Rien ne ressemble plus à un sucre blanc de betterave qu’un autre sucre blanc de betterave. À l’opposé, il existe de par le monde une riche variété de sucres de canne peu transformés. Ils sont obtenus après extraction du jus, puis cuisson jusqu’à évaporation du liquide, et enfin malaxage ou broyage du résidu solide pour obtenir un bloc ou une poudre. Généralement colorés et relativement humides, ils contiennent plus de 90 % de sucres, et des nutriments (calcium, magnésium, etc.) en proportions variables.
Parmi les plus connus figurent le rapadura, produit notamment au Brésil, et le muscovado de l’île Maurice. Ils appartiennent à la grande famille des sucres de canne bruts qui n’ont pas été centrifugés pour en retirer la mélasse, comme le mascobado aux Philippines, le piloncillo au Mexique, le panela au Pérou, le jaggery ou gur en Inde, le tapa de dulce au Costa Rica ou encore le kokuto au Japon, sans oublier le galabé de La Réunion. Bien qu’apparentés, ces sucres présentent des singularités liées à leur origine : ils ont été façonnés à la fois par la nature et par les savoir-faire humains, qui diffèrent selon les régions du globe.
Poudre ou bonbon
Alors que muscovado et rapadura se présentent sous forme de poudre, le gur indien, très cristallisé, se casse au marteau. Producteur de galabé à La Réunion, Alexis Rivière décrit son produit comme « un bonbon ayant l’aspect d’un caramel figé mais non collant, dont la texture crayeuse fond en bouche et tapisse le palais ». Ce sucre singulier peut être simplement servi en cube avec un café, mais il se cuisine également. Le pâtissier réunionnais Julien Leveneur, champion de France 2022 des desserts, le transforme en caramel ou en sirop dans des créations aux saveurs exotiques.
Au Japon, le kokuto, non raffiné ni centrifugé, est humide et très brun, avec des « arômes complexes de terre et de chocolat » qui peuvent même se teinter de notes fumées si le jus de canne a été bouilli au-dessus d’un feu de bois, d’après l’importateur spécialisé Umami. Beaucoup plus doux est le sensoto : filtré et centrifugé, il contient juste ce qu’il faut d’impuretés (résidus de mélasse) pour lui donner un peu de corps et de couleur. Enfin, le wasanbon est un sucre traditionnel de l’archipel. Bien qu’il soit raffiné, son lent processus de transformation entièrement à la main en fait une rareté indissociable du terroir japonais.
Segmentation fine
L’industrie sucrière de l’île Maurice joue encore plus finement sur les différents curseurs du process de transformation, en proposant une vingtaine de sucres de spécialité plus ou moins raffinés. Sa gamme présente une palette de couleurs allant de l’or pâle au brun foncé, et différentes granulométries. Plus les sucres sont foncés, plus ils contiennent de mélasse. Leur pouvoir sucrant est alors plus faible mais leurs arômes plus variés et intenses. Le dark muscovado, qui contient 15 % de mélasse, sent le pain d’épices et révèle en bouche des notes très prononcées de caramel, de réglisse et de datte fraîche. Plus doux et clair, avec seulement 7 % de mélasse, le light muscovado présente des notes de caramel au beurre évoluant vers les fruits confits. Par ailleurs, les différentes granulométries influent sur la vitesse de dissolution. Avec ses larges cristaux croquants, le demerara XL se dissout lentement et se destine plutôt au décor et au saupoudrage en fin de préparation.