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La dernière campagne nationale de promotion du bio tire parti de la bonne image des circuits courts.
La dernière campagne nationale de promotion du bio tire parti de la bonne image des circuits courts. © DR

Le bio fait sa crise… d’adolescence ?

Avec une nette baisse de la consommation bio et une concurrence vive du label Haute Valeur Environnementale, l’agriculture biologique traverse des difficultés importantes qui font craindre un retour en arrière des surfaces converties. Crise profonde ou crise passagère ?

Le slogan “On marche sur la tête”,revendiqué par de nombreux agriculteurs français en colère (et relayé par des actions de terrain visant à retourner les panneaux indicateurs des noms de communes) pourrait s’appliquer à l’Agriculture Biologique (AB). D’un côté, l’État français s’engage sur un objectif de 18 % de la surface agricole utile dédiée au bio d’ici à 2027 (contre 11 % actuellement) ; de l’autre, les consommateurs boudent le label et les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à douter de la rentabilité économique du modèle.

Des ventes en baisse

Pour comprendre la situation, un constat d’abord. Après des années de hausse, en 2022, le montant total des achats des produits alimentaires certifiés AB a reculé de 4,6 % par rapport à 2021 (tous secteurs et circuits de vente confondus). Du jamais vu depuis dix ans, d’autant que cette chute se cumule à celle enregistrée en 2021 (- 1,3 %).

Ces chiffres doivent toutefois être mis en relation avec la consommation alimentaire générale, qui recule elle aussi, en conséquence directe de la crise inflationniste, comme le précise l’Agence Bio dans son rapport annuel (Panorama des chiffres du bio 2022). « En 2022, l’inflation met à mal le pouvoir d’achat des Français et les conduit à devoir dépenser plus et à consommer moins. La consommation alimentaire des ménages à domicile atteint 199 milliards d’euros en 2022 versus 196 milliards d’euros en 2021. Cette hausse de trois milliards d’euros s’explique par les 6,8 % d’inflation moyenne des produits alimentaires selon l’Insee car, calculée hors inflation, la consommation alimentaire des ménages à domicile accuse une baisse de 5,1 %. Les produits alimentaires biologiques sont également touchés par l’inflation, mais dans une moindre mesure (+ 4 %) », peut-on y lire.

La courbe des ventes de produits bio amorce une tendance baissière inquiétante. (© DR)

Un label qui ne séduit plus

L’inflation sur l’alimentaire expliquerait-elle à elle seule ce recul des ventes en bio ? Pas vraiment. « Plus inquiétante que la baisse du marché, est la baisse de la part du bio dans le panier des Français. Elle passe de 6,5 à 6 %, indique Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio. Tandis que chez nos voisins danois, autrichiens, luxembourgeois, suisses, elle est à 10 % ou au-delà. Imaginons : si demain nous atteignions ces taux ? La bio sortirait définitivement de son segment de marché, pour devenir le vecteur clé de la transition agricole et alimentaire. »

La marque AB attire donc moins, comme le confirme une étude de l’Observatoire société et consommation, Baromètre des produits biologiques en France 2022. Les consommateurs se disent moins attentifs au logo AB au moment de choisir un produit alimentaire (- 11 % en 2022 versus2021), comme ils se désintéressent d’ailleurs des autres signes de qualité (Agri Confiance, Haute Valeur Environnementale [HVE], Bleu-Blanc-Coeur, Appellation d'origine protégée [AOP], etc.), estimant (à tort ou à raison) qu’il y a trop de marketing derrière.

Ils préfèrent désormais les circuits courts, avec ou sans étiquette. Ainsi, alors que les ventes en grande distribution et en magasins spécialisés enregistrent les plus fortes baisses (4,6 % et 8,6 % respectivement), seule la vente directe en bio (à la ferme ou sur les marchés) reste en croissance (+ 3,9 %). Le bio ET le local porteraient une promesse forte et rassurante.

La baisse des ventes bio concerne moins les artisans-commerçants et pas du tout la vente directe qui reste en croissance. (© DR)

Bataille de greenwashing

Il faut dire aussi que la bataille des labels écologiques, en particulier entre l’AB et le HVE, n’a pas consolidé la confiance envers le marketing des certifications. Le Synabio, syndicat national des entreprises agroalimentaires bio, estime que la certification HVE pose un problème de concurrence déloyale avec l’AB et s’est associé à un collectif qui a porté l’affaire devant le Conseil d’État.

Charles Pernin, délégué général du Synabio, en explique la raison. « Les certifications HVE, très présentes dans l’univers du vin, se sont accéléré en 2020 et en 2021 et ont essaimé vers les filières blé-pain — avec Intermarché notamment — et fruits et légumes. En seulement dix ans, les surfaces et le nombre d’exploitations en HVE sont arrivés au même niveau que celles en AB. La promesse Haute Valeur Environnementale porte une image d’excellence écologique alors que le cahier des charges est assez peu contraignant, notamment avec le nouveau référentiel. Les bénéfices écologiques sont aussi très discutables, comme le soulignent de nombreux rapports d’expertise — de la Cour des comptes et de l’Office Français de la Biodiversité, entre autres. Avec des coûts de production inférieurs au bio, le HVE permet aux producteurs de verdir leur image à moindres frais et de positionner des prix très attractifs », affirme-t-il.

Intermarché est un fervent promoteur du label HVE en filière blé-farine-pain. (© DR)

Réaction en chaîne

Au-delà de cette concurrence marketing (largement médiatisée en 2023), une question demeure : comment conduire l’agriculture vers des pratiques réellement plus écologiques si la demande ne suit pas ? La chute des ventes a en effet des répercussions directes sur la production agricole et sur la transformation (agroalimentaire).

En 2023, certains agriculteurs engagés en bio ont été obligés de déclasser leurs marchandises pour pouvoir les écouler, et se retrouvent confrontés à des problèmes de rentabilité. Les industries de la bio ont perdu 2,7 % de chiffre d’affaires sur le premier semestre 2023 (vs le premier semestre 2022)d’après l’Agence Bio, confirmé par le Synabio).

Conséquence : le désir de se convertir au bio est en berne. Les surfaces en conversion ont chuté de 24,2 % (en 2022 vs 2021) et le nombre de producteurs engagés en bio depuis moins d’un an a enregistré une baisse de 33 %. Des records historiques ! Avec une production et une transformation en panne, le risque de vouloir dé-convertir les surfaces est grand, ce qui serait une mauvaise nouvelle pour la France, qui reconnaît malgré tout la valeur du modèle.

« Ces pertes subies par les filières ont déjà entraîné un désir grandissant de renoncer à l’agriculture biologique, mettant en péril nos objectifs de transition vers une agriculture plus saine et durable », alerte La Maison de la Bio, une association regroupant les six principales organisations de défense des filières bio (dont Synabio, Forébio, Cosmébio).

Les produits bio vendus en vente directe ne connaissent pas la crise. (© A. TANDEAU)

Des aides pour la transition

Alors que l’Assemblée nationale avait acté une aide d’urgence de 271 millions d’euros (M€) pour la filière bio dans le cadre du projet de loi de finance 2024, le gouvernement Borne avait bloqué l’adoption de cette mesure en novembre 2023, malgré la demande insistante des représentants de la filière (Synabio, Forébio, la Coopération Agricole et la Fédération nationale d’agriculture biologique). Pour le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fesneau, la crise qui frappe l’agriculture bio est « principalement une crise de la demande », et non de l’offre.

Se ravisant peu après, ce dernier avait annoncé le 1er décembre 2023 34 M€ d’aides supplémentaires pour les agriculteurs bio (qui s’ajoutent aux 60 M€ débloqués en mai 2023). L’enveloppe est destinée aux entreprises les plus fragilisées, à savoir celles qui peuvent justifier d’une perte de résultat annuel et de trésorerie de plus de 20 %. En complément de ces 94 M€ d’aide spécifique au bio, le ministère de l’Agriculture a aussi débloqué, le 19 décembre 2023, 150 M€ de subventions pour financer les mesures agro-environnementales et climatiques encouragées par le gouvernement en vue de tenir le cap de la réduction des émissions carbone.

Sortir de la logique des marchés

En France, il apparaît que l’agriculture biologique relève de plus en plus d’un socle technique de référence, certes perfectible mais essentiel si le pays veut réussir sa transition agroécologique. Il est donc urgent de soutenir la production bio s’il souhaite atteindre son objectif de 18 % de la surface agricole dédiée au bio à l’horizon 2027. Même si notre pays est en pole position au sein de l’Union européenne pour ce qui est des surfaces totales cultivées en bio, il n’en reste pas moins qu’il est à la traîne (13e place) pour ce qui est de la part de terres agricoles dédiée au bio (11 % en 2022).

Le risque de décrochage est donc réel si on laisse le marché équilibrer le marché, comme le laisse entendre le dogme capitaliste ayant longtemps prévalu dans les hautes sphères politiques et industrielles. Il est à craindre que cette logique soit surtout en train de détériorer le capital de production bio construit depuis des décennies. Il semblerait plus judicieux d’aider les agriculteurs qui se battent pour sauvegarder leurs outils de production et de trouver des débouchés locaux plutôt que de financer ceux qui vont là où les meilleures opportunités les portent. Les entreprises qui œuvrent en circuits courts ou sur des productions sous contrat ne sont-elles pas les plus prometteuses pour l’avenir ?

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