Dossier
Tout utilisation du label bio sur les produits ou dans la communication doit s'accompagner d'un certificat valide (ici, application ABC - Minoterie Girardeau).
Tout utilisation du label bio sur les produits ou dans la communication doit s'accompagner d'un certificat valide (ici, application ABC - Minoterie Girardeau). ©A. Tandeau

Les points clés de la panification bio (1/2)

De la fabrication à la mise en rayon, en passant par le nettoyage, la traçabilité ou l’exploitation du label Agriculture Biologique, la panification bio exige de suivre un cadre technique et administratif relativement strict. Revue de ce qu’il est essentiel de connaître.

La panification bio s’inscrit dans un cadre technique et administratif relativement rigide. Premier point (qu’il est toujours bon de rappeler) : pour utiliser le label Agriculture Biologique ([AB] français) ou Euro-feuille (européen), il est impératif que le procédé de production du produit alimentaire soit certifié bio par un organisme certi­ficateur accrédité (le comité français d’accréditation [Cofrac]), et agréé par l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao). Pour utiliser ces logos, les artisans doivent donc tenir à dispo­sition des agents de contrôle un certi­ficat en règle à jour.

Les deux labels sont équivalents et alignés sur la même réglementation européenne, dont une nouvelle version est entrée en vigueur depuis un an (voir 2. du dossier). Vous pouvez donc utiliser l’un et/ou l’autre label en boulangerie, sauf concernant les produits pré­emballés, pour lesquels l’Euro-feuille est obligatoire (avec un certain nombre de mention­s).

Subtilités du label

Le label bio n’est cependant pas toujours judicieux à mettre en avant dans un univers artisanal. Certains boulangers exploitent ses logos uniquement dans leur communication ou leurs publicités sur le lieu de vente (PLV). Même dans le cas d’une utilisation discrète du label, sachez que l’intégralité de la production doit être certifiée bio.

D’autres professionnels font le choix de travailler avec une majorité d’ingrédients bio sans entrer dans la certificatio­n. Dans ce cas, ils n’ont pas le droit d’utiliser le label bio mais peuvent valoriser leur choix autrement : soit oralement (en magasin, dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, etc.), soit par écrit (via un simple texte inscrit sur divers supports) ou visuellement (par exemple, en disposant les sacs de farines biologiques à la vue des clients). D’autres encore, au contraire, s’engagent dans la certification sans exploiter le label pour répondre, par exemple, aux appels d’offres de la restauration collective ou aux prérequis de démarches bio ou RSE (responsabilité sociétale des entreprises) plus engagées, comme BioED, Biopartenaire ou Bio Cohérence.

Ingrédients et recettes

Deuxième point essentiel : les matières premières. Pour simplifier, tous les ingrédients bruts ou transformés d’origine agricole entrant dans la compo­sition d’une recette bio doivent être certifiés bio, à l’exception de rares produits (voir 2. du dossier). Quel que soit le producteur ou le transformateur, il faudra obtenir de lui (ou via le distributeur) le ou les certificat(s) de garantie de production biologique.

Ces documents doivent être tenus à la disposition des agents de contrôle, ainsi que toutes les factures d’achat et bons de livraison, sur lesquels figurent impérativement la mention du caractère bio. Toutes les recettes (ou fiches de production) ont également pour obligation d’être mises à jour et accessibles, ainsi que les fiches techniques des ingrédients non bio et des additifs utilisés.

64003_document.jpg

La charge administrative reste accessible pour les entreprises qui ont appris  piloter leur traçabilité. © A. Tandeau

Enfin, pour finir sur le volet administratif, veillez à tenir une comptabilité séparée (achats/ventes) et à enregistrer vos fabrications (produits, quantités fabriquées, dates, identification et quantités des ingrédients présents) dans un support prévu à cet effet (papier, digital). La traçabilité peut paraître assez lourde, mais une fois qu’elle est calée, cela devient plus simple !

Conventionnel : moins de tolérance

Vous noterez que les ingrédients mineurs d’origine agricole non certifiés (épices, aromates, arômes, alcools, etc.), pour lesquels vous aviez peut-être obtenu une certaine tolérance de la part de votre organisme certificateur (voire une dérogation officielle), ne sont plus autorisés. La procédure de dérogation officielle existe toujours, mais elle passe par l’Inao et elle n’est restée ouverte qu’en vue de remplacer des ingrédients bio momentanément indisponibles sur le marché français (rupture, pénurie).

Même si la législation maintient à 5 % maxi la part des ingrédients conventionnels d’origine agricole utilisables dans vos recettes bio, en pratique seuls quelques rares composants sont admis. C’est le cas des levures, de certains additifs agricoles et arômes naturels, ainsi que de quelques ingrédients non bio (qui sont autorisés par des textes ou par dérogation [voir 2. du dossier]).

S’agissant des ferments utilisés en panification, sont toujours acceptés le levain naturel élaboré à partir de farines bio, le levain commercial prêt à l’emploi certi­fié bio, ou la levure de boulangerie en pains et sous forme liquide (certifiée bio ou conventionnelle).

Rappelons que la levure de boulangerie est considérée comme un ingrédient d’origine agricole uniquement pour le calcul du pourcentage de bio. Même s’il existe diverses références bio pour les professionnels (Bioreal d’Agrano, L’hirondelle Biorganic de Lesaffre), la législation autorise toujours la levure conventionnelle, dans la limite des 5 % sans compter l’eau et le sel.

Le cas des additifs et minéraux

Pour les additifs, la liste des produits autorisés et des denrées dans lesquelles ils peuvent être ajoutés est donnée en annexe V-partie A du règlement européen n °2021/1165. On y trouve divers composés naturels, notamment des acides organiques utilisables en panification (acides lactique, citrique, ascorbique, etc.). Dans cette liste, des composés (d’origine agricole) entrent dans le pourcentage bio/non bio, alors que ceux non agricoles sont utilisables librement (ils sortent du calcul).

Parmi les additifs agricoles, certains doivent être issus d’une production bio (lécithine, gommes de caroube ou de guar, etc.) alors que les autres (marqués d’un astérisque) doivent être comptabilisés dans les 5 % d’ingrédients non bio autorisés. Pour les pains bio et sans gluten, la liste doit être étudiée de près !

64004_document.jpg

Il existe plusieurs références de sel adaptées  la panification biologique. © A. Tandeau

Concernant les additifs minéraux non agricoles, ainsi que l’eau et le sel (qui ne sont pas à prendre en compte dans le pourcentage bio/non bio), il n’y a guère d’évolution. Même si la certification bio sur le sel alimentaire est désormais autorisée par la nouvelle réglementation, le sel conventionnel peut être utilisé, à condition de ne pas contenir d’additifs interdits en bio (antiagglomérants), comme c’est le cas du sel de mer non traité (sel de Guérande ou de Camargue, Fournisel de Salins, etc.). La nouvelle législation réduit également les usages des arômes alimentaires naturels non bio (voir 2. du dossier).

La garantie de non-mélange

64002_document.jpg

Le nettoyage des équipements entre chaque production est impératif pour les fournils qui proposent une gamme bio dans une offre conventionnelle. © A. Tandeau

Dernier point fondamental : la séparation des process bio et conventionnel. Pour éviter les confusions et le mélange des ingrédients, la réglementation impose de séparer les circuits (procédés et produit­s).

64005_document.jpg

Disposer sa gamme bio dans l'espace sec du linaire permet de mettre en avant ses produits tout en respectant la législation. © A. Tandeau

Stockage des matières premières, pétrissage, façonnage, fermentation, cuisson, ressuage, mise en rayon… l’idéal est de ménager des espa­ces dédiés au bio et au conventionnel, en production et à la vente. En pratique c’est difficilement tenable et les équipements sont souvent partagés.

Si vos procédures de nettoyage sont rigoureuses, vous pouvez séparer vos productions dans le temps en nettoyant les outils et les surfaces entre chaque proces­s (pétrin, tour, balance, diviseuse, dalle de four, etc.). Les couches et les bacs (voire les armoires de fermentation) doivent par contre être consacrés à chaque fabrication.

64001_document.jpg

Intégrer un process bio dans un fournil conventionnel toujours enfariné nest pas tenable sur le long terme. © A. Tandeau

Sachez que les contrôleurs n’exigent pas une hygiène microbiologique, comme attendue en pâtisserie ou en restauration, mais un nettoyage minutieux (avec des produits réglementaires, voir 2. du dossier) pour éviter les apports de farine conventionnelle (et de résidus de pâte) sur les produit­s bio (les poussières de farines émises dans l’air sont acceptées). Si votre fournil est toujours enfariné, il serait plus sage de tout passer en bio (ou de rester en conventionne­l).

À lire également
Une boulangerie de campagne, telle un phare dans la nuit.

Dossier

Boulangeries : réanimer le cœur des campagnes

La boulangerie demeure pour les Français le commerce le plus important à avoir près de chez soi. Mais que faire quand la dernière boulangerie du village ferme ?

Jean-François Fayard vend ses produits à Comptoir de campagne.

Dossier

Intégrer une halle multiservice (3/3)

Tout en restant indépendant, Jean-François Fayard délègue la vente de ses produits à Comptoir de campagne, qui a ouvert un commerce multiservice dans son village.

Les locaux de la T46, dont l'offre est plurielle.

Dossier

Dans le Lot, la T46 paye sa tournée (2/3)

En reprenant le dernier commerce du village de Concots, Thibault et Quentin ont bravé le pessimisme des banques pour produire le pain quotidien de centaines de Lotois. Ils ont également développé la pâtisserie...