En ce dernier jour du Sirha Lyon, salon dédié au secteur de la food où s'est déroulée la Coupe de France de boulangerie, ce lundi 23 janvier, près de 5000 artisans boulangers (2500 selon la préfecture) sont descendus dans la rue parisienne. Ils manifestaient contre l'incapacité du gouvernement à leur venir en aide face à la flambée générale des prix, accentuée par l'augmentation exponentielle des coûts de l'énergie, ultime ingrédient de la réalisation du pain. Cette action a été rendue possible grâce à la mobilisation du Collectif pour la survie de la boulangerie et de l'artisanat, (à l'initiative de Frédéric Roy, boulanger à Nice) supporté par le syndicat des indépendants et des TPE.
Marc Sanchez, secrétaire général du SDI, a déclaré : « Cette initiative interprofessionnelle née sur le terrain rassemble des boulangers, des bouchers, des blanchisseurs et, plus largement, toutes les TPE dont la survie est menacée par l'insuffisance ou par l'inadaptation des mesures prises par le gouvernement face à la hausse vertigineuse des prix des énergies et à l'attitude des énergéticiens. Les calculs réalisés par Bercy en lien avec ces derniers et les organisations professionnelles, axés sur une baisse tarifaire, ne tiennent pas compte du seul élément crucial pour l'équilibre économique de ces petites structures, à savoir le reste à charge pour le chef d'entreprise, a-t-il poursuivi. Par ailleurs, rien n'est résolu s'agissant du paiement des factures dues en 2022, d'un montant en reste à charge souvent astronomique pour certaines TPE et pour lesquelles les dispositifs de protection actuels ne sont pas ou peu applicables, malgré les déclarations officielles. »
La situation est simple finalement, et a le mérite de souligner à quel point ceux qui prennent des décisions “d'en haut” pour les secteurs clés de notre pays sont éloignés, si ce n'est ignorants de la réalité du quotidien de ceux “d'en bas”. Aussi polytechniciens et énarques que nos élus sont, la froideur comptable trébuche systématiquement sur l'empirisme du réel ; la théorie est balayée par la réalité. Le monopole de la vertu par la classe de cadres intellectuels supérieurs n'en finit plus de se déliter.
Quelles aides pour “le commerce préféré des Français”
Toujours désignée (à nouveau en 2022) comme le commerce de proximité préféré des Français, la boulangerie française a été en prime reconnue par l'Unesco : quel cynisme alors, que cette entreprise ne soit jamais éligible aux aides ! Identifiées “commerces essentiels” durant le Covid, non seulement les boulangeries sont restées ouvertes dans un contexte de sécurité sanitaire floue, mais elles n'ont pas pu justifier d'une perte de chiffre d'affaires d’au moins 50 %. Plus fort : une hausse démentielle des prix de l'électricité intervient mais, pas de chance encore – et nul besoin d'être ingénieur pour imaginer la consommation électrique d'un four cuisant pains et viennoiseries et de frigos conservant de l'alimentaire frais – le bouclier tarifaire ne concerne que le tarif bleu d'EDF, là où la plupart des boulangeries sont énergivores et donc en tarif jaune (C4). Alors, une aide pour les entreprises énergivores ? Mince encore, malgré deux assouplissements, ces établissements ne cochent toujours pas les cases, constat que parvient à faire l'artisan une fois qu'il a réussi, ou non, à décrypter les conditions posées par le gouvernement.
Sur place lundi au départ du cortège à Nation, une dizaine de députés La France insoumise et du Rassemblement national, le député Debout la France Nicolas Dupont-Aignan, et Jean Lassalle ont rejoint le mouvement pour un peu de récupération politique. Pas sur place : la Confédération nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française n'a pas appelé à nourrir ce mouvement, puisque les négociations sont toujours en cours.
Le bilan qu'on voudrait en tirer, dans ce cas précis de la boulangerie mais également pour ô combien d'autres métiers : nos ministres sont dans le pétrin de leur méconnaissance du quotidien des Français qui se lèvent et travaillent, par passion et par vocation bien souvent. Si la modeste requête est de pouvoir vivre décemment de son métier, le combat à mener désormais est d'exiger que de hautes valeurs – et non des courbes de croissance – soient soutenues par nos lois et par notre réglementation. Si seulement ils savaient “là-haut” que l'on peut être heureux sans être millionnaire mais en exerçant un métier de passion et d'utilité, et que leur incapacité à trouver des solutions protectrices et encourageantes donne à goûter le mépris qu'ils portent à leur propre fonction.
La dernière manifestation de la profession daterait de 1956, selon un témoignagne archivé par le journal Le Monde.