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La levure Naturelle, biologique, écologique ?

Le législateur cherche à clarifier les allégations environnementales, notamment dans la filière alimentaire. Quelle étiquette revient de droit à la levure ?

La ménagère avertie sait bien que sa levure biologique n'est pas biologique, « bio » si vous préférez. Elle reconnaît aisément qu'elle n'en est pas moins naturelle, contrairement à la levure chimique, dont l'appellation « levure » est d'ailleurs source de confusion. Quant à savoir si le produit est écologique, c'est encore autre chose. Car, voyez-vous, on peut être « naturel » sans être forcément « biologique », ni « écologique ». Vous suivez ?

 

La nature apprivoisée

La Chambre syndicale française de la levure (CSFL) nous aide à y voir clair. Justement, le syndicat mène depuis un an une campagne de communication auprès des artisans (et bientôt des écoles en boulangerie) pour promouvoir la naturalité de la levure.

Emmanuel Guichard, son secrétaire général, reconnaît que « pour la levure de boulangerie, le terme "origine naturelle" est plus approprié que "naturel". Il indique indirectement que le savoir-faire humain est nécessaire pour apprivoiser cet être vivant microscopique. »

Les cellules de levure se retrouvent en effet naturellement présentes dans l'environnement. Elles ne sont donc pas fabriquées par l'homme, mais ce dernier est indispensable pour sélectionner et multiplier le champignon en fermenteur.

« Nous partons d'une souche pure que nous cultivons en milieu liquide, riche en sucre et en oxygène et supplémenté en micronutriments. Nous contrôlons le bon déroulement de la croissance afin que d'autres contaminants ne se développent pas et que le produit fini soit totalement conforme au cahier des charges. Obtenir une levure régulière et répondant aux normes microbiologiques, c'est tout l'art du levurier ! », explique-t-il avec pédagogie.

 

La production de levures bio est dépendante de l'industrie sucrière bio.

 

La bataille des allégations

En allant un peu plus loin, on se rend compte que ce secteur bio-industriel cherche à sortir son épingle du jeu dans le grand « bazar » des allégations environnementales.

L'appellation invoquant une appartenance à Mère Nature est notamment en ligne de mire de la répression des fraudes qui ne sait plus à quels saints se vouer.

« La naturalité, cela fait vendre aujourd'hui. La DGCCRF a tenté de mettre les choses au clair, mais elle n'a pas encore réussi. Le débat juridique est très complexe car la définition même de "nature" est à dimension variable. Il y a un flou qui fait que le cadre réglementaire n'est pas encore défini », commente- t-il.

En attendant, les tromperies prospèrent… Le Conseil national de la consommation (CNC) travaille ardemment sur le sujet. Diable, la levure ne serait donc pas si naturelle que ça ?

Emmanuel Guichard précise que « la note de la DGCCRF préconisait que le terme "origine naturelle" soit appliqué aux produits provenant de la nature et vendus en l'état après avoir subi un traitement non dénaturant. Les lignes ne devraient pas bouger pour nous, ce qui n'est pas le cas de toutes les industries alimentaires. »

Le bio inapplicable ?

« Notre motivation ne se situe pas dans le cadre d'une stratégie de marketing offensive, mais plutôt dans une ligne défensive. Si on n'y prend pas garde, l'évolution législative pourrait très bien placer le produit dans le champ des ingrédients non naturels. Ce qui serait totalement injustifié », recadre le secrétaire général.

L'usage de l'allégation « origine naturelle » sur les pains de levure (et a fortiori sur le pain) n'est en effet pas pertinent, car il signifierait qu'il existe une levure fraîche non naturelle.

Dans les négociations sur la nouvelle réglementation bio (CE 834/2007), le syndicat a été plus offensif par la voix de la Cofalec du fait que la production en bio ne lui était pas favorable. Mais pour l'heure, aucune inquiétude.

« La levure n'est pas un produit d'origine agricole, poursuit Emmanuel Guichard. L'ancienne réglementation sur le bio ne pouvait donc s'y appliquer. Depuis janvier 2009, c'est différent. Une levure peut désormais exister en bio ! Cependant, la levure non bio peut être utilisée en panification bio. En 2014, il est possible que la levure soit assimilée à tort à un produit agricole, auquel cas elle rentrerait dans les 5 % d'ingrédients non biologiques autorisés en bio. »

Le débat n'est donc pas clos, et le combat des levuriers loin d'être fini.

par Armand Tandeau (publié le 8 novembre 2010)

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