux pas me résoudre à partir alors que toute ma vie est ici, je ne me vois pas partir, laisser mes amis, dont un en particulier que je connais depuis 15 ans, qui est comme un frère, et l’appeller confortablement depuis mon canapé pour prendre des nouvelles… J’ai plusieurs plans pour les prochains jours, mais je ne sais pas quelle décision je prendrai demain ».

David ouvre donc La Grande Boulangerie pour distribuer café et viennoiseries. Au début il en donnait plusieurs, désormais, il limite à 2 car son stock ne lui permettra de tenir que 2 ou 3 jours, pour le café, il peut encore en fournir pour un moment. Une palette de réassort se trouver à Brovary, à 500km d’Odessa, près de Kiev, mais le coût du transport s’est envolé : «je payais environ 2 108,30 hryvnia en temps normal, entre 60 à 70€, aujourd’hui c’est 1000€ !». Brovary est une ville industrielle qui est prise d’assaut, le danger est immense. Il a contacté une personne chez Delifrance « afin de trouver une solution pour qu’ils m’envoient une palette, mais le centre se trouve en Russie, et ça n’a pas abouti », confie-t-il.

Il a conscience que l’attaque d’Odessa est imminente, l’armée Russe encercle la ville : à 130 km à l’Est la ville portuaire de Mikolaïev est attaquée, la frontière Moldave est envahie, l’étau se resserre.

« Je donne le café et les croissants pour apporter un peu de joie, une pause dans cette atmosphère de guerre, je continue à faire de l’humour, je donne ce que je peux en ces temps compliqués », confie David.

Il a 2 sacs prêts, sa machine à glace dans la voiture, mais à 50 ans, il ne se voit pas tout quitter, même s’il reconnait être un grand baroudeur qui a « eu plus d’entreprises qui ont fermé, que de succès ». Alors on lui a soufflé l’idée de créer une campagne pour récolter des fonds, puisqu’il est compliqué même de retirer de l’argent dans les banques ukrainiennes. Il a donc un lien Paypal qui lui permet de recevoir un peu d’aide pour vivre au jour le jour et poursuivre ce qu’il peut faire : aider à son niveau. « Ma mère me disait Si l’Univers te donne, il faut accepter d’en redonner un peu, c’est ce que je fais, c’est inutile de vendre et de faire du commerce en temps de guerre, les gens n’ont plus d’argent, les prix des denrées vont continuer d’augmenter, et nous devons toujours payer nos factures et nos loyers », explique-t-il.

Malgré la situation, David n’est pas abattu, au contraire : « les Ukrainiens vont se battre, ça va durer longtemps, mais ils vont se battre. Je partirai si Kiev tombe et que l’Ukraine devient Russe, je ne veux pas vivre dans un pays en proie aux guérillas urbaines ».

Pour une fois, il faut reconnaître que les solutions toutes faites et surgelées sont utiles, en particulier quand il n’y a plus de salariés. Reste à espérer que Delifrance parvienne à lui fournir une palette pour tenir encore quelques jours, reste à espérer que, ceux qui peuvent, les donations lui permettront d’avancer dans une situation accablante.

• Lien Paypal pour aider David : https://bit.ly/3u123I3

• Compte Facebook de David Carbonell : https://www.facebook.com/david.e.carbonell