Traditionnellement tournées vers la grande distribution ou la restauration, les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (PME-ETI) fabriquent toujours plus pour le secteur de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP). C’est ce qui ressort du Baromètre 2024* de l’activité des fournisseurs PME-ETI du secteur de la restauration hors domicile (RHD), édité pour la deuxième année consécutive par la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef).
La restauration hors domicile, un secteur porteur
« La restauration hors domicile est un marché porteur qui ouvre des opportunités de croissance pour nos entreprises, avec une offre diversifiée répondant aux attentes des acteurs du circuit », estime de manière générale le président de la Feef, Léonard Prunier, dans le communiqué de presse. Lui même propriétaire de la maison Prunier, charcuterie familiale qui écoule auprès de ce secteur rillettes, pâtés...
Quelque 600 des 1 100 PME-ETI adhérentes à la fédération travaillent ainsi avec la RHD. Des entreprises comme le fabricant de pâtes Alpina Savoie, celui de préparations lactées Marie Morin, le distributeur-fabricant de boissons bio et naturelles AlterFood, celui d’ingrédients Sainte Lucie, l’apiculteur Famille Michaud, etc.
La RHD représente 23 % du chiffre d’affaires des PME-ETI interrogées. Celui-ci a progressé entre 2022 et 2023 pour 64 % d’entre elles, les volumes écoulés ayant augmenté chez près de la moitié (49 %) — la distinction entre les deux postes étant effectuée du fait de l’inflation, qui touche inégalement le prix des matières premières.
Les PME-ETI investissent la boulangerie
La BVP est le troisième débouché RHD — 46 % de ces PME-ETI lui vendent leurs produits, principalement via les grossistes que sont Backeurop, Pomona Délice & Création, Coup de Pates et Le Groupe Le Duff —, derrière la restauration commerciale (les restaurants) et la restauration collective (écoles, hôpitaux, armée).
Un circuit de commercialisation « qui a toujours existé », mais que la responsable relation RHD de la Feef, Carole Cazaban, « voit émerger depuis cinq ans ». Les PME considèrent ainsi toujours plus la BVP, « comme un circuit du hors domicile avec un potentiel en termes de business », indique-t-elle.
« La BVP a changé. Avant on y allait pour chercher du pain, un croissant, un pain au chocolat ou un sandwich, poursuit-elle. Aujourd’hui, on s’y rend pour acheter un menu déjeuner ; et, dans ce menu, il y a une boisson, un dessert, une salade : là réside le nouveau levier business pour les adhérents de la Feef, sur des items qui n’ont rien à voir avec le monde de la panification mais plutôt avec celui de la boisson, du fromage, du yaourt ou de la charcuterie. »
Une dynamique accélérée par le covid et le télétravail
La BVP réunit ainsi plusieurs offres auparavant dispatchées entre les grandes surfaces, les bars ou les restaurants. « On peut y boire un café le matin, y acheter son déjeuner le midi et commander une tarte pour un goûter organisé au bureau l’après-midi », illustre la responsable relation RHD.

Pour Carole Cazaban, le covid a « accéléré » une dynamique : « La BVP a effectué un bond incroyable post-covid auprès de nos adhérents : c’est un monde qui est resté ouvert — avec la grande distribution — pendant la pandémie, prenant le relais de celui de la restauration sur le cœur du repas du midi, et même parfois du soir, justifie-t-elle. La boulangerie s’est aussi muée en petite épicerie fine, proposant de la vente additionnelle, par exemple des confitures, des pâtes à tartiner, des pâtes de fruits, ce qui ne relevait pas de son cœur de métier traditionnel. La généralisation du télétravail en a ensuite fait un nouveau circuit de consommation hors domicile pour la pause déjeuner. »
Autre tendance favorable aux PME-ETI, le fait maison. « Une salade parisienne faite sur place, avec du jambon, de l’emmental, de l’œuf, par exemple : les boulangeries qui la proposent doivent acheter ces ingrédients, détaille la responsable relation RHD de la Feef. Même chose pour la charcuterie des croque-monsieur, artisanaux justement et pas surgelés. »
De nouvelles exigences chez les consommateurs
Devenues des « acteurs majeurs de l’instant déjeuner », les entreprises de la BVP diversifient leur offre de produits, et donc leurs fournisseurs. « C’est flagrant sur la boisson. Il y a dix ans, il y avait essentiellement un grand groupe commercialisant des boissons gazeuses, sucrées ou non. Aujourd’hui, les consommateurs veulent des thés moins sucrés, des jus de fruit frais sans sucres ajoutés, et ça, ce sont des PME-ETI qui les proposent. »
Une mutation de la BVP qui s’articule, explique Carole Cazaban, autour de l’instant de consommation. « L’instant de consommation c’est ce qui a fait progresser le monde de la BVP. C’est lui qui dirige le circuit de consommation des clients. Je peux rentrer chez moi et vouloir, par exemple, un excellent pain bio au levain de filière française ; et, à côté de ça, avoir envie d’un donut — un instant gourmand à moins de trois euros —, sans me soucier qu’il soit bio ou sans matière grasse ajoutée. Les deux ne s’opposent pas. »
La RSE, un impératif désormais
Nettoyage des recettes — moins de sucres, moins d’additifs —, optimisation écologique de la logistique, bien-être des collaborateurs au travail : il est néanmoins de plus en plus demandé aux PME-ETI de mettre en avant leurs engagements en termes de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), conclut le baromètre de la Feef. « Les exigences en la matière augmentent du côté des clients, abonde Carole Cazaban. La RSE n’est plus une valeur ajoutée, elle est une nécessité, quel que soit le circuit, et la RHD n’y fait pas exception. »
* L’étude a été réalisée du 26 février au 16 avril 2024 auprès des adhérents de la Feef sur un échantillon composé à 54 % de PME, 34 % d’ETI et 7 % de TPE. Quelque 170 d’entre elles ont répondu, dont seulement « 3 ou 4 Très Petites Entreprises », selon Carole Cazaban.